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Un couple pour deux chambres à coucher : quand faire chambre à part redevient courant

Des ronflements aux biorythmes différents, les raisons pour lesquelles un couple belge sur cinq fait chambre à part varient. Si c’est excellent pour le sommeil, il ne faut pas occulter certains inconvénients...

 » Mon conjoint et moi faisons chambre à part depuis des années. Nous ronflons tous les deux, remuons beaucoup et avons des biorythmes différents. Nous partageons le même lit uniquement en vacances. Notre vie sexuelle n’en souffre pas. Nous nous couchons souvent ensemble le soir, nous somnolons même côte à côte, mais si l’un d’entre nous se réveille, il retourne dans sa chambre pour la nuit. Ou nous passons encore une heure ensemble le matin. Notre séparation nocturne a une grande influence sur notre vie. Nous sommes tous les deux bien reposés pour commencer la journée. Néanmoins, nous n’en faisons pas état. Les gens associent automatiquement le fait de faire chambre à part avec des problèmes relationnels ou sexuels « , confie Elizabeth.

 » Ce tabou a la vie dure. Plus encore chez les couples plus âgés, car ils ont l’impression que dormir ensemble est une condition sine qua non, constate Annelies Smolders, psychologue et experte en sommeil. Elle accompagne les personnes qui ont des problèmes de sommeil avec le programme Start-to-sleep. Dans ce groupe, de nombreuses personnes cherchent un endroit privilégié pour la nuit : la chambre d’ami ou une chambre d’enfant inoccupée. Il n’y a rien d’anormal à cela. Chacun a son propre cycle de sommeil. Et il est rare que notre rythme de sommeil coïncide parfaitement à celui de notre partenaire. Le sommeil est en effet composé de nombreuses phases de sommeil léger entre lesquelles ont peut se réveiller. Ceux qui ont un bon sommeil ne le remarquent pas, mais ceux qui ont le sommeil léger peuvent être réveillés lorsque celui ou celle avec qui ils partagent leur lit remue, éternue ou tousse. Chacun préfère dormir avec son conjoint, mais il faut aussi tenir compte des besoins en sommeil des deux intéressés. « 

Isabelle, 60 ans

« Mon premier mari fumait et ronflait, mais il ne pouvait pas supporter l’idée que je fasse chambre à part. Du coup, j’étais exténuée. Au bout du compte ça a fini en conflit et je me suis installée dans une chambre d’ami. Avec mon compagnon actuel, c’est tout à fait différent. Il est du soir et travaille en horaires décalés pendant la nuit. Nous ne pouvons pas dormir en même temps. Nous respectons le rythme de l’autre. Les moments où nous pouvons partager le lit comme les week-ends, nous en profitons doublement. »

Quel confort !

Chaque époque et chaque culture a ses propres normes. Il y a à peine quelques siècles, chacun regagnait son lit pour la nuit. Cette tendance a changé lorsqu’on a commencé à quitter les campagnes pour s’installer dans les villes : les maisons étant plus petites, on partageait la chambre à coucher par nécessité. Dans les familles plus riches, il était courant que madame et monsieur fassent chambre à part et qu’ils frappent à la porte de l’autre pour les galipettes. Ces dernières années, on s’oriente vers une approche plus pragmatique où le confort de sommeil prime. Grâce à de meilleures connaissances scientifiques en matière de sommeil, on accepte mieux l’idée qu’il est possible de faire chambre part et d’entretenir une bonne relation.

Une étude a ainsi démontré que dormir seul permet de gagner en moyenne 3,5 h de sommeil par semaine.  » On passe la nuit dans des conditions idéales : température, degré d’obscurité et zéro dérangement, remarque Annelies Smolders. Mais la médaille a son revers : les couples qui dorment ensemble affirment se sentir plus en sécurité, tant physiquement que psychologiquement. Ce sentiment remonte à la période préhistorique lorsque les humains dormaient les uns près des autres par peur des animaux sauvages et autres dangers. Ce sont surtout les femmes qui éprouvent le besoin de pouvoir s’abandonner aux côtés de leur compagnon : elles s’endorment et dorment mieux. En faisant chambre à part, les femmes s’inquiètent plutôt de rester éveillées tandis que les hommes se préoccupent plus de l’impact sur leur vie sexuelle. « 

Robert, 72 ans

Nous sommes mariés depuis cinquante ans et nous partageons le même lit chaque nuit avec plaisir. Nous ronflons tous les deux, mais ce bruit a quelque chose de rassurant pour nous. Cela démontre que l’autre dort et peut nous aider à nous endormir. Même quand l’un de nous a la grippe ou est bien enrhumé, nous continuons à partager nos nuits dans notre cocon protecteur. En hiver, nous sommes souvent serrés pour nous réchauffer. Notre vie sexuelle a évolué vers des câlins et des caresses, ce qui nous convient très bien. Faire chambre à part ? Je trouverais ça très difficile.

Et l’intimité dans tout ça ?

 » Si l’un des deux dort mal tout le temps, sa libido baisse et le sexe passe à la trappe, observe Annelies Smolders. Il y a un peu plus de chances de faire l’amour lorsque les conjoints partagent le même lit car les contacts sont plus faciles, surtout s’ils dorment nus. Chez les femmes, ces contacts cutanés libèrent de l’ocytocine, l’hormone du plaisir. Il est possible d’y remédier en convenant de certaines choses. Dans la pratique, la plupart des couples conviennent souvent inconsciemment des moments où ils ont des rapports sexuels. Ils ne doivent pas nécessairement avoir lieu au moment du coucher. Pourquoi ne pas prévoir cette activité en début de soirée. Une relation de qualité et où la communication est reine ne sera pas mise en danger sur ce point. « 

Même si nous abordons le sommeil de manière rationnelle, c’est souvent un choc lorsque notre partenaire fait son baluchon pour la nuit. C’est le témoignage d’Ingrid dont le mari a pris cette initiative après quarante ans de lit commun.  » J’ai trouvé ça dur et j’avais le sentiment qu’il ne me pouvait plus me supporter. Il m’a aussi reproché que je remuais trop et qu’il avait donc froid. Entre-temps nous avons trouvé notre rythme et je ressens même les nombreux avantages de dormir dans ma chambre fraîche. Cela marche pour nous et nous nous surprenons régulièrement l’un l’autre. « 

Si l’un des deux conjoints exprime le désir de dormir seul, il est crucial de bien communiquer à ce sujet et de tenir compte de l’autre. Dormir ensemble est un moment fragile et il faut pas en sous-estimer les conséquences pour la relation. Celui qui est  » quitté  » peut le vivre comme une sorte de rejet, souligne l’expert en relations et sexologue Rika Ponnet.  » Les couples qui s’entendent bien mais font chambre à part de temps à autre pour des raisons pratiques, professionnelles ou de santé, s’arrangent pour partager le même lit dès que possible. Si cela débouche sur une situation permanente, cela peut montrer qu’un des deux a besoin de davantage d’espace personnel.

Chaque couple doit décider ce qui fonctionne le mieux pour lui. Avant de faire un choix définitif, il faut envisager toutes les conséquences possibles. Ceux qui ne dorment plus jamais ensemble perdent en intimité. Pour beaucoup de couples, le lit est souvent l’unique endroit où ils sont physiquement proches et se sentent liés après une journée chargée. Partager son lit signifie plus que simplement dormir et faire l’amour. C’est l’endroit où on partage des rires, des caresses, des câlins. On aborde aussi des sujets difficiles ou sensibles dans l’obscurité. « 

3 conseils pour dormir ensemble

  1. Avec l’âge, la quantité de sommeil léger augmente. Vous vous réveillez plus facilement entre autres à cause du bruit, des ronflements ou d’un mouvement. Des bouchons d’oreilles peuvent vous permettre de vous protéger des bruits.
  2. Lire sans déranger l’autre est plus facile avec une liseuse ou une petite lampe de lecture. Le conjoint peut aussi porter un masque.
  3. De plus en plus de couples optent pour des couettes et des matelas séparés car chacun a des besoins différents. Des cale-matelas permettent d’harmoniser la différence de niveau lorsqu’un des conjoints a besoin d’un matelas plus épais que l’autre. Il existe même des systèmes permettant de déplacer les deux matelas d’une pression sur un bouton mais, jusqu’à présent, ils n’ont pas connu beaucoup de succès.

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