© Gilles Coulon - Tendance floue

Rencontre avec Alex Vizorek: « Le rire du public, c’est addictif! »

Les femmes plus âgées? Il les aime. Un enfant? Il n’en veut pas. Le suppo? Ben, c’est rigolo! Lever de rideau sur la vie de l’humoriste et comédien belge.

Chroniques décalées sur l’actualité sur France Inter et France 2, présentation de cérémonies comme les Molières et les Magritte du cinéma, rôle dans des films, seuls en scène... Alex Vizorek est sur tous les fronts! Valise à la main, le quadragénaire aux airs de dandy nous reçoit, à Bruxelles, entre deux Thalys. Il évoque son parcours et présente son délirant nouveau livre « L’histoire du suppositoire qui voulait échapper à sa destinée »...

Pourquoi une histoire sur le suppo?

Comme je trouvais marrant que les jouets causent dans les films « Toy Story », j’ai pensé à faire parler les médicaments d’une pharmacie de salle de bains. Le héros le plus drôle, c’est évidemment le suppositoire! (rires) Je ne me voyais pas faire une comédie musicale de cette idée tordue de la conscience d’un suppo. Je l’ai donc fait exister dans un conte très rigolo.

C’est un traumatisme d’enfance?

Non, je n’ai pas de souvenir précis d’une grande angoisse anale... Mais des dames sexagénaires viennent aux séances de dédicaces et me disent que leurs enfants ont détesté le suppo. Je suis content de signer mon livre pour l’enfant qui a souffert.

Ce suppo refuse son destin. Ce fut votre cas?

Inconsciemment, il y a de ça... Je n’étais pas formaté pour devenir humoriste et inscrire mon nom à l’Olympia. Mes parents sont dans la chaussure, en Belgique. A 18 ans, ne sachant pas trop ce que je voulais, j’ai suivi des études de commerce à Solvay. Cela me semblait être les rails normaux, sérieux... Puis j’ai fait le journalisme et ensuite le Cours Florent (grande école d’art dramatique, ndlr), à Paris. Mon père comprenait mon délire puisqu’il avait voulu être chanteur et ma mère avait peur pour son fils car elle ne connaissait rien à ce métier. J’avais donc, autour de moi, l’enthousiasme et la précaution.

Avez-vous gardé une âme d’enfant pour écrire une telle histoire?

C’est nécessaire dans notre métier. Et très jouissif d’être payé pour jouer, raconter des blagues. Je n’ai pas d’enfant et ce n’est pas une envie! La responsabilité m’angoisse terriblement... La transmission pourrait me manquer car j’ai des trucs à raconter aux enfants, pour rigoler. Dès que j’ai l’occasion de faire des spectacles ou livres tournés vers les gosses, j’y vais avec plaisir! Ici, j’ai mis des doubles lectures avec une référence à Arno, une rencontre avec la pilule bleue, pour faire marrer aussi les adultes. Un livre pas du tout vulgaire!

Vous tournez avec votre spectacle « Ad Vitam » qui traite de la mort. Un sujet osé... D’où vient l’idée?

J’ai écrit mon premier seul en scène sur la thématique de l’art et je voulais garder une thématique pour le second. La moins probable pour un spectacle comique? La mort! Ce sujet concerne tout le monde. On est tous angoissés par cette idée de la finitude, mais tant mieux, ça nous fait vivre. Dans mon spectacle, je cite le philosophe Avicenne qui dit qu’une vie ne se mesure pas à sa longueur mais à sa largeur... Une phrase très belle! Autant rire de la mort pour prendre de la hauteur.

Qu’y a-t-il de vous dans ce spectacle?

Je ne parle jamais de moi directement dans mes spectacles, chroniques, livres... C’est ma pudeur. Mais en écoutant ou lisant ce que je fais, on peut comprendre qui je suis. C’est vrai que dans « Ad Vitam », je parle de mon anosmie, un truc très personnel, pour informer que l’absence d’odorat existe.

Vous y racontez aussi être plutôt intéressé par les femmes d’âge mûr...

Oui! Depuis des années, je dis facilement dans mes chroniques et autres que je trouve les femmes plus mûres plus intéressantes et plus belles. Je l’ai toujours assumé et bien avant que Macron n’arrive (le président français a 23 ans de moins que son épouse, ndlr)! Je n’aime pas mettre l’âge comme limite. Claire Chazal est magnifique et extrêmement élégante. Je serais ravi de dîner avec elle ou Anne Sinclair. Mes compagnes sont toujours plus âgées que moi. Si elles ont des enfants, je n’essaye pas de les noyer. Mais quand on rencontre une femme de 50 ans, elle est potentiellement mère d’un enfant de 18 ans déjà hors des pattes! (rires)

Que représente l’humour?

Une évidence depuis que je suis gosse. Mon père racontait des blagues à table, ça attirait la sympathie et le rire des gens... Je me dis que plus on est rigolo, plus ça fait plaisir aux gens! Seul chez moi, il m’arrive de prendre ma guitare et d’être sinistre mais le minimum en société c’est de faire l’effort de ne pas l’être. Donc je suis très joyeux et j’essaye de tout tirer vers la dérision et l’humour. Pour ne pas me confronter à la cruauté du réel, sans doute...

Alex Vizorek

  • 1981: Naissance à Bruxelles
  • 1999-2004: Ecole de commerce Solvay
  • 2002-2005: Journalisme à l’ULB
  • 2005-2009: Cours Florent à Paris
  • 2010-2020: Spectacle « Alex Vizorek est une oeuvre d’art » depuis 2012 Chroniqueur sur France Inter
  • 2019: Présente la cérémonie des Molières et les Magritte du cinéma depuis 2021 Chroniqueur à Télématin (France 2)
  • 2021: Rôle dans le film « La dernière tentation des Belges »
  • 2022: Présente les Molières

Peut-on rire de tout?

Oui mais plus le sujet est compliqué plus il faut travailler. Si je fais des blagues sur les femmes ou les étrangers, je dois passer pour un con et le racisme et la misogynie pour de la bêtise. Parfois les humoristes se ratent. Nous ne sommes pas chirurgiens cardiaques donc ce n’est pas un drame mais il faut l’admettre. J’ai déjà reconnu plusieurs fois qu’une blague n’était pas bonne.

Qu’est-ce qui vous fait rire, vous?

Je vais beaucoup aux spectacles de mes copains comme Kody et Pablo Andres. Par expertise professionnelle, pour voir ce qui les fait rire et ce qui amuse les plus jeunes. J’aime aller voir la jeune génération d’humoristes pour apprendre d’eux, comprendre l’époque et ne pas devenir un vieux ringard.

Enfant, que rêviez-vous de devenir?

Je n’avais pas de rêve. Je traînais devant la télévision et je ne regardais pas que des conneries. Je réussissais à l’école sans être brillant, le dimanche on mangeait chez des amis, j’étais un enfant sage qui ne sortait pas des rails... Cette monotonie, je pensais que c’était la vie. Ma mère n’aime pas quand je dis ça mais je crois que je n’étais pas un enfant heureux. Même si j’étais chéri.

Vous étiez chasseur d’autographes...

Oui, ça m’emmenait ailleurs, dans le monde des adultes. J’adorais rencontrer des célébrités à la sortie des hôtels notamment: David Bowie, Tom Jones... J’allais au théâtre puis j’attendais les comédiens comme Michel Galabru et Robert Lamoureux. Une passion qui m’a fait une culture. Maintenant, je suis passé de l’autre côté du bic! En souvenir de mon enfance, je ne refuse jamais de signer des autographes. Je suis ami avec des gens dont je retrouve des photos de nous ensemble quand j’avais 13 ans. C’est comique!

Que reste-t-il de vos origines polonaises?

Mon arrière-grand-père a quitté la Pologne pour Pâturages afin de travailler dans les mines. Il est décédé à 40 ans d’un problème respiratoire. Je pleure toujours devant le film « Billy Elliot »: le père mineur arrête la grève et reprend le travail pour donner les moyens à son fils de devenir danseur, une idée qui pourtant lui échappe complètement. J’ai la chair de poule rien que d’en parler... Moi, c’est sur plusieurs générations. Je suis né bourgeois, à Uccle – j’ai beaucoup de chance – mais quand je joue à Mons, près de Pâturages, devant le public qui m’applaudit, je remercie infiniment mon arrière-grand-père. Ma grand-mère me parle en patois borain. Je ne peux pas me laisser griser par ce que je suis devenu. Puis, j’ai réussi trop tard pour ça, vers 27-28 ans.

Du temps pour une vie privée?

J’habite à Paris mais je reviens régulièrement dans ma famille. Je vais avec mes amis voir un match de foot à Anderlecht ou boire des bières comme quand nous étions jeunes et beaux.

Ca fait quoi d’être un « petit Belge » qui réussit à Paris?

J’en joue et ça m’amuse! Mais je n’ai jamais eu ce complexe d’infériorité du Belge à Paris. C’est une fierté absolue. Alors qu’avant le Belge était un peu cantonné à l’idiot du village, Benoît Poelvoorde et Philippe Geluck l’ont rendu exotique, sympa et drôle. Puis François Damiens, Virginie Efira...

Que préférez-vous dans votre métier varié?

Les seuls en scène! J’arrive, je me prépare dans ma loge, je monte sur les planches pour faire marrer le public, je reprends ma valise et je pars ailleurs le lendemain. Ce côté cirque me plaît! Le rire des gens, c’est une drogue. Addictif! J’aime aussi leur apprendre quelque chose en mettant des références culturelles dans les textes, sans donner l’impression de prétention.

Vos projets?

Poursuivre la tournée de mon spectacle, continuer mes chroniques radio et télé. J’aimerais aussi lancer une émission d’humour en France. Je suis nostalgique des émissions où on rigole de l’actu, avec des sketches, dans le style des Inconnus. Peut-être que je ferai un film ou, qui sait, que j’écrirai des chansons rigolotes. ll y a plein de terrains de jeu que je n’ai pas encore explorés! Je veux juste que la colonne vertébrale reste le rire et le décalage.

Que prévoyez-vous ce 31 décembre?

Je jouerai mon spectacle à Paris et après je me régalerai sûrement d’une andouillette. Ma compagne me supplie parfois de ne pas en manger. Il paraît que ça sent mauvais! (rires)

« L’histoire du suppositoire qui voulait échapper à sa destinée », Alex Vizorek et Caroline Allan, éd. Michel Lafon. Tournée « Ad Vitam »: www.alexvizorek.com

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