Se réconcilier avec ses enfants après un conflit

Les liens du sang sont indéfectibles, dit-on. Pourtant, il arrivent que des enfants coupent les ponts avec leurs parents. Comment en arrive-t-on à de telles extrémités et, surtout, comment se réconcilier ?

Les enfants commencent par aimer leurs parents, quand ils grandissent, ils les jugent, enfin quelquefois ils leur pardonnent, écrivait Oscar Wilde. Quoi qu’il en soit, il n’y a rien de plus dur pour des parents qu’une rupture totale avec leurs enfants.

Aux Pays-Bas, où on a réussi à chiffrer le phénomène, un parent sur cinq en ferait l’expérience. Aux Etats-Unis, les psychologues parlent d’une épidémie silencieuse parce que le nombre de cas augmente et que trop de parents n’osent pas en parler. « Les parents rejetés par un enfant adulte vivent cela comme un drame, analyse Margo Van Landeghem, thérapeute du couple et de la famille. Ils ont l’impression d’avoir totalement échoué dans leur rôle et ressentent un terrible sentiment de culpabilité. Cette rupture les coupe souvent aussi de leurs petits-enfants ».

Cette situation cause énormément de chagrin. Pour beaucoup, le sujet reste tabou, parce que trop douloureux, trop gênant. En effet, pour les autres, si votre enfant adulte ne veut plus vous voir, c’est que vous avez quelque chose de grave à vous reprocher...

Des parents  » normaux « 

« Le plus souvent, ce n’est pas le cas, assure le psychologue américain Joshua Coleman, qui a vécu une rupture avec sa fille. En général, il s’agit de parents tout à fait normaux, qui commettent certes quelques erreurs, mais qui restent dans la norme. Ils pensent bien faire, mais leur enfant ne voit pas cela du même oeil. » Une relation parents-enfant à première vue tout à fait normale peut tourner au conflit parfois durable. « Il n’est pas rare qu’un enfant n’accepte absolument pas que ses parents pensent autrement, aient d’autres valeurs, un autre mode de vie ou un autre rapport à l’argent, précise Monique Van Eyken, médiatrice familiale. Ce manque d’empathie empêche l’enfant de se mettre à la place de ses parents et de considérer les choses de leur point de vue. »

« Un divorce peut provoquer des cassures. Lorsque les parents gardent le contact avec l’ex de leur enfant, par exemple, ce dernier peut vivre cela comme une trahison. Or, pour les parents aussi, avoir un enfant qui divorce est une épreuve, surtout s’ils s’entendent bien avec leur belle-fille ou leur beau-fils. Des grand-parents qui, avec les meilleures intentions du monde, gardent leurs petits-enfants après l’école, pour donner un coup de main à la mère ou au père, peuvent être très mal perçus par leur propre enfant. Gare aussi aux parents qui donnent leur avis sur un divorce ou prennent fait et cause pour leurs petits-enfants !

Des liens trop fusionnels entre parents et enfants peuvent également être à l’origine de graves conflits. Par exemple, si les premiers proposent aux seconds un morceau de terrain à bâtir sur le leur. La cohabitation peut fonctionner, à condition de se mettre au prélable d’accord sur le respect de la vie privée de chacun. Une présence trop intrusive des parents peut être mal vécue par le conjoint du fils ou de la fille. « 

Savoir lâcher prise

Couper le cordon et laisser son enfant voler de ses propres ailes n’est pas toujours aussi simple qu’on le croit.  » Certains parents persistent à imposer leurs valeurs, leur conception de l’éducation, etc. à leurs enfants. Souvent parce qu’eux-mêmes ont été élevés ainsi. Pour eux, il va de soi que leurs enfants empruntent le même chemin qu’eux. Or, ceux-ci ont le droit de mener leur vie comme ils l’entendent. En ne respectant pas cette liberté, on laisse la porte ouverte aux conflits. En outre, le beau-fils ou la belle-fille a ses valeurs aussi, ce qui ne fait qu’attiser les tensions. »

Le divorce des parents est une autre cause fréquente de cassure au sein de la famille, parce que l’enfant s’éloigne de son père ou de sa mère. A l’origine de bien des disputes aussi : les problèmes financiers, les attitudes différentes à l’égard des petits-enfants, les jalousies entre frères et soeurs.  » Les parents ont parfois tort de vouloir donner l’impression à leurs enfants qu’ils sont tous égaux, même si cela part de bonnes intentions. Les enfants s’imprègnent de cette culture et se mettent à tout comparer. Or, on ne peut pas comparer des pommes et des poires, chacun a des besoins différents. L’un fera cinq années d’études, alors que l’autre se lancera tout de suite dans la vie professionnelle. En tant que parent, il vaut mieux insister sur l’égalité des chances offerte à chacun. »

Les petits-enfants

Les grands-parents qui perdent le contact avec leurs petits-enfants rendent les choses plus douloureuses encore. Souvent, le tribunal est le seul moyen pour eux de les retrouver. « Ce n’est pourtant pas une bonne idée, souligne Monique Van Eyken. Comment pouvoir espérer nouer un lien de qualité avec ses petits-enfants lorsqu’on ne s’entend pas avec ses propres enfants ? Cela les place dans un conflit de loyauté intenable et, à terme, cela peut même se retourner contre les grands-parents. « 

La cassure parents/enfants n’épargne personne. Même les enfants qui ont coupé les ponts de leur propre initiative en souffrent. Cela s’explique par la loyauté innée qui lie les enfants à leurs parents. « On peut couper tout contact, mais on n’efface pas cette loyauté, insiste Margo Van Landeghem. Les enfants ont beau se dire soulagés d’avoir coupé les ponts, au plus profond d’eux, ils gardent le désir de retisser les liens. En le niant, ils risquent de développer des problèmes relationnels, une dépression, etc. Parfois, une coupure temporaire est nécessaire, pour que chacun puisse prendre du recul et s’apaiser avant de reprendre le dialogue. »

La réconciliation

Si parents et enfants n’arrivent pas à se réconcilier, ils peuvent faire appel à un médiateur. Il peut s’agir d’un membre de la famille qui jouit de la confiance de chacun, d’un professionnel ou d’un thérapeute. « La médiation ne réussit que si on veut vraiment mettre les choses à plat et s’écouter, pour redémarrer sur des bases saines. Aujourd’hui, la relation parents/enfants, basée sur le respect et l’empathie, est plus égalitaire. Certains parents ont du mal à accepter cette nouvelle vision de la parentalité et sont convaincus d’avoir toujours raison. Pour eux, c’est à leur enfant de faire le premier pas et de s’excuser. Ce genre d’attitude n’aide pas à apaiser les conflits. Et même une médiation à toute les chances d’échouer.

En cas de rupture durable, il faut essayer de comprendre l’autre dans un contexte familial élargi. La thérapie contextuelle peut s’avérer précieuse. Le comportement de chacun est expliqué à la lumière des générations. Cela aide à mieux comprendre pourquoi une mère se montre trop protectrice, par exemple, ou pourquoi une fille choisit de mener la vie qu’elle mène. Essayer de comprendre le comportement de l’autre permet de le juger moins vite et cela suffit parfois à renouer le dialogue. « 

Et si la réconciliation reste impossible en dépit de tous les efforts ? « Mieux vaut alors s’accorder une respiration en décidant de se voir moins souvent, conseille Monique Van Eyken. Si cela ne marche pas non plus, on peut décider en accord de cesser de se voir. Même si cela peut sembler bizarre, mieux vaut prendre cette décision de commun accord que de laisser s’installer le silence par lui-même. »


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