Rencontre avec le relookeur David Jeanmotte: « J’adore rendre leur pouvoir aux femmes »

Le relookeur et chroniqueur nous dévoile la palette des couleurs de son parcours. Derrière l’extravagance, un jeune quinquagénaire à la vie pas toujours rose...

Cheveux en chignon, lunettes fumées et doudoune flashy perçant la grisaille matinale, le fantasque David Jeanmotte nous accueille chaleureusement sur la Grand Place de sa ville de Mons. Avec lui, pas de chichis, on se fait la bise et on se tutoie!

Tu sors ton premier livre sur le relooking intuitif. Pourquoi?

Après quarante-huit ans passés à écouter les femmes, je me sentais prêt pour sortir un livre de conseils utiles pour les accompagner dans les changements de leurs différentes périodes hormonales. J’ai connu la femme très jeune car j’étais toujours chez mes petites voisines algériennes, dans une cité à Petit Hornu. Mes parents étaient enseignants et je m’embêtais à la maison. Je coiffais mes voisines, je reprenais les cheveux de ma grand-mère maternelle pour leur donner du volume, j’ai appris la couture, le crochet ou encore découvert les produits naturels avec mon autre grand-mère.

L’univers masculin ne m’intéressait pas: je trouvais con que les garçons courent derrière une balle alors que moi je dessinais, je créais des choses, des vêtements, des coutures sur des mouchoirs de poche. Grâce à mes grands-mères, à ma maman, à ma grande soeur et à mes voisines, j’ai baigné dans toutes les générations. J’observe énormément, c’est mon côté créatif. J’aime le beau car j’ai toujours été entouré de personnes qui faisaient attention à elles. Et la femme m’a toujours attiré en tant que muse. Je n’ai jamais eu un oeil femme/homme. Si aujourd’hui je suis avec Guillaume, j’ai passé vingt-trois ans avec Cathy.

Avec ton livre et ton studio de relooking, tu entends sublimer les femmes, les aider à se sentir mieux...

Oui, le relooking intuitif, c’est d’abord l’écoute pour connaître le parcours de la personne et apporter des solutions. Je dois me faire apprivoiser sinon elle ne m’écoute pas et ne mettra pas en application mes conseils. Dès que la confiance est installée, je suis dans l’intimité la plus complète. J’adore rendre leur pouvoir aux femmes. On rigole et on est bien! Il y a environ 2.750 combinaisons dans le relooking. Selon la morphologie du visage, du corps, la colorimétrie...

Tu écris qu’à partir d’un certain âge, il faut éviter les couleurs claires car elles donnent un côté un peu fantomatique ou encore qu’on ne fera plus de brushing rentrant mais sortant pour lifter le visage. D’autres exemples de conseils?

Prendre de la levure de bière pour les cheveux ou du zinc aussi bon pour la peau et les ongles. Si on a les cheveux longs, on les coupe en dégradé pour redonner du galbe au visage. On peut passer un glaçon sur le bas du visage pour le raffermir. Pour les taches de vieillesse, on utilise du citron et du bicarbonate de soude. On reporte l’arrondi des hanches au niveau des épaules en remontant les manches de sa veste ou de son pull ou avec des épaulettes.

Ça ne m’intéresse pas de m’édulcorer pour plaire à tout le monde. » David Jeanmotte

Gardes-tu contact avec les femmes que tu relookes?

Pas avec toutes car j’en ai déjà relooké près de 4.000! Je dis toujours aux filles qu’on se revoit dans dix ans. Elles m’envoient des petits messages sur facebook, beaucoup de mercis.

D’où vient ta solarité?

D’un travail de longue haleine car tu ne peux pas avoir de lumière sans ombre. J’ai vécu beaucoup de choses négatives par rapport à ce corps androgyne. Tu as envie d’avoir des poils mais tu n’en as pas, d’être musclé mais tu ne l’es pas, d’avoir un derrière bombé mais il est plat... Tu as de la cellulite et des vergetures comme une fille, en fait... Je suis passé au-dessus de tous ces complexes-là. Les parents de Cathy m’ont toujours poussé à sortir de ma zone de confort. Je me suis donc toujours mis en difficulté pour pouvoir avancer, m’apporter de la confiance. Les gens ne comprennent pas que je puisse être dans des domaines totalement différents: l’informatique, la télé, la radio, le relooking, l’organisation d’un marché de noël... Des univers qui m’ont permis de grandir.

Ton côté exubérant, c’est une sorte d’échappatoire?

Avec le relooking, je suis dans l’accompagnement. En télévision, je suis un personnage haut en couleur qui divertit. En journée, je ne me maquille pas, à part un peu de fond de teint car j’ai une peau très rose bleue, un peu cadavérique. Je dois être présentable pour les photos. C’est ça qui est chiant, je subis la même pression que les femmes: toujours être présentable même si parfois on n’a pas envie. J’ai toujours été très androgyne. J’ai commencé à me maquiller à 13 ans, pour cacher mon acné. A cet âge-là, tout le monde commence à avoir des muscles, des poils, et moi je restais très poupon et donc je suis allé à l’inverse: je me maquillais, je mettais mes coups de crayon pendant que mon père se rasait devant le même miroir. Mes parents ne m’ont jamais rien dit. J’utilisais le maquillage pour m’améliorer, pour me sentir mieux. Puis, comme on me traitait de « tapette » ou de « pédé », je me suis dit, tant qu’à faire, autant leur offrir! Donc j’ai laissé pousser mes cheveux, je les ai décolorés...

David Jeanmotte

  • 31/1/1973: Naissance à Mons
  • 1991-1993: Etudes d’infographie 3D
  • 1994-1999: Designer de jeux vidéo, à Paris
  • 1999-2002: Gérant de sa société de jeux de vidéo
  • Depuis 2005: Organisateur de « Mons Coeur en Neige »
  • 2009-2013: Relookeur dans « Sans Chichis »
  • Depuis 2009: Chroniqueur au « 8/9 »
  • Depuis 2014: En couple avec Guillaume
  • Depuis 2014: Chroniqueur au « Grand Cactus »

Ta famille te demande des conseils?

Non, c’est l’inverse! Mon filleul d’une vingtaine d’années m’a dit de changer la couleur de mes cheveux parce que ça faisait Dalida. Donc j’ai blanchi mes cheveux qui étaient plus dorés. Ma soeur, elle, m’a dit que c’est vieillot les chemises, donc je n’en porte plus.

Tu as étudié l’infographie 3D, à Valenciennes, avant d’être designer dans une entreprise de jeux vidéo, à Paris, et ensuite, de monter, à 26 ans, ta propre société de jeux vidéo, à Hornu. Où tu es devenu millionnaire (en FB)! Puis, tout s’est écroulé...

Je m’en souviendrai toute ma vie... En régie dans la société, je vois un avion taper dans les tours à New York. Puis un 2e avion. Je me suis dit: « C’est la guerre, c’est foutu car on travaille avec le marché américain! » J’ai fait faillite et je me suis retrouvé au chômage alors que je travaillais jour et nuit, que j’avais brillé, gagné des prix, payé des salaires... J’étais dans le noir complet, donc je comprends les difficultés, les dépressions. Comme j’ai toujours inversé la vapeur, j’ai décidé de me reconstruire dans autre chose. Je suis allé au festival de Cannes avec un ami et, habillés en pingouins, on a coiffé et maquillé des gens lambda, en dehors du site, à un arrêt de bus. Cela m’a permis de rencontrer des producteurs et, de fil en aiguille, je me suis retrouvé relookeur de ces dames dans l’émission « Sans Chichis », à la RTBF. Puis, je suis allé me former à New York pour la coiffure, le maquillage, la colorimétrie... Ensuite, je suis arrivé au « 8/9 » sur VivaCité et au « Grand Cactus » sur Tipik. Si tu ne provoques pas, tu n’as pas...

Ca te procure quoi d’être chroniqueur au « Grand Cactus »?

Jeanmotte, on l’aime ou pas. ça ne m’intéresse pas de m’édulcorer pour plaire à tout le monde. Au Cactus, on a beaucoup d’autodérision, on essaye de rendre heureux ceux qui nous regardent. Pour moi, c’est un moment privilégié, un peu comme l’Eurovision dont j’ai eu la chance d’être, deux fois, le porte-parole de la Belgique. Quand j’ai commencé le relooking, j’avais les cheveux jaunes, un pantalon rouge et une veste noire. C’était mon costume de travail car il représentait la Belgique. Je viens du graphisme donc je dois créer une identité visuelle pour qu’on me reconnaisse tout de suite. Il a fallu treize ans pour la créer et avoir cette reconnaissance positive. Parfois, on me dit: « David, je n’aime pas les autres mais toi je t’aime bien ». Ce qui se traduit par: « Je n’aime pas les autres homosexuels mais toi je t’aime bien. » Tant mieux...

Tu ne peux pas avoir de lumière sans ombre. J’ai vécu beaucoup de choses négatives par rapport à ce corps androgyne. » David Jeanmotte

Comprends-tu qu’on puisse te détester?

Oui, car je décolore mes cheveux, j’ai la couleur de Pamela Anderson, je me maquille, je redessine mes sourcils clairsemés... Je suis obligé de rentrer dans cette gamme-là sinon je suis fade! Quand je me regarde, je ne me plais pas... Si je ne me maquille pas, si je ne me sens pas bien, comment rendre les autres heureux? Dans les yeux de mon fiancé Guillaume, je me sens rassuré. Pas beau, rassuré.

As-tu des hobbies, comme... les jeux vidéo?

Ah non, je déteste! J’en ai plein à la maison, tous ceux que j’ai lancés sur le marché, mais j’ai fait un rejet complet. Et depuis le traumatisme de cette faillite, je me suis aperçu qu’avoir trop d’argent est menaçant à tout niveau. En Belgique, quand tu n’as pas beaucoup d’argent on te fout la paix donc j’ai le minimum pour être tranquille.

Des projets?

J’ai une mission sur Terre: apporter de la lumière à ceux qui en ont besoin. La notoriété me permet d’actionner des leviers pour faire aboutir différents projets visant à aider les personnes démunies. Il y a notamment eu le lancement des Restos du Rire au profit des Restos du Coeur, l’ouverture de la boutique d’entraide Relook’coeur...Je donne aussi des formations de réinsertion à des jeunes en difficulté au niveau du travail comme des cours sur les codes de la morphologie pour l’industrie textile.

Un message à passer?

Plus vous resterez vrais, moins vous décevrez votre entourage et moins vous aurez de mauvaises surprises. Chassez aussi les problèmes pour laisser place à autre chose. Il faut vider l’espace pour pouvoir le remplir, pour être heureux.

« Le relooking intuitif by David Jeanmotte », Kennes, 24,90€. Infos: www.davidjeanmotte.com

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