Anne Vanderdonckt

Mamy et l’un ou l’autre stéréotype...

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Il est d’usage sur les réseaux sociaux de s’extasier sur les cheveux blancs. #Diversité, #laissons s’exprimer notre nature. « Ah comme c’est seyant, ah que j’aimerais vieillir comme ça, ah quelle merveille que l’âge, oh comme c’est génial de vieillir, oh vieillir en rides, c’est beau », pépillent les commentaires, ce matériau ethnologique de notre première moitié du XXIe siècle.

Oui, mais point trop n’en faut quand même. #pousse pas le bouchon, Maurice, complétera l’observateur, pas né de la dernière pluie.

Ainsi, l’autre jour, au centre de l’attention sur un blog, la photo d’une femme à la pose affirmée, aux cheveux blancs immaculés, vêtue d’un pantalon et d’un pull du plus beau bleu électrique. Simple et efficace. Et c’est là que les « mais » se réveillent pour sortir les commentaires laudatifs de leur torpeur politiquement correcte. « Quelle magnifique chevelure blanche bien assumée, mais pourquoi ces vêtements qui la durcissent et cette pose conquérante qui ne sied pas à quelqu’un de son âge? Du pastel lui eut mieux convenu. Pour moi, âge rime avec bienveillance, douceur et sérénité. »

Et sagesse, n’oubliez pas la sagesse, plaisantera l’observateur, goguenard.

Pourquoi, en dépit de l’évidence, l’âge reste-t-il associé à la grand-mère des confitures Bonne Maman plutôt qu’à Catherine/Patricia/Isabelle, travailleuses, amoureuses, curieuses, voyageuses...?

Mais attention, l’image que la société se fait de la grand-mère (ou de la femme flirtant avec le cap de la ménopause, allez allez, n’hésitons jamais à mettre tout dans le même sac: encourageons la généralisation abusive, ricanera l’observateur, maintenant de mauvais poil) n’est pas à strictement parler fausse. La grand-mère passive, gentille, asexuée, inoffensive est une reconstitution d’époque. Une reconstruction mentale qui fait revivre un monde ancien fantasmé, tellement rassurant face à une modernité qui déraille. Au même titre que les cafés d’aujourd’hui replongent leurs hôtes dans un semblant d’hier constitué de Formica, de chaises bancales et de « langues de belle-mère » en pot.

Et où seul le prix astronomique du café multi labellisé se fiche bien de la fidélité au monde vintage, déplorera l’observateur, dépité.

Alors, Mamie Nova ou Monique la femme puissante ? C’est comme vous voulez, à condition que ce soit votre choix. Si certaines se rêvent au coin du feu emmitouflées dans un plaid à carreaux à siroter une camomille, enfin la paix !, on peut lire aussi, au fil des blogs, comment se projettent les autres : « J’espère que je serai une femme âgée en colère » ou « une femme pas sage, en tout cas pas sage comme l’entend la société ».

Une femme comme Jane Fonda qui, avec ses 83 ans, au premier rang des manifs pour le climat, et emmenée au poste pour cela, fut qualifiée de « mamy » dans de dignes médias dénonçant par ailleurs, à longueur de colonnes, les stéréotypes de tout poil, persiflera l’observateur, éberlué.

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