Anne Vanderdonckt

La tête dans le sable

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Lorsque j’ai commencé à travailler, dans les années 1980, mon père m’a incitée à immédiatement souscrire à une épargne-pension et à la garder par vents et marées. A l’époque déjà, tout le monde savait que l’équation ne serait pas simple: les enfants du baby boom partiraient tous à la retraite à un moment où, du fait du renversement de la pyramide des âges, le nombre d’actifs diminuerait. Et, en plus, ils vivraient très vieux, ces mouflets d’après-guerre. Très vieux et inactifs. Déjà donc, à cette époque qui avait perdu toute l’euphorie des golden sixties et remplacé les joyeuses mini-jupes par de graves manteaux aux épaules surdimensionnées, l’avenir des pensions générait beaucoup de questions. Même si on peut avoir l’impression qu’en dépit de toutes les alertes, celles-ci ont été prises par-dessus la jambe, façon Crazy Horse. Un peu comme le changement climatique, phénomène connu depuis des lustres, mais auquel on ne finit par croire qu’à l’occasion d’un été où sévissent des inondations, ici, et des canicules impensables, là.

Donc on en parlait beaucoup de ce choc des pensions, mais comme d’une catastrophe à la fois inéluctable et tellement lointaine. Il n’y a qu’à se souvenir du fameux fonds argenté, ou fonds de vieillissement. Créé en 2001 comme coup de pouce aux pensions entre 2010 et 2030, les versements, qui devaient provenir des surplus budgétaires, ont cessé en 2007 et le contenu du maigre cochon a été, pour faire bref, prêté par l’Etat belge à l’Etat belge. Le moribond a été officiellement déclaré mort le 01/01/2017. R.I.P. le fonds argenté! L’argent aurait servi à financer une demi-année de pension. Et l’opération présentée comme une simplification administrative, nécessité dont on ne doute pas un instant.

Pourra-t-on encore payer les pensions? Les montants deviendront à tel point riquiquis que, de toute manière, elles ne suffiront pas, imaginait-on dans les années 80. Mais bon, ça, ce sera demain, on verra bien. Adulte, n’ayant plus mon père à mes côtés pour me tanner, j’ai vu passer sans broncher ni lever le petit doigt l’opportunité de racheter mes années d’études pour en gratifier mes années de carrière. Tout plutôt que de penser à la pension, cette étape de vie aujourd’hui présentée sous un jour désirable, mais qui fut longtemps crainte comme une fin, une exclusion!

Alors que, travaillant dans ce magazine, on s’attendrait à ce que je pointe du doigt leur inconséquence, j’ai donc plutôt tendance à éprouver une certaine empathie avec les répondants au récent baromètre de l’assureur-vie NN. Celui-ci révèle que seuls 19% des Belges pensent que l’Etat pourra leur garantir une pension. Mais qu’ils sont plus de la moitié à se dire que financièrement ce ne sera pas gras, tout en ne mettant rien en oeuvre pour y remédier et n’ayant de toute manière pas la moindre idée de la somme qu’ils devraient épargner. Je dois avouer qu’il m’a fallu très longtemps pour aller jeter un oeil à Mypension.be, instrument génial s’il en est dont nous vous présentons les fonctionnalités dans nos pages droits. Comme quoi les générations se suivent et se ressemblent à s’enfoncer la tête dans le sable.

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