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Savoir être à l’écoute des autres

Pouvoir compter sur une oreille attentive, celle d’une personne empathique qui nous écoute vraiment, n’a pas de prix lorsqu’on ne va pas bien. Inversement, savoir écouter la détresse des autres est on ne peut plus enrichissant.

Une amie vous confie ses doutes quant à son mariage. Vous l’aiguillez vers le thérapeute de couple qui a si bien aidé votre fille et votre beau-fils. Votre voisin est veuf depuis quelques années et vous lui parlez du temps qu’il fait, de son potager, des travaux dans la rue... Bref, de tout sauf de son épouse décédée, histoire de ne pas raviver sa peine. Tout cela part d’une excellente intention. Mais votre amie et votre voisin ont peut-être justement envie de confier ce qu’ils ont sur le coeur. Ils sont sans doute à la recherche d’une oreille compatissante, quelqu’un qui saura les écouter sans les juger.

MONTRER SA VULNÉRABILITÉ

Dans son ouvrage « Borderline Times », le psychiatre Dirk De Wachter nous incite à oser mettre des mots sur notre vulnérabilité et nos chagrins.  » Au fond, il s’agit surtout d’un appel à l’écoute mutuelle. A être attentif aux signaux qui nous disent que quelqu’un est en souffrance, à ne pas simplement passer son chemin, à savoir se montrer patient.  » Un appel aussi à se montrer un peu plus psychologue envers nos semblables.  » Beaucoup de gens aiment exposer leur vie formidable et leurs belles photos de vacances sur Facebook. Or, les listes d’attente s’allongent chez les thérapeutes... On aurait presque l’impression qu’afficher cette joie de vivre en permanence ne serait possible qu’en consultant un thérapeute à qui on confie ses difficultés existentielles. Il va de soi que ceux qui en ressentent le besoin doivent pouvoir consulter un psy, mais cela trahit un cruel manque dans notre société : celui de pouvoir parler de sa peine ou de son chagrin. S’exprimer apporte déjà un grand soulagement et permet d’éviter que cette peine ou ce chagrin n’oblige à consulter un spécialiste. « 

Le fait que certaines personnes se confient sur Facebook et sur les autres réseaux sociaux démontre bien qu’elles ont des choses à exprimer, mais qu’elles manquent cruellement d’une oreille empathique. Du coup, elles déballent leur intimité sur la place publique et attendent les réactions. Selon Dirk De Wachter, les réseaux sociaux peuvent nous aider à partager un chagrin, par exemple le décès d’un proche.  » Mais cela ne remplace pas les contacts directs, le fait de se rencontrer, de se regarder dans les yeux, de se serrer dans les bras... Le contact humain qu’apportent cette proximité et cette confiance n’aura jamais d’équivalent sur un réseau social. « 

NE PAS JUGER

 » Aujourd’hui, on ne supporte plus que quelqu’un aille mal, il faut évacuer le problème le plus vite possible, confirme Sofie Legon, organisatrice d’ateliers sur le pouvoir de l’écoute. Avant de me former à l’écoute, quand quelqu’un voulait me confier un chagrin, mon premier réflexe était de penser : aïe, aïe, aïe, que dois-je faire ? Je ne vois pas comment je peux aider... Or, il faut apprendre à lâcher prise. On peut tout à fait écouter quelqu’un sans obligation de résultat.  » Ce sont souvent les gens qui ont un réseau social développé mais qui ne trouvent personne pour les écouter vraiment qui sont en souffrance.

EN EXPRIMANT SES PENSÉES ET SON RESSENTI, ON SE SENT DÉJÀ MIEUX ET CELA CRÉE DE L’ESPACE POUR DE NOUVELLES PERSPECTIVES.

 » Apprendre à écouter ne fait pas partie de notre éducation. Les parents donnent volontiers des conseils à leurs enfants et ceux-ci reproduisent automatiquement ce comportement. Mais les conseils ne servent souvent à rien. Il suffit qu’une personne parle à coeur ouvert pour que cela débloque quelque chose et qu’elle parvienne à trouver elle-même la solution à son problème. En exprimant ses pensées et son ressenti, on se sent déjà mieux, ce qui crée de l’espace pour de nouvelles pensées et perspectives.  » Dirk De Wachter conseille également de ne pas essayer de proposer de solutions.  » Tout ce que la personne en mal de confidence souhaite, c’est parler librement et être écoutée sans être jugée. La présence d’une oreille bienveillante, le sentiment de ne plus être seul... C’est ça qui compte vraiment. « 

OSER DEMANDER

Pour parvenir à cette proximité, il faut une bonne dose d’empathie. Car toute écoute n’est pas forcément empathique.  » Une écoute empathique exige d’aller un peu plus loin, précise Sofie Legon. L’idée est que celui qui se confie puisse le faire à coeur ouvert. On doit éviter de rester à un niveau superficiel. En posant les bonnes questions, on amènera la personne à en dire plus qu’elle ne l’envisageait. Et c’est là que commence le lien véritable.  » Oser poser des questions, voilà la clé ! Demandez à quelqu’un qui traverse une période difficile comment il va, tout simplement.

 » On fait souvent preuve de trop de prudence. Peut-être par crainte de blesser ou d’appuyer là où ça fait mal ? Mais risque-t-on de blesser quand on offre une oreille compatissante ? s’interroge Sofie Legon. En cas de deuil, dans les premiers temps on ne manque ni d’écoute, ni de contacts. Mais qui pense encore à prendre de nos nouvelles un ou deux ans plus tard ? Personnellement, ce sont des choses que je note dans mon agenda pour m’en souvenir. La date de décès du père d’une amie proche, par exemple. Je lui demande toujours comment elle se sent à l’approche de cette date difficile. Ce sont des moments qui comptent dans la vie. C’est comme cela qu’on fait réellement la différence. La personne se rendra compte que vous êtes là, alors que les autres l’auront peut-être oubliée. « 

LA SENS DES LARMES

Osez également demander si vous avez bien interprété telle ou telle émotion. Les larmes évoquent spontanément le chagrin, mais elles peuvent aussi traduire l’attendrissement ou le soulagement.  » Quand on pleure son conjoint, on ne ressent pas forcément que de la peine : on peut aussi se sentir soulagé après un long épisode de maladie. Or, il n’est pas évident de le dire, c’est encore tabou. Si vous demandez à la personne le sens de ses larmes, vous lui offrez l’occasion d’exprimer un autre aspect de ses émotions. « 

Quand tout va bien, une écoute empathique peut également créer du lien. Imaginons une jeune maman qui vient d’accoucher – c’est en général un heureux événement – et qui a envie de partager son bonheur en famille et avec ses amis. Combien de fois n’entend-on pas les autres enchaîner avec le récit de leur propre expérience de parent ? Il serait préférable de demander à la jeune maman comment elle se sent. Peut-être a-t-elle envie de se confier sur ses doutes et ses incertitudes ?

UN VÉRITABLE CADEAU

L’écoute empathique peut être épuisante. C’est pourquoi il faut apprendre à poser des limites.  » Les gens très empathiques vivent en permanence avec des antennes tournées vers l’extérieur. Cela peut être lourd à porter. Si vous êtes souvent le (la) confident(e) de gens qui ne vont pas bien, il est important que vous puissiez, vous aussi, trouver à qui parler, insiste Sofie Legon. Vous avez tout à fait le droit de répondre que vous n’êtes pas disponible, car on vous attend ailleurs ou que vous êtes déjà occupé. Fixez un rendez-vous à votre meilleur convenance, et tenez-vous y. « 

Si vous êtes de ceux qui savent écouter, n’ayez crainte : vous ne serez pas forcément épuisé après chaque écoute empathique et chaque confidence qu’on vous fait.  » Exprimer son mal-être ou son chagrin fait un bien fou mais c’est également très gratifiant et très enrichissant pour celui qui écoute. Loin d’être un sacrifice, cela prouve que vous comptez pour celui qui se confie à vous « , reprend Dirk De Wachter. Sofie Legon parle, elle aussi, d’expérience :  » Ce qui est merveilleux quand on écoute et qu’on se plonge dans le vécu de quelqu’un, c’est qu’on apprend à ne plus juger, ou nettement moins vite. On élargit ses horizons. Je constate que cela m’a rendue plus douce et plus tolérante. Quand on se confie à moi, je dis merci. Lorsqu’on vous confie quelque chose qu’on n’oserait pas dire à tout le monde, c’est un véritable cadeau qu’on vous fait. « 

Ce qu’il ne faut pas faire

Pour devenir un champion de l’écoute empathique, il faut aller au plus simple. Voici quatre choses à oublier :

1. Donner des conseils. Quelqu’un qui a envie d’ouvrir son coeur attend rarement des conseils. Partez du principe que chacun est capable de résoudre seul ses problèmes. Ne donnez de conseils que si on vous en demande explicitement.

2. Enchaîner sur son vécu ou être tourné vers ses propres pensées. Mettez vos pensées intimes en mode « pause » pour entrer dans l’univers de la personne qui se confie et dites-vous que les conseils qui vous viennent à l’esprit sont sans doute inappropriés.

3. Dire  » tout finira par s’arranger « . Cela revient à minimiser la souffrance de l’autre.

4. Combler les silences. Ne vous sentez pas obligé de combler les silences par des conseils ou des anecdotes personnelles. Un silence peut être bienfaisant. Cela laisse le temps de comprendre ou de digérer une émotion.

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