Comment se (re)faire un cercle d’amis

Métier très prenant, séparation, veuvage, déménagement... et on voit nécessairement notre cercle d’amis se déliter. Comment alors se refaire des amis à 50+?

Les amis, c’est bon pour la santé. Car nos amis ne se contentent pas de nous apporter un soutien émotionnel dans les bons et les moins bons moments, toutes les études le démontrent: les gens qui savent entretenir des liens d’amitié sont moins sujets aux rhumes et refroidissements ! D’ailleurs, certaines amitiés durent plus longtemps qu’une relation de couple. Vos meilleurs amis sont susceptibles de rester à vos côtés, par exemple lors d’un divorce, le temps que vous retrouviez l’amour. Avoir des amis – et les conserver -, c’est presque une assurance bien-être. Pourtant, entretenir une amitié ne va pas toujours de soi, et se faire de nouveaux amis encore moins.

DU TEMPS POUR L’AMITIÉ

Il est logique de compter moins d’amis à l’âge adulte que pendant ses années d’enfance et d’adolescence. L’école, les activités sportives et les clubs de loisirs offrent de multiples possibilités de se faire des copains, à force de se côtoyer. Cette continuité dans le temps est l’une des conditions pour se forger des amitiés. Mais d’autres facteurs entrent en ligne de compte, ainsi que nous le confirme Selma Franssen, qui a écrit un livre sur le thème de l’amitié. « On ne devient l’ami de quelqu’un qu’en osant montrer sa vulnérabilité, souligne-t-elle. Or, c’est facile à faire quand on est jeune. Vers l’âge de 30 ans, on passe le plus clair de ses journées sur son lieu de travail qui n’est certainement pas le meilleur endroit pour dévoiler ses faiblesses. Si, outre votre carrière, vous avez un conjoint(e), une maison et de jeunes enfants, il ne vous reste plus beaucoup de temps pour l’amitié.

Plus on prend de l’âge, mieux on sait ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas. Cela se traduit aussi dans nos amitiés: nous devenons plus sélectifs. « Des études scientifiques ont établi qu’au fil des ans, on a plus de mal à se confronter à la nouveauté, quelle qu’elle soit, et aux schémas de pensée qui ne correspondent pas aux nôtres, analyse Selma Franssen. Or, quand on rencontre de nouvelles têtes, on entre en contact avec des univers variés. Les nouvelles amitiés sont susceptibles de nous sortir de notre zone de confort, chose qu’on n’est pas toujours prêt à accepter. »

Veerle Troch, qui donne des cours sur l’art de se faire de nouveaux amis dans une association, s’est rendu compte que les liens d’amitié varient en fonction des étapes de la vie. Au moment d’entrer dans la vie active, on perd pas mal d’amis. Idem au moment de la pension : on perd tout un réseau, celui des collègues. « Il arrive que certains amis soient dans une tout autre phase de leur vie, ce qui complique le contact. Pendant les cours, je demande aux participants de dresser la liste de leurs amitiés actuelles. Certains se rendent compte qu’ils ont su se forger un bon réseau social. D’autres, nettement moins. Certaines circonstances – un déménagement, un divorce, un métier trop prenant... – ont fait qu’ils ont perdu pas mal d’amis et ne s’en sont pas fait de nouveaux. »

SOYEZ VOTRE MEILLEUR AMI

Pour être un bon ami et élargir son cercle, il faut avant tout devenir son propre meilleur ami affirme Veerle Troch. « Tout part de soi. Si vous êtes en paix avec vous-même, vous saurez mieux donner de l’amitié et en recevoir. Les gens qui se connaissent savent quelles qualités ils peuvent mettre en avant et quels défauts ils doivent tempérer. » C’est aussi un excellent moyen de savoir comment et où rencontrer de nouveaux amis. « Le plus important, c’est de se montrer authentique. Quelle est votre mode de vie ? Que préférez-vous faire? Si vous aimez randonner, rejoignez un club de marche. Peut-être avez-vous la fibre artistique? Inscrivez-vous alors dans une académie proche de chez vous. Suivre aveuglément les conseils des autres n’a aucun sens. Pour vous faire de nouveaux amis, respectez qui vous êtes vraiment. Pour cela, vous devez vous connaître et cerner vos points forts. »

NE CHERCHEZ PAS TROP LOIN

Il n’est pas toujours nécessaire de tout reprendre à zéro et, par exemple, de se forcer à s’inscrire dans un club de bricolage, de sport ou autre. Selma Franssen n’a qu’une trentaine d’années, mais, enfant et adolescente, a très souvent déménagé avec ses parents, de ville en ville, de pays en pays, avant d’arriver à Bruxelles voici quelques années. « Pour moi, ce qui a souvent bien fonctionné, c’est de faire la connaissance d’une nouvelle personne et d’élargir mon cercle grâce à elle. Je n’hésite pas à inviter quelqu’un au restaurant et à lui demander de venir accompagné(e). Ou alors je cherche parmi mon propre cercle de connaissances: avec qui je m’entends bien et quels amis j’ai eu tendance à négliger au fil des années. Avec qui ai-je eu des atomes crochus et que n’ai-je plus recontacté par la suite? Ce sont des personnes qu’on peut approcher plus aisément. Aujourd’hui, avec Facebook et les autres réseaux sociaux, c’est plus facile que jamais. On peut, sans que cela paraisse bizarre, recontacter quelqu’un: c’est beaucoup plus naturel qu’il y a vingt ans, quand il fallait chercher un numéro de téléphone et faire la démarche d’appeler. »

En général, 50+ ont eu le temps de se forger un large réseau. Imaginons que vous ayez changé plusieurs fois de travail ou que vous soyez pensionné, rien ne vous empêche de reprendre contact avec vos ex-collègues, du moins ceux avec lesquels vous vous entendiez le mieux. « Tant qu’on est collègues, il n’est pas évident de nouer des liens d’amitié, car sur le lieu du travail il règne malgré tout une hiérarchie et une certaine concurrence. Une fois hors de ce contexte, c’est l’occasion d’apprendre à mieux connaître ses ex-collègues, dans un cadre différent. L’occasion de se dévoiler tel qu’on est, avec ses faiblesses. »

ACTION -RÉACTION

Les chercheurs qui se sont penchés sur la question affirment qu’il faut passer environ 200 heures avec quelqu’un avant de s’en faire vraiment un ami. C’est long, surtout dans notre société actuelle. « On trouve normal de consacrer beaucoup de temps à la construction d’une relation amoureuse, constate Selma Franssen. On se voit, on multiplie les rendez-vous, on part pour la première fois en vacances ensemble, on rencontre les parents de l’autre, on s’offre une première virée chez Ikea... On franchit toute une série d’étapes pour savoir si on est réellement fait l’un pour l’autre. Les relations amicales répondent beaucoup moins à ce type de schéma. Pourtant, entre amis, il faut aussi du temps pour apprendre à se connaître. »

On peut accélérer les choses en prenant des risques, en se montrant d’emblée tel que l’on est. Mais il faut être deux à jouer le jeu. Quoi qu’il en soit, accorder sa confiance prend du temps. Vous n’aurez peut-être pas 200 heures à consacrer à aller boire un café avec quelqu’un pour vous en faire un potentiel ami mais vous pouvez aussi y aller progressivement.

« Se faire de nouveaux amis, entretenir ou réveiller une amitié assoupie tient souvent à de petites choses. Prenez l’initiative de renouer le contact. Si une relation a tendance à s’enliser, ayez le courage d’en parler à coeur ouvert. En exprimant les choses, on peut y remédier et redonner sa chance à une amitié chancelante ou toute récente », conclut Veerle Troch.

« Il faut sortir de sa grotte ! »

Sophie, 45 ans, a perdu son père l’été dernier. Un cancer lié au tabac. Elle raconte : « Outre la tristesse d’avoir perdu mon papa, ma soeur et moi avions une énorme crainte en ce qui concerne maman. Certes, mes parents formaient un couple inoxydable, très lié, mais ils étaient finalement assez seuls. Ils vivaient heureux, mais en vase clos. Le revers de cette médaille était évident. Maman, sans véritable réseau social, s’est retrouvée bien isolée au décès de son mari. »

« Je n’ai pas eu le temps de penser à la solitude. Elle m’est tombée dessus. Il y a d’abord eu la maladie et puis les funérailles... », relate Jacqueline, 68 ans, la maman de Sophie. Et, la voix tremblante, se remémorant cette période difficile, elle explique « avoir vécu des heures noires. Le plus difficile, c’est après la crémation, pas le jour même, mais les jours qui suivent. Chaque matin, mon mari me préparait ma tasse de café. Plus d’odeur de café, plus de présence de l’être aimé... »

« Alors, avec ma soeur, nous avons préparé un plan d’action pour sortir maman de ses idées noires, ajoute Sophie. Et nous nous sommes naturellement adressées à notre tante qui a vécu une situation similaire. Elle avait aussi perdu son mari assez jeune et s’était reconstitué un réseau sur le tard en multipliant les activités, même les plus insolites comme participer à un club de yoga du rire. C’est assez naturellement que nous lui avons demandé d’intégrer notre maman dans son groupe d’amis. Il n’y a que deux ans de différence entre elles. » Et l’opération a été une réussite !

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