Anne Vanderdonckt

Où est John ? Il embrasse les arbres

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

« Mais où est passé John ? » Il est allé embrasser les arbres, répondit sa femme sur le ton de l’évidence. Il embrasse... sans doute a-t-elle plutôt dit, je le réaliserai plus tard, il enlace.

C’était par un chaud après-midi d’arrière-saison, à la fin du siècle dernier. Nous étions attablés dans la sapinière qui jouxte la maison de mes beaux-parents, les moustiques se délectant de victuailles aussi consistantes que non consentantes, nous. Les guêpes, hystériques, méprisant totalement le pot de confiture et autres trucs de grand-mère destinés à détourner leur attention, s’intéressaient de près au dessert, accueillant nos cris rageurs comme autant d’encouragements. J’étais en train de réviser ma vision romantique de la vie à la campagne quand quelqu’un demanda :  » Mais où est passé John ? « 

Oui, où est John?

Il est allé embrasser les arbres, répondit sa femme sur le ton de l’évidence. Il embrasse... sans doute a-t-elle plutôt dit, je le réaliserai plus tard, il enlace.

C’est la première fois que nous entendions une chose pareille. John, notre ami canadien, nous apprendra qu’il se remplit ainsi de la force et de la sagesse des arbres depuis l’enfance, qu’il y puise un véritable apaisement. A l’époque, j’ai trouvé cela singulier. Intéressant, comme on dit intéressant quand on se mêle d’une conversation sur un film qu’on n’a pas vu. Aujourd’hui, je suis persuadée que j’aurais été bien inspirée de suivre l’exemple de John. J’aurais eu vingt ans d’avance sur la tendance qui déferle depuis quelques mois.

Car les arbres sont devenus nos nouvelles idoles. Il y a eu La vie secrète des arbres, le livre de Peter Wohlleben (éd. Les Arènes), passionnant, qui dévoile les relations sociales, les mécanismes de défense, de communication et quelque part,  » l’humanité  » des arbres, dans un langage accessible, voire amusant. Ce succès planétaire a été suivi d’une kyrielle de bouquins, du roman au guide de bien-être, tournant autour du thème des arbres, toujours avec le mot  » arbre  » imprimé en grand sur la couverture. L’arbre... dont on fait le papier... dont on fait les livres...

Beau succès aussi pour les bains de forêts, une méthode venue du Japon pour se requinquer le corps et l’esprit (lire p.24). A cela, on peut ajouter le grand regain d’intérêt pour les plantes d’intérieur, de l’agressive et vintage langue de belle-mère (sansevieria) au frémissant ficus. Pas une ou deux dans un coin du living, non, un foisonnement de plantes vertes. Faut-il s’étonner de cet engouement qui, bien plus qu’une mode, répond aux besoins profonds de citadins stressés sur leur bitume, déconnectés car trop connectés, coupés de la nature et sans doute de leur propre nature ? Faut-il s’étonner si les philosophes de l’Antiquité, qui avaient décidement toujours une longueur d’avance, déambulaient en forêt pour stimuler leur cerveau ? Un exercice tout à fait à notre portée tant la Belgique, quoi qu’on en dise, dispose de beaux espaces arborés...

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