Élu meilleur zoo d'Europe en 2019, Pairi Daiza s'inscrit dans un programme de reproduction des pandas (photo : un panda dans son habitat naturel) © GETTY IMAGES

Le zoo, cette arche de Noé qui veille avant tout au bien-être animal

Les zoos sont régulièrement décriés. A tort ? Oubliez les zoos de votre enfance : la plupart des parcs animaliers ont changé leur philosophie. Le bien-être animal et la sauvegarde d’espèces menacées y passent désormais avant tout !

Il ne s’agit pour l’instant que d’un projet aux allures de science-fiction, baptisé « Zootopia « , mêlant curieux vélos entourés d’une bulle-miroir, tunnels et observatoires cachés dans le sol : le zoo de Givskud, au Danemark, va prochainement entamer une mutation radicale. L’objectif? Dissimuler totalement les visiteurs au regard des animaux, qui évolueront désormais en semi-liberté dans de grands paysages ouverts, aux bordures subtilement camouflées sous des éléments naturels. Plus de cages, de vitres, ni de fossés en béton : si ce « Zootopia  » est mené à terme, il deviendra le point d’orgue de la mutation des jardins animaliers.

SPECTATEURS PRIVILÉGIÉS

C’est que le concept de zoo a fortement évolué ces dernières décennies. « Avant, quand les visiteurs allaient au zoo, on peut dire qu’ils consommaient des animaux « , rappelle Christine Gagnon, directrice conservation et éducation au zoo de Saint-Félicien (Québec), qui a revu son organisation dès les années 70 et se définit aujourd’hui comme un zoo  » sauvage « .  » On leur présentait le plus d’espèces possible et ils observaient les animaux à coup sûr, puisque ceux-ci n’avaient rien pour se cacher...  » A l’époque, toutes les villes majeures d’Europe et du monde possédaient leur jardin zoologique, surpeuplés et à la taille forcément limitée.

S’il existe encore quelques rares zoos urbains, la plupart sont désormais établis à la campagne ou dans des espaces naturels préservés, où la place ne manque pas. C’est que les médias, internet et télévision en tête, permettent de visualiser très rapidement à quoi ressemble un animal, même originaire des antipodes: au-delà de la question du bien-être animal, il n’y a plus grand intérêt à présenter des animaux à la queueleu-leu comme dans un bestiaire. De plus en plus de zoos cherchent à proposer une expérience où le visiteur est l’observateur privilégié d’animaux vaquant tranquillement à leurs occupations. Quitte à créer un certain paradoxe, comme à Saint-Félicien, qui a poussé le concept assez loin : l’animal évolue en semi-liberté tandis que le visiteur est  » enfermé  » sur des passerelles placées en hauteur ou dans des véhicules parcourant les différents biotopes.  » Ce qu’on veut faire, c’est assurer un maximum d’espace pour les animaux, dans leur habitat naturel ou ce qui y ressemble le plus possible « , poursuit la directrice.

L’AUGE, À MOITIÉ VIDE OU À MOITIÉ PLEINE

Si les zoos ont entamé leur mue, on le doit à l’évolution des connaissances scientifiques et à l’importance croissante que notre société accorde au bien-être animal : nous supportons de plus en plus mal la souffrance et la maltraitance.  » Avant, on faisait surtout attention à la santé et aux fonctions biologiques des animaux. Il suffisait que leur enclos soit propre et qu’ils ne subissent pas trop de stress. Aujourd’hui, on se préoccupe aussi de leurs fonctions naturelles et de leur bien-être émotionnel. Un animal doit pouvoir faire tout ce qui est dans sa nature et il faut qu’il se sente bien dans sa peau. Bref, il doit vivre une vie qui en vaille la peine « , insiste Hilde Vervaecke, biologiste comportementale à la Haute Ecole Odissee et présidente de la commission des parcs animaliers de Flandre.

On sait désormais que les singes ont besoin de grimper et de socialiser, d’interagir avec leurs semblables. Mais aussi de pouvoir s’isoler, à la fois du public et des autres singes. Quant à savoir si un animal se sent bien dans sa peau, c’est une autre histoire... Cela dit, il suffit d’étudier son comportement pour en déduire pas mal de renseignements : joue-t-il ? Part-il à la découverte de son enclos ? Se montre-t-il curieux ? Certains tests comportementaux permettent de cerner l’état d’esprit d’un animal – optimiste ou pessimiste. « On apprend par exemple à un animal à distinguer un seau blanc, qui contient un aliment qu’il adore, d’un seau noir, qui contient, au contraire, un aliment qu’il n’aime pas. Puis on lui propose un seau gris. Un animal heureux y goûtera, alors qu’un animal stressé ou malheureux ne prendra pas ce risque,  » explique Hilde Vervaecke.

Le zoo sauvage de Saint-Félicien a pris le parti de ne plus présenter que des animaux adaptés aux conditions rigoureuses de l'hiver canadien, comme l'ours polaire.
Le zoo sauvage de Saint-Félicien a pris le parti de ne plus présenter que des animaux adaptés aux conditions rigoureuses de l’hiver canadien, comme l’ours polaire.© BELGAIMAGE

DES RÈGLES DE PLUS EN PLUS STRICTES

Ce que nous ne tolérons plus, en revanche, ce sont les comportements stéréotypés – comme un ours blanc obligé de se comporter en ours blanc ou un éléphant qui se balance d’avant en arrière. Les lois régissant le bien-être animal évoluent en permanence, au gré des dernières découvertes scientifiques, et édictent un ensemble de règles obligatoires pour tous les parcs animaliers. Cela va de la taille des enclos à leur composition. « L’aménagement des enclos compte sans doute encore plus que leur taille, souligne Hilde Vervaecke. On va vérifier qu’il y a suffisamment de soleil et d’ombre, que les suricates peuvent creuser tout leur soûl, que le lion dispose d’un promontoire d’où il peut toiser son petit monde, qu’il y a suffisamment d’herbes hautes pour se cacher, etc. C’est à l’animal de décider de ce qu’il a envie de faire, quand il en a envie. « 

En plus d’offrir aux animaux un espace de jeu et de découverte, les équipes de soigneurs s’efforcent d’égayer de toutes les façons possibles la vie des animaux. Ils cachent la nourriture dans des endroits peu évidents, fabriquent des jouets pour divertir les occupants des enclos... « Nous donnons parfois à nos tigres une grosse bûche qui vient de chez les chèvres. Les tigres sont des chasseurs, alors l’odeur imprégnée dans le bois les occupe pendant des heures « , assure Christine Gagnon.

LA QUALITÉ PLUS QUE LA QUANTITÉ

Les parcs animaliers ont une conscience aiguë du bien-être émotionnel des animaux qu’ils hébergent. Nombre d’entre eux ont fait le choix de la qualité plutôt que de la quantité : moins d’espèces différentes mais plus de place pour celles qui restent.  » Les zoos ont vraiment tout intérêt à améliorer le bien-être de leurs animaux. C’est l’assurance d’avoir moins de maladies, de pouvoir montrer des animaux sains et heureux, et de faire bonne impression auprès du public « , détaille Hilde Vervaecke. Alors tout est-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non, car on peut toujours aller plus loin. « On se préoccupe beaucoup des grands mammifères vertébrés. Mais on se penche nettement moins sur le bien-être des reptiles et des amphibiens, déplore la biologiste comportementale. Je pense aussi qu’il y aurait un débat à mener sur les animaux qu’on peut maintenir ou non en captivité. Car les parcs animaliers restent des entreprises commerciales : ils espèrent attirer un maximum de public. A nous, scientifiques, d’informer les directeurs de zoos des dernières découvertes en matière de bien-être animal, pour qu’ils puissent en tenir compte. « 

ÉMOUVOIR POUR INFORMER

Le fait que le bien-être animal soit désormais la priorité n°1 ne risquerait-il pas de frustrer les visiteurs, qui passeront plus facilement à côté de certains animaux ? « Cela nécessite un changement de mentalité, concède Christine Gagnon. Il n’est plus certain que vous allez voir l’animal directement en arrivant, il va falloir prendre le temps d’observer... Mais si vous parvenez à repérer un cougar dans son habitat naturel, vous réalisez beaucoup mieux à quel point son camouflage est parfait. Et puis, le fait que les animaux ne soient pas toujours au même endroit et varient leurs occupations permet de faire de chaque balade une expérience différente. « 

De quoi favoriser l’une des missions essentielles des zoos : celle d’informer sur la faune et sa nécessaire préservation.  » Les gens, quand ils viennent au zoo, ne se disent pas qu’ils vont apprendre plein de choses : ils pensent avant tout à passer un bon moment en famille, ajoute la Québécoise. Mais si vous créez une émotion dans un bel environnement, avec des animaux qui sont fiers et bien portants, vous créez une ouverture: les gens sont plus ouverts à nos équipes de naturalistes, à l’écoute, et repartiront toujours avec un peu plus de connaissances que lorsqu’ils sont arrivés... « 

LE ZOO DEVIENT SANCTUAIRE

Outre leur fonction éducative et de divertissement, la plupart des zoos se sont également fixé une mission de préservation des espèces menacées. En Belgique, les zoos d’Anvers, de Planckendael, le Domaine des Grottes de Han, Pairi Daiza et bien d’autres font ainsi partie de l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA). Via cette coupole, ils s’engagent notamment à respecter certaines règles de bien-être animal, et participent à des programmes de reproduction en captivité ou des actions directes sur les habitats naturels. Pour certaines espèces particulièrement menacées, les zoos deviennent ainsi de véritables sanctuaires. Grâce à des programmes d’élevage au sein des parcs animaliers, le grand public peut désormais découvrir les oryx, les chevaux de przewalski, les cerfs du Père David... Autant d’espèces qui risquaient l’extinction dans la nature.

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