Confinement : allons-nous tous finir alcooliques ?

Avec le confinement, nombreux sont ceux qui ont modifié leur consommation d’alcool. Quitte à prendre de mauvaises habitudes ? Pour le savoir, l’UCLouvain vient de lancer une étude.

En temps normal, il y avait parfois le petit verre réconfortant après une mauvaise journée au boulot. La sortie arrosée du samedi soir, avec les amis, ou l’apéro du dimanche en famille. Autant de petits rites, de façons de consommer de l’alcool totalement bousculées par les récentes mesures de confinement. Buvons-nous plus ou moins, maintenant que nous sommes assignés à résidence ? Pour tenter d’y voir plus clair, l’UCLouvain vient de lancer une enquête auprès de la population belge francophone : via un questionnaire en ligne, celle-ci est invitée à détailler sa consommation avant et pendant la mise en quarantaine.

« Nous ne savons vraiment pas dans quel sens va cette évolution de la consommation, explique Pierre Maurage, professeur à l’Institut de recherches en sciences psychologiques. Deux hypothèses sont possibles : la consommation augmente peut-être, car des gens boivent davantage pour se détendre durant cette période anxiogène ; mais cela peut aussi être l’inverse, car de nombreuses personnes consomment avant tout de l’alcool dans un contexte festif, quand elles se regroupent, ce qui est actuellement impossible. »

Quand l’exception devient une habitude

Il est aussi possible que cette évolution varie suivant les populations. Si les étudiants sont temporairement privés de guindailles, et donc d’épisodes festifs d’intense alcoolisation, leurs aînés pourraient être davantage tentés de tâter de la dive bouteille... « On peut faire le parallèle avec un phénomène qui se rencontre assez régulièrement chez les personnes qui arrivent à la retraite : il n’est pas rare que les nouveaux pensionnés augmentent progressivement leur consommation, ayant plus de temps pour eux, moins d’obligations et de l’alcool accessible à toute heure de la journée. » Un tel processus pourrait se développer de façon accélérée chez les travailleurs confinés, en chômage partiel/temporaire ou en télétravail.

La tentation de prendre un apéro tous les jours, ou dès midi plutôt qu’au soir, pourrait par exemple induire une augmentation sournoise de la consommation. Au risque de devenir alcoolique durant le confinement ? « Non, les gens ne vont pas devenir alcooliques du jour au lendemain, répond Pierre Maurage. L’entrée dans la dépendance ne se fait pas brusquement, c’est très insidieux. La consommation est problématique quand elle a des conséquences sur la vie quotidienne, qu’il y a des phénomènes de tolérance et de sevrage... » Mais la période n’est toutefois pas sans danger : elle pourrait créer de mauvaises habitudes de consommation, qui pourraient perdurer après le retour à la normale.

Prendre conscience de sa consommation

À partir de quel moment, de quelle quantité faut-il s’inquiéter ? Selon le Conseil supérieur de la santé, tant que la consommation d’alcool reste en deçà de 10 unités hebdomadaires, elle n’est pas problématique (voir encadré). « C’est assez restrictif, puisqu’en-dessous de la consommation moyenne des Belges, fait remarquer le professeur de psychologie. Mais, au-delà des quantités, il est important que les gens se rendent compte, se posent la question de savoir s’ils ont augmenté ou pas leur consommation durant le confinement. C’est d’ailleurs en partie à cela que sert notre enquête. »

En cas d’augmentation notable, il convient de faire un minimum d’introspection. « Il n’y a pas à s’inquiéter si on fait un apéro en ligne le vendredi soir, ou qu’on ouvre une bouteille de temps à autre, et qu’on boit un peu plus que la normale... Dans le contexte anxiogène actuel, on peut comprendre que cela puisse aider à se sentir mieux, à garder le contact social, il ne faut pas en faire un drame (même s’il faut savoir que la consommation d’alcool conduit en réalité à terme à une augmentation du stress et de l’anxiété). » La situation est par contre plus problématique si la consommation est automatisée (par exemple, dès que sonne 17h), sans réelle raison, si ce n’est une anxiété et un mal-être diffus. « Il peut alors être intéressant d’essayer de trouver une alternative, d’autres stratégies pour se sentir le mieux possible, comme s’offrir une petite séance de sport, un bouquin, une série... »

Une dose d’alcool, c’est quoi ?

Pour quantifier la consommation d’alcool, les médecins la traduisent en grammes. 10 grammes d’alcool équivalent à une dose, soit un verre de vin, de bière, ou d’alcool fort. Reste qu’on évalue souvent mal à quoi correspondent exactement ces doses. » Un verre de bière, c’est 25 cl de bière à 5% ; un verre de vin, c’est un verre un peu radin de 10 cl à 12% [un verre habituel fait plutôt 12 cl et les vins montent couramment à 13-14°, ndlr] et un verre de spiritueux, c’est 3 cl « , nous expliquait en décembre dernier le Dr Bernard Dor, médecin alcoologue.

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