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Ces grands-parents qui élèvent leurs petits-enfants

Plus souvent qu’on ne le croit, par la force des choses, des grands-parents sont amenés à assurer l’éducation de leurs petits-enfants, en lieu et place des parents. Pourquoi pas ? A condition de ne pas confondre les rôles.

Robert gère une entreprise familiale. Au décès de sa femme dans un accident de voiture, il s’est retrouvé seul. Assurer à la fois sur le plan familial (l’éducation de deux jeunes enfants, David et Ylka) et professionnel s’est révélé trop lourd. Ses parents ont alors proposé de s’occuper des enfants, le temps que ceux-ci soient plus autonomes. Depuis lors, David, aujourd’hui 6 ans, et Ylka, 4 ans, vivent chez leur jeunes grand-mère, 59 ans, prépensionnée, et grand-père, 62 ans, qui travaille à mi-temps. Chaque dimanche, Robert vient passer du temps avec ses enfants et ses parents.

Contrairement aux grands-parents qui gardent de temps à autre leurs petits-enfants, il s’agit ici d’enfants qui vivent en permanence chez leurs grands-parents. Souvent suite à des circonstances dramatiques ou pour pallier une situation problématique : décès d’un parent ou des deux, grossesse à l’adolescence, séparation chaotique... Les parents sont parfois aussi marginalisés ou doivent purger une peine de prison, d’autres ont des soucis de drogue ou d’alcool, séjournent en institution psychiatrique... Il arrive qu’on leur retire la garde de leurs enfants et que ceux-ci soient  » placés  » chez les grands-parents par le juge de la jeunesse « .

Une situation pas si exceptionnelle

Les grands-parents peuvent aussi prendre la place des parents pour des raisons pratiques et familiales, en l’absence de tout conflit. Songeons aux parents célibataires au travail trop prenant (situation d’indépendant, nombreux déplacements...) ou souffrant d’un handicap qui les empêche de s’occuper correctement d’un jeune enfant.

Les grands-parents amenés à élever leurs petits-enfants le font avec énormément d’amour et de dévouement. Cela se passe le plus souvent de manière informelle avec les parents et le restant de la famille, mais les choses peuvent tout aussi bien être officialisées (voir encadré Officialiser ou non ? ).

On ne dispose pas de chiffres concernant les situations informelles en Belgique. Cependant, on sait que les cas sont plus fréquents qu’on ne le croit. C’est du moins ce qui ressort des statistiques des services de placement familial. Le dernier rapport annuel d’un de ces services établit que dans 41 % des cas, ce sont les grands-parents qui endossent le rôle de parents (chiffres 2010).

La chance d’un vrai foyer

 » Lorsque les grands-parents peuvent assurer à plein temps le rôle de parents, c’est une excellente chose pour l’enfant et une bien meilleure solution que le placement en institution ou en famille d’accueil, analyse Klaar Hammenecker, psychologue en pédiatrie. Le lien biologique qui unit l’enfant à ses grands- parents est très fort. L’amour des grands-parents à l’égard de leurs petits-enfants est très proche de celui qu’ils nourrissent à l’égard de leurs propres enfants. Ce qui explique que parents et grands-parents pardonnent si facilement les erreurs de leurs (petits-)enfants. Les autres membres de la famille (oncles, tantes) ou les familles d’accueil sont moins tolérants. L’enfant a plus de chance de trouver un vrai foyer et un amour inconditionnel auprès de ses grands-parents. « 

Les grands-parents peuvent en outre se prévaloir de deux grands atouts. Un, ils sont à même de consacrer à l’enfant plus de temps que d’autres et, deux, ils n’en sont pas à leur première expérience d’éducation.  » A l’époque où ils élevaient leurs propres enfants, ils étaient sans doute moins disponibles qu’ils ne l’auraient souhaité. Ils trouvent ici l’occasion de se rattraper et ne s’en privent pas ! »

Les commissaires aux droits des enfants, tant au nord qu’au sud du pays, soulignent à quel point les enfants eux-mêmes apprécient de pouvoir être pris en charge par leurs grands-parents. Il n’est pas rare que les instances doivent intervenir dans des cas douloureux, par exemple lorsque le juge de la jeunesse décide de rendre un enfant à ses parents et que celui-ci refuse tout net. Auquel cas, il ne reste plus qu’à le placer dans un foyer ou une institution.

Eduquer, c’est plus que donner de l’amour

Le succès sera au rendez-vous à une condition : les grands-parents doivent faire passer leur rôle d’éducateurs au premier plan.  » Eduquer, c’est plus que donner de l’amour, explique Klaar Hammenecker. C’est aussi poser des limites, oser dire non, placer les enfants devant leurs responsabilités et prendre des décisions. Aux grands-parents de choisir l’école, aux enfants de se tenir à certaines règles bien définies (ranger sa chambre, faire ses devoirs avant de regarder la télévision, aider à mettre la table ou à débarrasser...). « 

Il arrive que les grands-parents se montrent trop laxistes ( » Ce pauvre enfant voit à peine ses parents « ) et se laissent marcher sur les pieds.  » Après tout, nous pouvons ranger le désordre à sa place...  » Le danger ? Voir les enfants adopter un comportement asocial et irrespectueux.

Enfin, si les parents se sont rendus coupables d’actes criminels ou irresponsables, les grands-parents pourraient être tentés de reporter leur colère ou leur amertume sur les petits-enfants dont ils ont la charge.

Aide bienvenue !

Il n’existe pas de grands-parents parfaits, pas plus que de parents d’ailleurs ! Ils doivent être à l’affût des éventuels signaux d’alerte que peut leur envoyer l’enfant. Un comportement hyperkinétique ou des réactions excessives, un sommeil régulièrement perturbé, un manque d’appétit qui s’installe... sont autant d’indices d’une souffrance.

 » Dans ces cas-là, les grands- parents ne doivent pas hésiter à consulter et demander de l’aide, insiste Klaar Hammenecker. Par exemple, en consultant un spécialiste au sein d’une polyclinique ou en prenant rendez-vous dans un centre PMS. J’ai déjà été amenée à conseiller des grands-parents totalement démunis face aux questions perturbantes que leur posait leur petit-fils; ils ne savaient pas comment lui répondre. « 

Les grands-parents ne doivent surtout pas culpabiliser s’ils se rendent compte, au bout de quelques années, que l’éducation de leur petit-enfant se révèle trop lourde pour eux. L’inscrire en internat pendant la semaine peut être une excellente solution, assure le psychologue. Les internats ont à nouveau le vent en poupe et permettent aux grands- parents de souffler durant la semaine, tout en retrouvant le plaisir de s’occuper de l’enfant pendant les week-ends et les congés scolaires.

Et si cela vous concernait...

  • Montrez-vous ouvert et tolérant par rapport à l’univers des enfants. Leur monde est très différent de celui que vous avez connu (deux générations d’écart !). Aujourd’hui, il est normal de passer plusieurs heures sur son GSM ou son ordinateur (chat, messages...). Tenez-vous au courant des modes actuelles et de ce qui passionne vos petits-enfants (musique, cinéma...). Ne répondez jamais  » Ce n’est plus de mon âge ! « . De même, des vêtements démodés mettront vos petits-enfants au ban de leur classe.
  • Liez-vous avec les parents des autres élèves. Ou mieux : inscrivez-vous dans le comité des parents. Cela vous aidera aussi à rester dans le coup.
  • Gardez autant que possible le contact avec les parents. Vos décisions (choix de l’école, argent de poche, heures des sorties) auront d’autant plus de poids que vous les aurez prises en accord avec les parents. Ou à tout le moins après les en avoir informés.
  • Si les parents gardent sporadiquement le contact avec leur enfant, ils peuvent appuyer vos décisions et éviter à l’enfant de se trouver face à un conflit de loyauté.
  • Expliquez la situation à votre petit-enfant. Dites-lui ce qui est arrivé à son papa et/ou à sa maman.  » Je suis ta mamy mais je prendrai soin de toi comme une maman, justement parce que ta maman ne peut plus le faire. « 
  • N’acceptez pas que l’enfant vous appelle  » maman  » ou  » papa « . Peut-être votre petit-enfant le fera-t-il spontanément mais ce n’est pas une bonne idée. Proposez-lui un autre petit nom gentil. Vous ne serez jamais sa maman ou son papa, autant ne pas tout brouiller. Surtout que vous risqueriez d’entendre un copain de classe dire à la sortie de l’école :  » Ta maman est déjà si vieille ? ».

Officialiser ou non ?

Si la prise en charge de l’éducation par les grands-parents se passe dans les meilleures conditions avec les parents ou la famille, il n’est pas nécessaire d’officialiser les choses. Il en va autrement lorsque les grands-parents deviennent parents de substitution suite à un événement grave ou si l’une des parties concernées conteste l’accord informel du début. Les grands-parents risquent d’être empêchés de domicilier l’enfant chez eux ou de l’inscrire dans l’école de leur choix.
Les notaires conseillent en l’occurrence de faire une demande d’officialisation auprès de la Direction générale d’aide à la jeunesse (directement ou par le biais d’un avocat). Les grands-parents peuvent briguer l’un des statuts suivants :

  • Supervision de l’enfant
  • Tutelle (officielle ou officieuse)
  • Famille d’accueil
  • Le juge de la jeunesse décide du meilleur statut à accorder au regard de chaque situation.

Pour plus d’informations, procurez-vous le guide gratuit,  » Etre grands-parents aujourd’hui, aussi une question de droit « . Cette brochure est éditée par la Fondation Roi Baudouin et la Fédération royale du Notariat belge. Disponible chez votre notaire ou à télécharger sur www.kbs-frb.be.

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