Anne Vanderdonckt

Le sac ne masque rien

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Au moment de refermer la porte, je suis prise d’un doute. Mon masque de réserve? Je fouille dans ma besace de cuir souple et butte contre un flacon de gel hydroalcoolique aux trois quarts entamé. Le masque? Oui, il est bien là, protégé dans ce qui était à l’origine un sac de congélation. Rayon TOC et angoisses, le « N’ai-je pas oublié mon masque? » a éclipsé le « Ai-je bien éteint le gaz? »

Replacez-vous un an plus tôt. Qui eut cru que nos sacs accueilleraient, en plus de leur bazar habituel, des masques? Et, en dehors des périodes de départ en vacances qui nous confrontent aux toilettes des aires d’autoroute, du gel hydroalcoolique? Que le masque aurait eu la peau du rouge à lèvres? Mais qu’il aurait, en revanche, boosté les eye liners et mascaras qui s’installent en terrain conquis dans les trousses.

C’est que le sac à main, pourvu qu’on en fasse l’inventaire, raconte toute une évolution. La nôtre, personnelle, d’abord. Il y a vingt ans, nous y trimballions des petits jouets pour occuper nos jeunes enfants dans la salle d’attente du dentiste. Aujourd’hui, au même endroit, nous y piochons nos lunettes pour patienter en lisant un bouquin, qu’il soit « papier » ou téléchargé sur une liseuse, innovation que les réticules encombrés apprécient pour sa taille de guêpe et son poids plume. Mais bien plus loquace encore, notre sac se fait manuel d’histoire pour refléter les bouleversements et évolutions de la société, comme le mettent aujourd’hui en lumière le masque et le flacon de gel.

Dès le début des années 2000, le GSM se popularise, nous rendant joignables à tout moment. Ce téléphone mobile a pris une telle importance dans nos vies que les sacs se sont vus équipés d’une pochette pour l’y caser. Le GSM effacé par le smartphone, nos sacs s’allègent à mesure que leur propriétaire se laisse persuader par les multiples fonctionnalités de ce couteau suisse. Ainsi, l’appareil photo disparaît, de même que l’agenda, le carnet d’adresses, de notes, le plan de ville, la lampe de poche, le miroir, le compteur de pas, l’iPod. Restent les oreillettes.

Société hyper technologique oblige, les clés de voiture ne doivent plus être sorties du sac pour activer le bolide qui atteindra la vitesse folle de 30km/h sur les chaussées bruxelloises. Elles peuvent donc reposer quelque part au fond du capharnaüm. Il suffit de pouvoir les y retrouver une fois l’an à l’occasion de l’entretien.

Notre sac dévoile aussi notre souci d’écologie et de bonne santé. Plus de cigarettes ni de briquet. Plus de petite bouteille d’eau en plastique, mais une gourde. Plus de délice au chocolat et caramel pour repartir après le coup de barre, mais une barrette bio diététiquement correcte. Ajoutons que le sac à main, telle une poupée russe, abrite désormais un autre contenant: le sac à commission repliable et réutilisable. Par contre, exit les pansements destinés à soulager les ampoules: les talons hauts, c’est out ; les baskets, c’est in. Plus confortables pour les 10.000 pas quotidiens...

À partir du 21 octobre, le sac de ceux qui voyageront en Grande-Bretagne devra contenir un passeport valide. Brexit! Oh my god!

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