L’anti Top Chef

Nos meilleures soirées ? Celles dont on se souvient des années après ? Ce sont celles où des copains débarquent à l’improviste et où on fouille les placards pour cuisiner une omelette improvisée.

Machin est intolérant au gluten. Son cousin ne jure plus que par l’huile de coco. Truc (c’est moi) s’enfuit à la vue de la volaille. Bidule est omnivore, mais locavore et n’avale rien qui ne soit estampillé bio. Brol a mal aux dents (merci de prévoir quelque chose qui se mange sans devoir mâcher). Et sa moitié fait régime. Les enfants pleurnichent qu’ils n’aiment pas les légumes. Le chien engloutirait bien le tout, mais lui, le seul  » facile  » de la bande, est condamné aux croquettes. Et il faut trouver une idée de plat fédérateur pour satisfaire tout le monde ! Des années que cela dure et cela va de mal en pis. D’autant plus, que contaminés par l’esprit Top Chef, on veut que tout soit merveilleux, inoubliable, sophistiqué. Résultat, on se creuse la tête et on court pendant des jours pour produire une entrée à 136 épices que tout le monde engloutira en trois secondes, trop occupé à bavarder avec ses voisins pour noter la subtilité de l’accord entre l’assiette et son contenu, et encore moins pour déceler à quel point le mariage de vos 136 épices était unique. Surtout le grand, là, en bout de table, qui a demandé où était le ketchup.

L’autre jour, comme il faisait bon contre toute attente, on a proposé aux invités de prendre l’apéro dehors. Tout le monde s’y est mis pour sortir les chaises et une table de camping de la cave, on a rapidement épousseté le tout, on a posé les paquets de chips (chips considérés aujourd’hui comme ringardissimes, je sais mais j’assume) et les barquettes d’olives sans aucun souci de déco, question de pouvoir tout remballer très vite en cas de pluie. La table n’a jamais été aussi moche. On ne s’est jamais autant amusés.

Et c’est là qu’on se dit : au fond, avant, le problème que je décris ci-dessus et auquel vous êtes sans doute nombreux à être confrontés aussi, on ne le rencontrait pas.

Avant, c’est-à-dire du temps où tout le monde mangeait de tout et où les enfants étaient obligés de rester devant leur platée d’épinards jusqu’à ce qu’ils les aient ingurgités. Mais ce temps-là, on ne veut pas y revenir. Surtout pas !

Avant, c’est-à-dire lors de nos débuts dans la vie d’adulte, quand on posait nos spaghettis sur la table, dans la casserole, et que tout le monde se régalait de bon coeur en ne craignant pas de faire des taches sur la nappe, vu que la nappe était en papier.

Nos meilleures soirées ? Celles dont on se souvient des années après ? Ce sont celles où des copains débarquent à l’improviste et où on fouille les placards pour cuisiner une omelette improvisée. Celles où tout le monde arrive avec un plat et où on découvre d’autres manières de cuisiner. Celles où on se retrouve tous dans la cuisine à refaire le monde en touillant dans la sauce. Ce dont on se souvient, en fait, ce sont des gens, de l’ambiance, pas des 136 épices.

Bon appétit si vous êtes à table !

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