Violaine Muûls conte des histoire aux enfants

Les classes maternelles de la région de Bruxelles-Capitale doivent faire face à un afflux constant de jeunes enfants défavorisés ne connaissant pas, ou très peu, le français. Les Papy et Mamy de l’asbl Abracadabus se rendent dans ces écoles pour lire ou conter des histoires à trois enfants à la fois. Le témoignage de Violaine Muûls, bénévole.

 » La rencontre chaque semaine avec les enfants de deux écoles à Saint-Gilles, l’Ecole Ulenspiegel et de l’Ecole 1 et 2, est pour moi un réel plaisir. J’ai toujours aimé conter des histoires aux enfants. Les miens d’abord, ceux de l’école où ils ont fait leur scolarité ensuite. Ces enfants avaient la chance d’avoir des parents francophones.

Ils viennent de loin

Dans les deux écoles de Saint-Gilles où je suis Mamy Violaine, la plupart des enfants viennent de contrées lointaines. Sur une classe de 18 enfants de 3e maternelle à Ulenspiegel, 1 seul est né Belge. Capter leur attention, leur donner le goût des livres, susciter leur envie d’apprendre à lire et espérer un peu les aider dans l’acquisition de la langue française sont des buts très motivants. Ce que je leur donne, les enfants me le rendent au centuple. Quelle joie d’être accueillie par eux ! Tous veulent venir... chacun aura son tour. A l’Ecole 1&2, en lisant le jeudi de 9h à 12h30, aux enfants des 3 classes de 3e maternelle, 48 au total, il me faut environ 3 semaines pour que tous aient entendu 1 de mes 2 histoires du mois.

Pourquoi 2 histoires différentes ? Parce que désormais, avec l’aide des institutrices, j’essaie de faire des groupes plus ou moins homogènes quant à la connaissance de la langue.

Une histoire simple

Bien que je lise aux enfants de 3e maternelle (5 et 6 ans), plusieurs parlent peu, sinon pas du tout le français. Pour ceux-là, je choisis une histoire simple, comme Sur les genoux de maman : une phrase par double page, et souvent, comme une petite rengaine, une phrase répétitive (dans ce cas-ci, maman se balance avec son fils sur un fauteuil à bascule et les mots  » en avant, en arrière «  reviennent toutes les 2 pages). Comme la maman, je me balance et j’invite les enfants à m’imiter en disant  » en avant, en arrière « . Avec mon index, je suis le texte écrit puis j’insiste longuement sur les images. Je pose des questions simples qui ne demandent qu’un  » oui  » ou un  » non « : c’est un petit chat ? Je revois une deuxième fois le livre avec eux et à ce moment-là je demande,  » et là, c’est qui ? «  en montrant le petit chat. Avec ces enfants souvent  » muets  » car ils ne possèdent pas les mots pour le dire, je m’assieds au milieu d’eux. Et chacun à son tour devient le Maître du livre: ce qui lui permet de tourner deux pages en suivant.

Ils sont fiers de connaître l’histoire

Aux enfants qui parlent un peu ou bien le français, je lis une histoire plus longue avec un peu de suspense et une série de personnages différents, ce qui m’amène à moduler ma voix selon les personnages. A force de lire l’histoire, je finis par la connaître presque par coeur, ce qui me permet de me placer face aux enfants, livre ouvert devant eux comme dans un film. Parce que je vois leurs réactions, je peux mieux m’y adapter (expliquer un mot qu’ils semblent n’avoir pas compris, susciter un regain d’intérêt en jouant sur la voix...). Ensuite, je leur propose de raconter chacun une page du livre, avec leurs mots. Et enfin, je mets à leur disposition des marqueurs pour qu’ils puissent dessiner les héros principaux de l’histoire. En rentrant en classe, ils sont fiers de le montrer à l’institutrice ou à leurs camarades et de raconter sommairement l’histoire. Ainsi quand je prends le groupe suivant, les enfants me disent tu vas nous raconter l’histoire de Didi Bonbond’Olga Lecaye ou Chien Bleu de Nadja ...

Difficile de retenir les prénoms !

J’ai des difficultés pour retenir les prénoms (Aya, Asma, Ayoub, Aïcha, Maruan, Yassine, Tymoteusz, Saifur, Soubane, Rayane, Taha, Kheira, Kylan, Youness, Yusri... ). Pour me faciliter cette mémorisation, l’institutrice a réalisé pour moi un grand cahier où la photo de chaque enfant figure sur le bord gauche de la page. Chaque fois, l’enfant repère sa photo, j’ajoute en face quel livre je lui ai lu, à quelle date, et avec quels autres enfants il était ce jour-là.

J’inscris aussi un petit commentaire. Il est intéressant de les relire ensuite. A un enfant où j’avais écrit « très timide, comprend mais ne parle pas « , à la lecture suivante j’ai inscrit  » participe timidement «  et à la 3e séance  » parle plus volontiers « . Un jour, une maman m’a raconté que sa fille lui avait dit,  » Je suis Mamy Violaine. Assied-toi là. » Et, à 4 ans, elle lui avait  » lu  » le livre avec ses mots !

J’espère que mon témoignage encouragera d’autres Mamy et Papy, qui ont sûrement beaucoup plus d’expérience que moi, à raconter quelques moments de leur vécu avec les enfants. Nous avons tous à apprendre les uns des autres...

D’autant plus que, suite au boom démographique, l’arrivée de 60.000 enfants dans les tros ans aux portes des écoles – aux portes car les bâtiments ne sont pas encore construits !- va nécessiter l’effort de tous pour que cela se passe harmonieusement.

Abracadus cherche des volontaires...

L’asbl Abracadabus veut maintenir des liens intergénérationnels et permettre à des enfants défavorisés de se familiariser avec le langage. Elle collabore avec 26 écoles de la région de Bruxelles-Capitale et recherche une centaine de bénévoles seniors. Ces papys et mamys iront, quelques heures par semaine, lire des histoires aux enfants de maternelle et les éveilleront au langage avec le soutien de jeux pédagogiques.

Asbl Abracadabus, rue Potagère 13/1, 1210 Bruxelles. 02.513.75.35 (mardi de 10h à 16h et jeudi de 10h à 12h) ou 0486.42.30.01. abracadabus@skynet.be, www.abracadabus.net

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire