Des poires en forme de Bouddha. Et pourquoi pas des vaches mauves ?

N’y voyez pas d’intervention divine : Dieu n’a rien à voir dans tout cela, ni Siddhartha Gautama. Pourtant, à l’autre bout de la terre, en Chine, des poires en forme de Bouddha poussent joliment sur les arbres. Simplement ?Grâce à l’intervention de l’Homme bien sûr ...

Ces poires ressemblent à de petits bouddhas gras, les bras croisés sur un ventre dodu, le visage éclairé par le sourire de la méditation. Quelle magie a opéré autour de ce fruit, plutôt banal sous nos contrées ? Un moule en plastique auquel on a donné les traits de Bouddha.

Joli tu seras

De tout temps, l’Homme a voulu laisser son empreinte sur tout ce que la Nature lui offrait. Dans un premier temps, l’objectif de l’agriculture était de produire plus grand, plus vite, mieux. L’être humain s’est ensuite interrogé sur la forme à donner aux produits issus de la terre. Il fallait leur trouver un style original. Ainsi, bien avant l’arrivée de Christophe Colomb aux Amériques, les agriculteurs ont fait pousser du maïs et des haricots aux couleurs diverses, des dizaines de variétés de poivrons différentes, des tomates de toutes les formes et aux saveurs diverses : des grosses, des petites, des feuillues, des sucrées, en forme de mamelons, des rouges, des roses, des jaunes, ... Il en va de même pour le concombre que l’Homme a contraint à pousser droit : George Stephenson, inventeur de la locomotive à vapeur à ses heures perdues, avait mis au point des cylindres de verre, fermés à une extrémité et qui servaient de forçage aux cucurbitacées.

Des poires corsetées

Pour les poires Bouddha, pas de miracle non plus : elles ont été  » corsetées  » dans un moule en plastique dès leur plus jeune âge. Le fruit immature s’est ainsi développé en prenant la forme du moule. Aucune transformation génétique donc, ni même aucun produit nocif, mais bien le  » génie  » d’un Chinois, Hao Xianzhang, qui a mis six ans pour élaborer ses moules en plastique.

Il y a une vingtaine d’années, un agriculteur japonais de l’île de Shikoku avait aussi eu la géniale idée de faire pousser des pastèques carrées, histoire de les ranger plus facilement dans le réfrigérateur et de pouvoir les empiler sur les étals des marchés. On les dit aussi plus faciles à transporter. Il faut compter environ 18 jours pour que le gros fruit oblong se transforme en cube. L’inconvénient est que la pastèque-aux-formes-nouvelles se vend jusqu’à trois fois plus cher que la pastèque-qui-roule !

L’Union européenne et ses critères de beauté

Le culte du beau-lisse-propre se répercute ainsi sur les fruits et légumes et le consommateur choisira plutôt un aliment joli que bizarre. L’Union européenne a elle-même conditionné l’acheteur en bannissant des marchés les concombres courbes, les carottes tordues ou les aubergines bossues. Pour le concombre, la réglementation européenne stipulait qu’il devait être bien formé et pratiquement droit avec une hauteur maximale de l’arc de 10 millimètres pour 10 centimètres de longueur. Des normes dignes d’un défilé de mode ... avec le gaspillage mondial qui les a accompagnés. Heureusement, depuis 2009, l’Europe est revenue sur ses diktats, laissant certains difformes s’afficher fièrement dans les rayons. Toutefois, des règles strictes sont encore appliquées notamment pour les pommes, pêches, citrons, poires, poivrons, tomates. Certains supermarchés se sont insurgés en proposant d’horribles fruits et légumes, mais aux valeurs nutritives excellentes, à des prix défiant toute concurrence. Parce qu’il faut bien l’avouer, les pastèques carrées et les poires Bouddha n’ont pas encore traversé le Pacifique pour gagner nos contrées. D’ailleurs, seriez-vous prêt à payer des sommes rondelettes pour de beaux aliments qui finiront quand même en bouillie en un rien de temps?

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