La fermeture de nombreuses agences bancaires et la disparition de bon nombre de distributeurs automatiques sont clairement une source de frustration en Belgique. Ce n'est pas une association de défense des consommateurs qui l'affirme, mais la Banque centrale européenne (BCE). Dans sa dernière enquête, elle avance que de nos compatriotes s'émeuvent d'avoir du mal à se procurer du cash, et pas que dans les zones rurales. Selon ce rapport de la BCE, c'est bien en Belgique que les utilisateurs se plaignent le plus de la faible disponibilité des distributeurs. "Aucun autre pays d'Europe n'enregistre autant de plaintes concernant le manque de disponibilité des espèces ou ne voit le nombre de plaignants s'accroître aussi rapidement, commente-t-on à la Banque Nationale de Belgique (BNB). Lors des enquêtes, 27% de nos compatriotes ont épinglé la difficulté de se procurer des billets."
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La fermeture de nombreuses agences bancaires et la disparition de bon nombre de distributeurs automatiques sont clairement une source de frustration en Belgique. Ce n'est pas une association de défense des consommateurs qui l'affirme, mais la Banque centrale européenne (BCE). Dans sa dernière enquête, elle avance que de nos compatriotes s'émeuvent d'avoir du mal à se procurer du cash, et pas que dans les zones rurales. Selon ce rapport de la BCE, c'est bien en Belgique que les utilisateurs se plaignent le plus de la faible disponibilité des distributeurs. "Aucun autre pays d'Europe n'enregistre autant de plaintes concernant le manque de disponibilité des espèces ou ne voit le nombre de plaignants s'accroître aussi rapidement, commente-t-on à la Banque Nationale de Belgique (BNB). Lors des enquêtes, 27% de nos compatriotes ont épinglé la difficulté de se procurer des billets." Près d'un Belge sur trois a donc désormais du mal à se procurer des billets. C'est 12% en plus qu'il y a trois ans! Logique, car, depuis trois ans justement, le nombre de distributeurs de billets mis à disposition de la population a connu une forte érosion, souligne la BNB. En parallèle, "le nombre d'agences bancaires poursuit sa baisse de manière accélérée sur tout le territoire, précise Anne Fily, autrice du rapport sur l'inclusion financière en Belgique 2022 (Financité). La Belgique aura perdu 50% de ses agences en dix ans, au rythme moyen de plus d'une fermeture d'agence par jour ces dernières années. Le nombre d'appareils permettant d'effectuer des virements et de consulter son compte dans les espaces de self-banking est en diminution constante. Plus de la moitié des appareils a disparu durant la dernière décennie. La Belgique est, avec les Pays-Bas, le pays de la zone euro qui a connu la plus forte baisse du nombre de distributeurs avec 489 distributeurs de billets par million d'habitants contre 807 appareils en moyenne dans l'ensemble de la zone euro." La disparition du cash est symptomatique d'un problème plus vaste: celui de l'exclusion bancaire et de la digitalisation. Prenons l'exemple de cette lectrice qui s'occupe de l'administratif de sa mère de 81 ans et qui nous fait part de son désarroi. "Tout devient compliqué, dit-elle. Maman devait obtenir un SMS avec le code pin de sa nouvelle carte, mais elle était perdue avec cette démarche. Comme la banque près de chez elle a fermé ses portes, elle ne pouvait plus avoir une aide en face à face. Pareil pour le cash: il n'y a plus de distributeur d'argent dans son quartier. On pousse à fond vers le digital, vers le fameux argent dématérialisé, mais maman n'est pas à l'aise avec un ordinateur ou un GSM. En réalité, on crée toute une série de nouveaux exclus du système bancaire, des personnes qui sont pourtant toujours autonomes dans les autres domaines de leur vie." Anne Fily a quantifié cette exclusion. Certes, "gérer son compte en ligne satisfait une grande partie de la clientèle. Mais ce n'est pas le cas de nombreux Belges: entre 2,4 millions et 2,9 millions de personnes n'ont pas recours à la banque numérique." Pourquoi en est-on arrivé là? Et quel serait l'intérêt de supprimer le cash et de pousser au tout numérique? Il y a d'abord une cause financière. Le coût du cash en Europe est évalué à 129€ par personne et par an. Cela comprend la production de la monnaie, sa distribution, sa récupération sécurisée. Supprimer le cash, c'est supprimer ces frais. Une autre raison est celle du contrôle de nos dépenses par l'État. Supprimer le cash, c'est aussi contrôler ce que le citoyen fait avec son argent, parfois pour de bonnes raisons comme pour surveiller le financement des réseaux terroristes, maffieux, le blanchiment d'argent, voire le travail au noir... Raison pour laquelle en Belgique, il n'est déjà plus possible de payer des biens ou des services en cash au-delà de 3.000€. Mais attention aux dérives. Aux Pays-Bas, par exemple, le projet du gouvernement de stocker toutes les transactions bancaires supérieures à 100€ dans une grande base de données suscite l'indignation des organisations et des individus soucieux de la protection de la vie privée. Une telle mesure, si elle était appliquée, permettrait à des algorithmes d'associer officiellement dépenses, compte en banque et numéro de carte d'identité. Oseriez-vous encore jouer quelques euros au casino alors que vous envisagez de demander bientôt un prêt-auto ou rénovation à votre banque? Cette mesure n'ouvre-t-elle pas la porte à une surveillance de masse? Des clients néerlandais inquiets ont d'ailleurs commencé à retirer du cash de leur compte en banque. Ce qui a obligé la Rabobank à mettre en garde ces clients contre les "risques de l'argent liquide", notamment le vol, tout en leur demandant de retirer moins souvent de l'argent. Il existe même une troisième raison pour laquelle l'argent liquide recule comme moyen de paiement, passant de 57 à 45% en Belgique en seulement trois ans. Selon Rodolphe de Pierpont, porte-parole de Febelfin (secteur financier), c'est parce qu'il existe la possibilité de payer autrement, notamment avec le sans-contact, son smartphone, etc. Et de constater que, depuis 2015, les retraits et montants aux distributeurs de billets vont en décroissant. Mais qu'est-ce qui est apparu en premier, l'oeuf ou la poule? Si le nombre de retraits diminue, alors on supprime des automates. Logique. Mais ne serait-ce pas l'inverse? Si on supprime des distributeurs des billets, alors le nombre de retraits diminue. Chacun jugera. La Banque centrale européenne est au moins certaine d'une chose: "les confinements et les restrictions décidés en réaction au Covid-19 ont joué un rôle dans la perte d'engouement pour les paiements en espèces." Autre certitude, l'argent liquide perd de son importance dans la vie de tous les jours malgré le fait que 6 citoyens sur 10 considèrent qu'il est toujours important d'avoir de l'argent dans ses poches. D'ailleurs, le portefeuille moyen du Belge contient encore 97€ en espèces en début de journée. Il est important de noter que la disparition de l'argent liquide n'est pas inévitable. Des solutions existent pour maintenir un équilibre. Nous en avons répertorié trois (sans pour autant être exhaustifs). LÉGIFÉRER. Si le réseau de distributeurs de billets se réduit comme peau de chagrin en Belgique, c'est aussi parce que Belfius, BNP Paribas Fortis, KBC et ING ont uni leurs forces pour créer Batopin, un réseau de distributeurs automatiques neutres sous la marque "Bancontact" en lieu et place de leurs automates. Ce consortium veut arriver à un réseau de 2.240 automates d'ici fin 2024. Mais selon des calculs effectués par la BNB, Batopin va conduire à une perte de 40% du nombre de distributeurs sur le territoire. Batopin estime de son côté que 98,79% de la population belge disposera d'un distributeur automatique à moins de 5 km de son domicile. 5 km à... vol d'oiseau! Un autre problème a été soulevé par "Test Achats", c'est celui des frais. Prenons le compte de base KBC, les retraits en dehors de son réseau coûtent 50 cents. Or, KBC estime que Batopin ne fait pas partie de son réseau! Le projet Batopin ne convainc pas tout le monde, loin de là. Le ministre de l'Économie a annoncé qu'une enquête de l'Autorité belge de la concurrence était ouverte suite à de nombreuses plaintes. Les banques devront démontrer que cet accord Batopin améliore véritablement les services fournis aux citoyens. À défaut, il faudra que la voie législative soit empruntée pour permettre à tous de disposer librement et aisément de son propre argent. Notons qu'en parallèle de Batopin, les banques Argenta, AXA, Crelan, Vdk et Bpost développent un autre réseau nommé Jofico. PROMOUVOIR LE COMPTE UNIVERSEL. Le service bancaire universel a été adopté en 2021. Il s'agit de plafonner les tarifs des opérations bancaires manuelles pour les personnes non digitalisées, notamment en permettant un certain nombre d'opérations bancaires comme les retraits de cash, le virement papier ou l'envoi des relevés à domicile. Le hic, c'est que ce service est un échec, car la charte a été adoptée sous une forme non contraignante. Les banques n'en ont pas fait la promotion et les pouvoirs publics n'ont pas rempli leur rôle d'information et de promotion. Une partie de la solution pourrait venir de là. DÉVELOPPER DES RÉSEAUX ALTERNATIFS. Idéalement il faudrait un distributeur de billets situé à une distance maximale à parcourir ne dépassant pas 2,5 km et avec un ratio d'un appareil pour 1.500 habitants. Une des solutions pour y parvenir serait le développement des réseaux alternatifs comme le compte Nickel (groupe BNP Paribas). Ce compte veut séduire 300.000 Belges d'ici quatre ans en s'appuyant sur un réseau proximité de plus de 1.300 points de vente sur tout le territoire, essentiellement des libraires pour commencer avant de lorgner vers d'autres commerces de proximité. Cette formule a déjà fait ses preuves en France (deux millions de clients) et en Espagne. Pas question de faire des placements ou d'avoir du conseil, il s'agit juste d'un service de base pour réaliser les opérations au quotidien. Il coûte 20€ par an auxquels s'ajoute la facturation d'opérations comme les retraits. Les trois premiers retraits par mois au départ d'un terminal chez le libraire sont gratuits. Tout retrait supplémentaire est facturé 0,5€. Et il y a des limites de retrait: par exemple 500€ par semaine.