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Rencontre avec Sandra Kim : « J’aime, j’aime chanter! »

Ann Heylens Journaliste

Sandra Kim, 48 ans, qui a offert à la Belgique sa seule victoire il y a trente-cinq ans très exactement, est sans aucun doute la mieux placée pour évoquer l’Eurovision qui se tiendra à Rotterdam ce mois-ci.

Souvenez-vous. C’était le 3 mai 1986 à Bergen en Norvège. La Belgique remportait pour la première fois le Concours Eurovision de la Chanson grâce à une jeune Liégeoise de 13 ans. Sandra Kim chante toujours et coule aujourd’hui des jours heureux avec son mari néerlandophone à Heers, en Flandre. Et quelle chanteuse! Ce ne sont pas les deux millions de téléspectateurs de l’émission The Masked Singer sur VTM qui nous diront le contraire. Et oui, elle chante toujours « J’aime la vie », la chanson avec laquelle elle a triomphé.

L’émission The Masked Singer vous a remise sur le devant de la scène.

C’était une super expérience, mais je précise que je n’ai jamais arrêté de chanter depuis trente-cinq ans. Jusqu’à la crise sanitaire, j’étais régulièrement sur scène. Mais on ne me voyait pas très souvent sur le petit écran, ce n’est pas vraiment mon truc. Depuis ma participation à The Masked Singer, je reçois de nombreux courriers de jeunes qui n’étaient pas nés quand j’ai gagné l’Eurovision.

La prochaine édition aura lieu à Rotterdam au mois de mai. Vous regardez encore l’Eurovision chaque année?

Je suis bien obligée car chaque année à pareille époque, les journalistes me contactent (rires). Cela me fait plaisir, évidemment, mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, je n’aime pas particulièrement l’Eurovision. Au départ, la chanson « J’aime la vie » ne me plaisait pas trop, même si je la trouve géniale aujourd’hui. Je suis plutôt rock, variétés, chanson française, Barbara Streisand, George Michael, Coldplay...

Quelles sont les chances de Hooverphonic qui représente la Belgique cette année?

Je ne veux pas me prononcer. Je suis une fan de Hooverphonic mais savent-ils vraiment ce qu’est l’Eurovision, ce que le public attend? Il n’y a pas de formule magique évidemment mais le jury apprécie une jolie mélodie sur le modèle couplet-refrain-couplet.

Vous êtes encore et toujours la seule Belge à avoir remporté l’Eurovision à ce jour. Comment expliquer que cet exploit n’a pas pu être réitéré?

Je l’ignore. La Belgique a toujours envoyé de bons chanteurs avec de bonnes chansons. Le problème, c’est le copinage qui prévaut à l’Eurovision. Laura Tesoro, Kate Ryan, Loïc Nottet... tous bénéficiaient d’un solide soutien. Les artistes belges n’ont pas démérité!

Rencontre avec Sandra Kim :
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Votre victoire remonte à trente-cinq ans. Quel souvenir en gardez-vous?

C’était il y a longtemps. Je suis fière d’avoir pu décrocher le premier prix de l’Eurovision pour mon pays. Mais quand je revois les images de l’époque, je vois une autre Sandra qui n’a plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui. J’étais encore une enfant, j’avais à peine treize ans et demi. J’avais envoyé une cassette à la RTBF, sans grande conviction. Mes sentiments sont assez mitigés. D’un côté, l’Eurovision reste un souvenir extraordinaire. D’un autre côté, j’ai un pincement au coeur car cela me rappelle les grosses difficultés à gérer l’impact psychologique. Le 2 mai 1986, j’étais Sandra Caldarone et du jour au lendemain je devenais Sandra Kim, célèbre en Belgique, en Europe et dans le monde entier. Cette victoire a chamboulé toute ma vie.

Vous avez publié le livre « Si j’avais su... » il y a quelques années.

Si j’avais su ce qu’est vraiment le show-business, je n’aurais jamais fait ce métier. Car même avec une victoire à l’Eurovision, il est très difficile de faire carrière dans la musique et d’en vivre. J’adore chanter, c’est ma passion. Par contre, je n’aime pas tout ce qu’implique le métier, les relations publiques, les sacrifices qu’il faut faire. J’aimerais pouvoir me contenter de chanter, tout simplement!

Vous avez qualifié votre victoire de cadeau empoisonné.

Effectivement. Sans l’Eurovision, je serais retournée sur les bancs de l’école, j’aurais fait des études et exercé un autre métier. Je rêvais de devenir hôtesse de l’air, de voyager dans le monde entier. J’aurais probablement travaillé dans le tourisme.

Vous avez interrompu vos études?

Après ma victoire à Bergen, je n’ai pas repris le chemin de l’école, j’ai pris des cours privés. C’était la folie la premiè-re année. J’étais invitée partout, y compris au Japon. Tout le monde voulait me rencontrer. Aujourd’hui, je regrette d’avoir arrêté l’école si tôt. Les cours à domicile sont tout sauf drôles pour une enfant de cet âge. Le contact avec mes amis, l’ambiance de l’école me manquaient énormément. J’ai été privée de ma jeunesse, en quelque sorte. Mais bon, je me suis rattrapée plus tard. Notez, je suis toujours aussi jeune (rires) et j’essaie de m’amuser autant que je peux. Je reste la plus jeune gagnante du concours car l’âge minimum a été relevé à 16 ans.

Une bonne décision, à votre avis?

Tout à fait! 13 ans, c’est beaucoup trop jeune. À cet âge-là, vous n’êtes pas prêt à assumer ce qui va vous tomber dessus. Je sais que beaucoup de jeunes ados rêvent de devenir chanteurs ou chanteuses mais c’est tout sauf un monde de glamour et de paillettes, il faut le savoir. Je le déconseille vivement. Pour moi, l’Eurosong for Kids est une très mauvaise idée! En ce qui me concerne, le plus dur était d’être seule. Mes parents ne pouvaient pas toujours m’accompagner à chaque concert, le plus souvent à l’étranger. Je dois dire aussi que ces nombreux voyages ont été une formidable école de vie. Je suis très vite devenue indépendante. Je prends toujours mes décisions seule.

Treize ans, c’est beaucoup trop jeune pour entrer dans le show-business. L’Eurosong for Kids est une mauvaise idée.

Une autre difficulté à ne pas sous-estimer pour un enfant: on est une star adulée et invitée partout pendant un an et l’année suivante, on n’est plus rien car le concours Eurovision a été remporté par quelqu’un d’autre. C’est un véritable choc. Peut-être n’ai-je pas toujours été bien entourée. J’ai été à couteaux tirés avec mon ancien producteur. Mais bon, je ne vis pas dans le passé. Il ne faut pas se laisser envahir par les regrets. J’ai aussi eu de nombreuses opportunités et rencontré une foule de personnes intéressantes. Une victoire à l’Eurovision n’est pas la garantie d’une carrière émaillée de succès, il faut le savoir.

N’avez-vous jamais songé à réaliser votre rêve d’hôtesse de l’air?

Avec ma notoriété? Tout le monde me connaît, du nord au sud du pays. J’ai donc décidé de continuer à chanter.

Il vous arrive encore parfois de fredonner  » J’aime la vie « ?

Parfois? Toujours. Constamment. Chaque fois que je monte sur scène! C’est la première chose qu’on me demande. J’invite toujours l’un ou l’autre spectateur à venir chanter  » J’aime la vie  » avec moi. C’est super sympa. Cette chanson fait partie de moi.

C’est une chanson très optimiste. Les paroles collent-elles à votre caractère?

Absolument. Je suis quelqu’un de très positif et optimiste. Je suis parfois très indécise. Quand je reçois une proposition, j’ai tendance à refuser instinctivement. Non pas parce que je n’ai pas envie de le faire mais parce que je suis perfectionniste jusqu’au bout des ongles et j’ai peur de décevoir. Sans vouloir être prétentieuse, je sais ce dont je suis capable et je tiens à être à la hauteur. Je dois donc toujours me convaincre d’accepter.

Le monde de la culture et de la musique est durement éprouvé par la Covid-19. Est-ce votre cas également?

J’ai la chance de pouvoir continuer à travailler. Depuis The Masked Singer, j’ai eu l’occasion de participer à des campagnes publicitaires et à des émissions de télévision. Les concerts en livestream continuent plus ou moins normalement. J’en ai un peu marre, comme tout le monde, mais on n’a pas le choix. Le contact avec le public me manque énormément. J’aime les personnes qui font partie de ma bulle mais comme tous les Italiens, j’ai terriblement besoin de contacts physiques. Mes parents habitent toujours la région de Liège. J’aimerais tellement pouvoir serrer ma maman dans mes bras. Mon mari est la seule personne que je peux embrasser aujourd’hui, ce que je fais volontiers évidemment, mais j’aimerais embrasser d’autres personnes également. Et voyager à l’étranger! J’aime la Belgique mais j’en connais maintenant tous les recoins. En temps normal, mon mari et moi voyageons énormément. Comme nous n’avons pas d’enfant, nous partons à l’aventure dès que l’occasion s’en présente. Sur le plan professionnel, j’évite de tirer des plans sur la comète. Je ne rêve que d’une chose: remonter sur scène avec des musiciens. C’est ce qui me tient le plus à coeur.

Sandra Kim

15/10/1972 : Naissance de Sandra Caldarone, à Montegnée, Liège

CARRIÈRE

  • 3/5/1986 : Remporte l’Eurovision avec  » J’aime la vie « . Vend 350.000 45 tours en Belgique, 1,4 million dans le monde
  • Tubes:  » Tokyo Boy « ,  » Appelle-moi, écris-moi « ,  » J’aime mon pays  »
  • 1997-2002 : Rôle d’Eponine dans la comédie musicale Les Misérables, Anvers
  • 2019 : Tournée de musique italien-ne Bella Italia
  • 2020 : La reine dans The Masked Singer

VIE PRIVÉE

  • Mariée à Jurgen Delanghe depuis 2001
  • Divorcée d’Olivier Gérard (1995)

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