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Pourquoi tant de divorces après 50 ans ?

Le nombre de divorces parmi les 50+ a doublé en vingt ans. Des séparations tardives qui ont des conséquences tant émotionnelles que financières.

Spécialisée en droit familial, Wills Langedijk, avocate, constate une très nette augmentation des divorces de couples mariés depuis vingt ou trente ans.  » Je vois beaucoup de couples qui, au fil des ans, se sont éloignés l’un de l’autre et qui, vers la cinquantaine, réalisant qu’ils ont encore de belles années devant eux, sont prêts à donner une nouvelle orientation à leur vie pour en profiter. Il faut dire qu’on vit maintenant beaucoup plus longtemps en bonne santé... »

Cette évolution s’explique aussi par un changement des mentalités. La génération née après la guerre voit le mariage autrement que les générations précédentes. Le bonheur individuel est devenu essentiel : chacun veut réussir sa vie en tant qu’individu. L’épanouissement personnel est devenu la norme.

Avant, la religion influençait la conception du mariage. On faisait ce qu’on attendait de nous et la récompense venait après, au ciel. Maintenant, la récompense, on la veut tout de suite. Et, à l’auve de la cinquantaine, on a beaucoup d’attentes : envie de vivre une nouvelle histoire d’amour, de faire un grand voyage... C’est aussi souvent une étape de la vie où les conjoints passent plus de temps ensemble : parce qu’on approche de la pension, parce que les enfants ont quitté le nid... Le passage à la pension est un moment crucial pour la relation, qui doit être réinventée. Avant, chacun avait des moments à lui lorsqu’il travaillait. Ce qui n’est plus possible quand l’autre est tout le temps à la maison. Pour certains couples, c’est une renaissance mais, pour d’autres, c’est une douche froide. L’un a peut-être vécu dans la perspective de sa pension et déborde de projets tandis que, pour l’autre c’est le contraire. Des problèmes de santé peuvent aussi survenir. L’un des deux n’a peut-être plus envie de consacrer sa vie à veiller sur l’autre. Par ailleurs, les 50+ ressentent une certaine urgence à concrétiser leurs attentes dans la vie.

Vivre seul, pas si facile...

En revanche, quand on se retrouve seul, les choses ne sont pas toujours aussi parfaites qu’espéré. Vivre seul, avec une pension réduite..., la déception est parfois au rendez-vous.

 » Je constate qu’il y autant de séparations parmi les 45-70 ans que dans le groupe des 30-45 ans, confirme le médiateur conjugal Eric Decorte. J’ai reçu récemment un couple de personnes de 86 ans. Comme chez les plus jeunes, les raisons de se séparer sont très diverses. Chez les plus jeunes, les problèmes sont souvent liés à la carrière chronophage ou à des attentes sexuelles différentes. Ces éléments sont moins présents dans le groupe des 50+. Des divergences de vue sur l’éducation des enfants qui ont grandi peuvent être une pomme de discorde... Quel que soit l’âge, le manque de communication est une des causes principales de mésentente. L’infidélité est rarement la cause mais plus souvent la conséquence d’autres dys-fonctionnements dont on n’a pas su parler. « 

Lorsque les enfants quittent la maison et que la pension se profile, il est important de donner un nouveau sens à sa vie et de réinventer sa relation.

 » Quand j’ai commencé ma carrière de thérapeute, j’ai été étonné du nombre de personnes, mariées de longue date, qui voulaient se séparer, constate Yves Kerremans, pyschologue. Ils ont souvent reçu une éducation chrétienne, qui repose sur le mariage. Leur conjoint ne répondait pas à leurs attentes mais ils sont restés. Parfois en espérant qu’il ou elle allait changer. La prise de conscience qu’ils ont le choix est venue plus tard, à un âge plus avancé, et cela, quel que soit le niveau d’éducation. Souvent, un climat de mésentente chronique conduit à la séparation. Par contre, je constate que les couples plus âgés sont plus disposés que les jeunes à faire des compromis pour remettre le couple sur les rails. « 

Une cicatrisation plus lente

 » En termes de conséquences, il y a une solide différence entre un divorce tardif et un divorce à 30 ans, poursuit Wills Langedijk. A 30 ans, le temps qu’on a devant soi pour refaire sa vie ne se compte pas. On retrouve facilement un partenaire. On peut encore avoir des enfants et reconstruire un confort financier. Quand on a dans les 50 ou 60 ans, la cicatrisation est plus lente. On est moins souple et le temps pour retrouver une aisance financière est limité. Par contre, les chances pour les 50+ de retrouver un nouveau compagnon ou une nouvelle compagne sont plus élevées qu’avant. Les 50+ libres sont plus nombreux et sont très actifs sur les sites de rencontre. « 

 » Beaucoup sous-estiment les conséquences, nuance le médiateur familial. Je pense notamment au cercle d’amis qu’on a depuis des années. Après une séparation, ce n’est jamais plus comme avant. Et plus on est âgé, moins les possibilités de se créer un nouveau cercle d’amis sont évidentes. « 

Dur aussi pour les enfants adultes

 » Lorsque deux personnes décident de se séparer au-delà de 50 ans, c’est souvent parce que la relation bat de l’aile depuis longtemps et que le couple a attendu que les enfants soient grands pour prendre cette décision, explique Wills Langedijk. Ils ont le sentiment d’avoir vécu dans l’attente et se disent  » maintenant, on peut enfin penser à nous « . Mais une séparation n’est pas plus facile à vivre pour les enfants devenus adultes. S’il y a moins de problèmes pratiques à régler, le vécu est souvent aussi dur. Les enfants ont alors le sentiment d’une jeunesse passée dans le mensonge et se demandent pourquoi leurs parents ne se sont pas séparés plus tôt. Quand cette rupture intervient à l’âge où eux pensent à fonder une famille, ils trouvent dur à gérer de devoir se soucier d’un parent qui se retrouve seul. C’est surtout vers l’âge de 18 ans que c’est difficile pour eux, cela peut handicaper leur entrée dans la vie. « 

 » C’est, en effet, souvent plus difficile pour les enfants adultes, reconnaît le thérapeute conjugal. Ils sont souvent obligés de prendre parti, ce que des enfants plus petits ne font pas facilement. »

Les femmes prennent l’initiative

Selon certains clichés, ce sont surtout les hommes qui, au moment du démon de midi, tournent le dos à leur partenaire pour une femme plus jeune.  » Cela arrive, bien sûr, poursuit Wills Langedijk. Mais ce sont plus souvent les femmes qui décident de mettre fin à une union. Notamment parce qu’elles accordent plus d’importance au relationnel. Elles veulent une relation qui fonctionne, de l’intérêt, une oreille attentive. Désormais, elles peuvent aussi plus facilement partir si elle n’ont pas le minimum vital à la maison, parce qu’elles sont indépendantes économiquement. Les hommes ont aussi souvent plus à perdre sur le plan relationnel car les femmes ont généralement un réseau relationnel plus fort. « 

 » C’est en effet souvent la femme qui est frustrée par la relation, ajoute Eric Decorte. Elle trouve qu’elle a fait de son mieux depuis si longtemps sans recevoir ce qu’elle mérite. Et beaucoup d’hommes tombent des nues. Financièrement, ils s’en sortent souvent mieux. Mais de plus en plus d’hommes gagnent moins que leur femme...  » Et après, les exconjoints sont-ils plus heureux ?  » Après une séparation, je remarque que celui qui a pris l’initiative du divorce se sent souvent mieux après, répond Yves Kerremans. « 

 » C’est celui qui a le caractère le plus souple qui s’adaptera le plus facilement à la nouvelle situation et qui se sentira le mieux, conclut Wills Langedijk.

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