Anne Vanderdonckt

Edito: ‘Peut-on tout montrer?’

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

A l’heure où sort ce numéro se déploie aussi la campagne  » Vrais corps « , initiative d’Amazone, asbl qui défend l’égalité de genre, visant à ce que tous les corps soient présents dans les médias, quel que soit leur âge, quelles que soient leur taille, leur forme, leurs imperfections. On ne peut évidemment qu’adhérer. Et d’autant plus quand on repense à cette toute récente affiche du Festival de Cannes 2017 qui avait repris une photo d’époque de l’actrice Claudia Cardinale, splendeur faite femme rabotée par les vertus de Photoshop question de transformer sa minceur en maigreur. Sous la pression générale, Claudia Cardinale a, ouf !, repris sa taille d’origine. Mais on se demande comment on peut en arriver encore à imaginer des chipotages pareils. Outre le fait que Claudia Cardinale est parfaite, même aux normes d’aujourd’hui, une tendance très forte consiste par ailleurs à tout montrer. Rien qu’aujourd’hui, sur un seul site d’info parcouru distraitement, une femme en bikini montre ses vergetures, une autre une énorme cicatrice dans son dos. Hier, c’étaient des ventres distendus et culottes spéciales d’après-grossesse. Avant-hier, les vedettes qui se montrent au saut du lit, (soi-disant) démaquillées.

Depuis tout un temps, dans le sillage d’actrices comme Lena Dunham (Girls), les réseaux sociaux défendent l’idée de l’acceptation de soi et de son corps, clamant que ce n’est pas parce qu’on n’a pas un corps de mannequin qu’il ne vaut rien. Un exemple, le hashtag Big Thigh Twitter dédié aux rondes, sans doute les plus actives car les plus stigmatisées dans la vie quotidienne par l’idéal la minceur jusqu’à l’absurde. Tout tout tout, jambe de bois et oeil de verre, on montre tout. Un grand déballage impudique qui peut, oui, rassurer certain(e)s : Jef(fe) t’es pas tout(e) seul(e). Mais jusqu’où peut-on aller trop loin dans le non-montrable ? La réponse vient de tomber : le poil. Le poil sous l’aisselle. Paris, la fille de Michael Jackson, s’est fait laminer pour des aisselles non rasées. Une autre jeune fille aussi, pour la même raison et une légère pilosité en dessous du nombril. Car aujourd’hui, on montre tout, sauf ces caractères sexuels secondaires qui nous rappellent ce qu’on s’efforce depuis des milliers d’années d’oublier : notre part d’animalité. Aujourd’hui, donc, le poil se porte sur les mentons virils (ah cette vogue des hipsters qui n’en finit plus !) mais nos barbus s’épilent le corps.

Epoque poilante qui n’en est jamais à une contradiction près...

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