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Au secours, mes enfants divorcent !

En tant que parent, il n’est jamais agréable de voir ses enfants divorcer. Une situation d’autant plus inconfortable et difficile à vivre lorsqu’il y a des petits-enfants ou qu’on entretenait de bonnes relations avec les (ex-) beaux-enfants !

En 2017, en Belgique, on ne comptait pas moins de 23.000 divorces pour 44.000 mariages enregistrés. La proportion est grosso modo identique en ce qui concerne la cohabitation légale : cette même année, 24.700 cessations de cohabitation ont été enregistrées, pour 39.000 déclarations de cohabitation. Aujourd’hui, près d’une union légale sur deux se termine par une séparation.

Le divorce n’a plus rien d’extraordinaire, mais reste un solide bouleversement. Pour les premiers concernés, bien sûr, mais aussi pour leurs éventuels enfants... et leurs parents.  » On parle beaucoup moins de ces derniers parce qu’on estime qu’il s’agit de personnes adultes, qui peuvent encaisser et ne doivent pas être protégées, explique Marie-Thérèse Casman, sociologue au service panel démographie familale de l’ULg et notamment spécialisée dans les relations intergénérationnelles. Pourtant, c’est loin d’être évident pour elles : un parent qui apprend que son enfant divorce le ressentira souvent comme un échec. Il n’y a plus de stigmatisation sociale des divorcés, mais les parents ont parfois investi beaucoup dans la famille et quand ce monde-là vole en éclats, c’est difficile à vivre et à accepter. Et puis ils savent bien que le divorce sera synonyme d’une période difficile à vivre pour leurs enfants et surtout pour leurs éventuels petits-enfants.  » Or, qu’y a-t-il de pire que de voir la chair de sa chair en difficulté ? D’où l’envie d’apporter son aide, sans trop savoir par quel bout prendre le problème.

Une situation d’autant plus compliquée à gérer lorsque le divorce est houleux.  » Il peut alors y avoir un conflit de loyauté : on a généralement envie de favoriser les liens du sang. Autrement dit, on a l’impression qu’en ne prenant pas parti pour son enfant, on lui fait du tort. « 

Écouter, ne pas juger

Pourtant, même si c’est parfois loin d’être évident, rester neutre est primordial. Sauf dans les cas graves de maltraitance, de violence conjugale, d’alcoolisme, etc., le comportement le plus sain, pour le parent, est d’être à l’écoute ou disponible pour les deux membres du couple, si ceux-ci le désirent et sans les juger. A fortiori si on avait une excellente relation avec son bel-enfant, estime Carine Duray, psychothérapeute familiale.  » Tous les deux sont en souffrance et, généralement, ils ont tort et raison tous les deux. Mais pas question de s’imposer : le divorce leur appartient, c’est leur histoire, pas la vôtre. « 

Accueillir et proposer une oreille bienveillante, donc, mais pas plus.  » Jouer le rôle de médiateur ou de conseiller, c’est une très mauvaise idée, poursuit la psy. Evidemment, on reste parent même quand son enfant est adulte, mais il faut faire très attention à ne pas déborder de ce rôle. Cela peut très facilement se retourner contre vous : votre enfant pourrait vous revenir en disant  » Tu m’as dit ça, j’aurais mieux fait de ne pas suivre ton avis, c’est encore pire maintenant ! « . Mieux vaut ne pas donner de conseil qu’un mauvais conseil. Si vous constatez que la situation est compliquée, renvoyez plutôt le couple vers des professionnels... « 

5 règles pour aider son enfant qui divorce

  • Ne vous imposez pas. Signifiez simplement à votre enfant que vous êtes disponible et à l’écoute.
  • Sauf cas problématique, restez au-dessus de la mêlée, ne prenez pas parti, ne jugez pas.
  • Invitez-le à venir manger, passer l’après-midi, sans trop insister : en cette période difficile, il est important de maintenir les liens familiaux.
  • S’il y a des petits-enfants, proposez de les accueillir un peu plus souvent, pour faciliter la tâche de leurs parents dans cette étape douloureuse et souvent compliquée à organiser. Vous constituerez aussi un havre de quiétude pour les petits-enfants.
  • Ne comparez pas l’éventuel nouveau conjoint de votre enfant avec l’ancien. Ou, tout du moins, gardez la comparaison pour vous.

Un refuge pour les petits

La neutralité est d’autant plus importante lorsqu’il y a des petits-enfants, qui peuvent être malgré eux pris dans la tourmente du divorce. Les grands-parents constituent alors un  » refuge « , un climat sain où l’on peut mettre des mots sur le divorce, l’expliquer de manière posée aux enfants. Bref, un lieu où on tempère le conflit plutôt qu’on ne l’attise.  » Leur dire que papa et maman ne s’aiment plus, mais qu’ils aiment encore leurs enfants. Sans jamais dénigrer un des parents, car là encore, cela pourrait jouer de vilains tours... « 

La critique reviendrait tôt ou tard aux oreilles de la personne diffamée, ce qui peut rapidement dégénérer.  » Or, en rompant les liens avec votre enfant ou son ex-conjoint, vous allez aussi affaiblir celui qui existe avec vos petits-enfants, abonde Marie-Thérèse Casman. Le divorce va de toute façon redéfinir votre place en tant que grand-parent : il va falloir naviguer au milieu de la garde alternée pour continuer à voir vos petits-enfants. Si vous êtes brouillé avec l’un des parents, cela sera d’autant plus compliqué !  » Et puis, quid si vous prenez parti, ne mâchez pas vos mots et que, contre toute attente, tout finit par s’apaiser entre les ex-conjoints ? Bonjour l’ambiance si vous devez à nouveau, lors de grandes occasions familiales, fréquenter l’ex-belle-fille que vous avez traînée dans la boue !

Et moi, là-dedans ?

Reste à ne pas s’oublier soi-même... Prendre sur soi, d’accord, mais outre la tristesse, il faut parfois faire face à l’incompréhension :  » pourquoi mon enfant divorce-t-il ? « ,  » Je n’ai rien vu venir... « .  » C’est normal de vouloir comprendre et c’est tout aussi normal de demander des explications, répond Carine Duray. Tout au plus faut-il le faire en respectant le choix du couple, sans le remettre en question. Quand votre enfant a décidé de se marier, il n’a pas attendu votre approbation. C’est pareil pour le divorce : sa décision est prise, il y a eu tout un travail de réflexion derrière, il ne divorce pas sur un coup de tête. « 

Et si la relation était tellement bonne avec votre bel-enfant qu’il vous semble impossible de couper les ponts, sachez que rien ne vous y oblige (voir encadré).  » J’ai déjà vu des familles – souvent des familles où il y a des petits-enfants – où les parents reçoivent toujours leur ancien beau-fils ou leur ancienne bellefille. Si l’histoire a été belle et qu’elle se termine, on n’est pas obligé de la gommer, on peut aussi être créatif. Il ne faut pas oublier qu’on peut réussir son divorce, tout comme on peut réussir son mariage : on peut dire qu’un divorce est réussi à partir du moment où toute la famille finit par bien le vivre... « 

Alain, 67 ans :  » Un coup sur la tête « 

« Quand ma fille m’a dit qu’elle divorçait, j’ai pris un coup sur la tête, ça m’a assommé. Je suis vraiment resté plusieurs minutes K.O., sans rien dire. J’ai passé le week-end couché sur le canapé. Elle et son ex-mari venaient manger presque tous les dimanches, c’était un petit rituel avec nos enfants et nos petits-enfants. J’ai perdu tout contact avec mon petit-fils, avec qui la relation était plutôt bonne : son comportement m’a horrifié, tant le divorce s’est mal passé. Je me suis senti trahi et j’ai vu ma fille en lambeaux. Mais je me suis cantonné à aider ma fille comme je le pouvais, à la réinstaller, à la réconforter, car je ne voulais pas mettre de l’huile sur le feu. Parce que dans l’affaire, il y a mon petit-fils, un petit bonhomme de 5 ans, qui a besoin de son papa. Et que je ne veux pas que la situation dégénère encore plus. Là, ma fille vient de retrouver quelqu’un. Il a l’air d’un gars bien. C’est une bonne chose, mais c’est toute une relation à reconstruire. Et ça me fait un peu peur. »

Les anciens... et les nouveaux

Comment faire passer la pilule auprès de son enfant si on désire rester en relation avec son ex-bel-enfant ?  » Le divorce entraîne un grand changement par rapport aux rôles et aux places de chacun « , répond Salvatore D’Amore, psychologue et psychothérapeute du couple et de la famille. Il faut donc pouvoir expliquer à son enfant que si l’ex quitte le costume du gendre ou de la bru, il ne disparaît pas des radars de la famille pour autant.  » S’il y a des petits-enfants, l’ex garde par exemple son rôle parental. Or, l’intérêt des petits-enfants prime : il faut que les grands-parents puissent maintenir une bonne relation avec leur ex-beau-fils ou leur exbelle-fille, pour soutenir la parentalité. « 

Et s’il n’y a pas de petits-enfants ? L’enfant doit accepter que, lorsqu’il était en couple, une relation s’est créée entre son ex et ses parents. Et que si elle s’est créée à partir de lui, elle existe désormais en dehors.  » Or, on ne peut pas interrompre une relation qui existe en dehors de nous.  » On ne peut pas non plus l’effacer du jour au lendemain... Une réalité parfois difficile à accepter au début, mais qui peut être exposée quand la séparation est digérée et acceptée par tous.

En règle générale, viendra un jour ou votre enfant vous présentera son nouvel amour.  » N’alimentez pas de sentiment d’exclusion, de mise en valeur de l’ancien par rapport au nouveau, et vice-versa, recommande Salvatore D’Amore. Les parents doivent rester discrets !  » Exprimer une préférence pour l’ex, alors que le fils ou la fille se reconstruit avec quelqu’un d’autre peut nourrir des sentiments de tristesse, de perte, de dévalorisation.  » Il faut faire de la place au nouvel arrivant !  » A l’opposé, mettre le nouveau conjoint sur un piédestal n’est pas utile ni constructif, encore moins si le premier couple a eu des enfants.  » Si votre petit-enfant entend que vous dévalorisez un de ses parents, ça va le toucher. Cela ne fera qu’entretenir un conflit pour lequel il a déjà assez souffert... « 

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