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Rencontre avec Chantal Goya : « La scène, c’est ma récréation. On a tous besoin de rêver »

 » Bécassine, c’est ma cousine...  » ou encore  » Ce matin, un lapin a tué un chasseur... « . Ses tubes sont gravés dans nos mémoires. Zoom sur l’infatigable chanteuse !

Même voix, même silhouette, même coiffure, même énergie. L’idole de plusieurs générations de petits et grands enfants n’a pas changé en quarante ans de scène ! De passage à Bruxelles, pour la tournée du quarantième anniversaire de son spectacle  » Le Soulier qui vole « , Chantal Goya (77 ans) s’est confiée sur son enfance, son parcours, sa famille et ses projets.

 » Le Soulier qui vole  » a été imaginé en 1980 par votre mari Jean-Jacques Debout. A-t-il été un peu remis au goût du jour ?

On a ajouté une nouvelle chanson, « Il n’y a pas de cigognes en hiver », que je chante en duo avec Mathias, un enfant de ma troupe. C’est un cadeau au public pour mes 40 ans de scène ! Les danseurs et enfants ont changé mais le reste est pareil : les costumes, le soulier, les décors comme le village d’Alsace, la forêt magique... Je suis fidèle à l’authenticité des belles choses ! ll faut garder le spectacle comme il est car les parents s’en souviennent bien et veulent montrer aux enfants ce qu’ils ont connu petits. Le lien, c’est la famille !

Oui, votre public est intergénérationnel...

Jusqu’à quatre générations viennent me voir, c’est dingue ! Pour quelqu’un qui ne voulait pas chanter j’ai fait fort parce que je souhaitais être journaliste... Beaucoup de gens me disent que je suis un repère dans leur vie. Je fais partie de la famille, complètement ! Je les ai eus petits puis ils grandissent et me voient tout le temps car, en fin de compte, je n’ai jamais arrêté si ce n’est une pause qui s’est transformée en spectacles dans des boîtes de nuit, à la suite de la version techno de  » Bécassine  » dans le film  » Absolument fabuleux « . Moi qui ne bois pas, qui me couche tôt, je me demandais ce que je faisais là, affolée par cette hystérie ! Ensuite, on a repris nos grands spectacles avec  » Happy Birthday Marie-Rose  » en 2008, puis  » L’étrange histoire du château hanté « ,  » La planète merveilleuse « ... Il reste  » Le mystérieux voyage de Marie-Rose  » à reprendre. Je le garde pour la fin car c’est le plus démentiel. Ah, je n’ai pas fini, hein ! (rires)

LA SCÈNE, C’EST MA RÉCRÉATION. ON A TOUS BESOIN DE RÊVER.

Pourquoi vos chansons traversent-elles le temps ?

Ces spectacles-là n’ont jamais été remplacés ou refaits par quelqu’un d’autre. Ils sont indémodables, devenus mythiques, alors qu’au début on ne peut pas dire qu’on croyait en nous. Cette folie a largement sa place aujourd’hui ! Une production avec 50 personnes : 12 danseurs, 10 enfants, les habilleuses, les techniciens... La musique, les chansons, de Jean-Jacques sont intemporelles. Dès que je chante  » C’est Guignol  » tout le monde chante ;  » Le lapin « , on me dit que c’est ma première chanson écologique ! Dans ce spectacle-ci, j’ai rajouté  » Pandi Panda  » qui provoque des hurlements de la part des parents et des enfants car le panda représente tellement la protection des animaux et de la planète. Il est un symbole encore plus fort aujourd’hui. Je passe des petits messages entre les chansons et je donne des conseils comme de ne pas jeter de papiers par terre.

Déjà à l’époque, vous souhaitiez transmettre un message écologique ?

Oui, car le panda est un animal rare et je pensais qu’il y en aurait de moins en moins. Je suis née au Vietnam où j’ai vécu au milieu des tigres, des éléphants... J’avais la chance de voir de tels animaux en liberté ! Ma mère, qui me parlait comme à une adulte, me prévenait qu’un jour on ne verrait plus tout ça, ce qui me paraissait impossible... Ma maman était très à cheval sur les principes environnementaux. C’est petit qu’on apprend tout ça.

Vous donnez du rêve. Avez-vous eu une enfance enchantée ?

J’étais la première de cinq enfants donc très choyée par mes parents, en Indochine. J’installais mes chiens sur une chaise, ils étaient mon public et je chantais pour eux à ma façon. Puis il y a eu la guerre avec un Vietcong qui voulait couper la tête de mon père. J’ai alors crié :  » Ça va pas, non ? Vous ne tuerez pas Papa !  » car j’étais très réactive à 4 ans, je n’avais peur de rien. Peut-être que je l’ai touché car mon père a été relâché. Nous avons dû quitter la plantation de caoutchouc et rentrer en France où nous sommes arrivés avec rien. Surtout que j’avais balancé les affaires de ma mère par le hublot du bateau pour que les poissons aient de belles robes ! (rires) On est parti dans les Vosges puis à Paris dans un quartier où nous étions les uns sur les autres, où nous dormions à cinq enfants dans la même chambre et où il m’arrivait d’aller demander de la nourriture aux voisins de l’immeuble. Je trouvais ça normal, moi ! J’ai eu une enfance avec beaucoup de responsabilités très jeune comme j’étais l’aînée, mais j’étais très débrouillarde, joyeuse et positive.

Rencontre avec Chantal Goya :
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Que vous procure cette plongée permanente dans un monde magique ?

Je suis dans mon élément. Je m’amuse. La scène, c’est ma récréation ! On a tous besoin de rêver. Je trouve notre époque très triste, il y a un manque de communication entre nous, on est tous rivés sur nos téléphones, enfin moi pas car je veux rester en connection avec les gens. Après 2 h, les spectateurs me disent s’être évadés de leurs ennuis. Je suis comme eux, j’ai aussi besoin de me déconnecter, j’ai les mêmes soucis, les mêmes angoisses pour les enfants. Que vont-ils devenir avec la planète qui se dégrade et tous les autres problèmes ? La télévision rabâche tellement de choses négatives. Tout le temps... On n’avait pas ça à l’époque.

Etes-vous atteinte du syndrome de Peter Pan ?

Non, car ce syndrome, c’est quand on ne veut pas vieillir, moi je m’en fous complètement ! J’avance dans la vie, je suis heureuse de voir que je n’ai pas trop de problèmes de santé. Je reconnais avoir beaucoup de chance.

Avez-vous évolué en quarante ans de scène ?

Eh bien, j’ai acquis de l’expérience mais j’ai refusé tout ce qui est technologique car on est plus proche du théâtre que de la vidéo. C’est justement ce qui fait notre différence. Je n’ai aucun décor projeté, j’ai horreur de ça ! Je veux de vrais décors avec un soulier réel, pas d’effets spéciaux avec la Lune.

Et votre look...

Ben, il est pareil ! (rires) J’ai juste un petit peu grossi. Je ne suis pas très compliquée, je ne me maquille pas la journée, je n’ai jamais trafiqué mon visage, je suis comme je suis. Je ne change pas de coiffure car elle me va bien et j’y suis habituée. J’ai la même coiffure, les mêmes robes, les mêmes chansons, le même mari... Je n’aime pas changer !

Quand arrêterez-vous la scène ?

A 105 ans ? (rires) Tant que je pourrai donner du rêve aux gens je serai là. La retraite, ce n’est pas pour moi ! Déjà quand j’ai deux mois de vacances, c’est l’enfer car je ne peux pas rester en place.

Qui prendra votre relève ?

Ah ben ça, ma pauvre, je n’en sais rien ! Ça partira avec moi ou ça continuera. Mes enfants ne sont pas dans le show-biz du tout : mon fils fait des expositions de peinture et ma fille est photographe.

Chantal Goya – 1942 Saigon

1966 : Joue dans le film  » Masculin féminin « 

1966 : Epouse Jean-Jacques Debout

1966 : Naissance de son fils Jean-Paul

1968 : Naissance de sa fille Clarisse

1975 : La chanson  » Adieu les jolis foulards  » lance sa carrière de chanteuse pour enfants

1980 : Spectacle  » Le Soulier qui vole « 

2001 : Joue son propre rôle dans le film  » Absolument fabuleux « 

2019-2020 : Tournée anniversaire du spectacle  » Le Soulier qui vole « 

La scène ne leur plairait pas ?

Oh non, ça les terrorise ! Vous rêvez ? Ils ne voudraient pas ! Même faire du business avec mes affaires, ce n’est pas leur truc, ils sont trop artistes. Et mes petits-enfants ont choisi d’autres voies comme les sciences et la cuisine. Ils sont tous les quatre très attachés à moi et fiers de moi. Au départ, j’ai d’ailleurs repris mes spectacles pour eux, quand ils étaient petits, pour qu’ils voient Mamie sur scène. Ils viennent à mes spectacles, mes enfants aussi.

A la maison, vous chantez ?

Rien du tout ! Je ne mets jamais mes disques et je ne regarde pas mes spectacles car je ne suis pas narcissique et ça me gêne de m’entendre. D’ailleurs, si vous me dites, là, chantez-moi  » Bécassine « , je ne sais même plus comment est le couplet, c’est sorti de ma tête. (Elle chante le début de la chanson avant un silence d’hésitation). Sur scène, il y a la musique, j’ai ma robe, je suis Marie-Rose, tout se déclenche ! Mais dans la vie, je ne chante pas mes chansons, je n’y arrive pas.

Quels sont vos projets ?

On va continuer cette tournée en 2020 puis proposer le spectacle  » Le mystérieux voyage de Marie-Rose « . En outre, j’aimerais faire un dessin animé ainsi qu’une exposition itinérante de mes sept spectacles. J’ai gardé toutes mes affaires dans un énorme hangar que je loue près de Paris. Il y a plus de 1.000 costumes, l’arbre qui parle, le château hanté, etc. Je ne peux pas jeter des choses qui ont été faites par des personnes avec leur coeur, je ne sais pas gâcher...

EN CONCERT LE 1/2/20 À DOUAI. www.infoconcert.com/

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