Chantal Vancoppenolle © FRANK BAHNMÜLLER

Vivre avec le cancer du côlon : 4 témoignages à fleur de peau.

Le cancer du côlon est le deuxième cancer le plus fréquent. Le nombre de cas diagnostiqués ne cesse d’augmenter, avec un dépistage de plus en plus précoce. Mais le vécu des patients ne saurait se traduire en chiffres.

Chantal Vancoppenolle, 54 ans

« Ma vie de quinquagénaire est déterminée par le cancer du côlon. J’ai conservé des boîtes entières de documents, depuis les coupures de presse jusqu’aux petits mots d’encouragement. Cela m’a fait chaud au coeur de voir que tant de gens se souciaient de mon sort. En concrétisant en quelque sorte ce qui m’est arrivé, il m’a semblé reprendre le contrôle sur les événements. J’ai commencé à écrire un livre. Pas spécialement sur le cancer mais sur ma vie. C’est une forme de thérapie que de mettre des choses par écrit. Toutes ces expériences vécues, tout ce bagage accumulé m’aide à supporter ce que je vis en ce moment. J’y crois très fort. On a beau être entouré – ce qui est mon cas – en fin de compte, c’est en soi qu’il faut puiser la force mentale pour avancer, arriver à voir la beauté autour de soi et trouver une forme de sérénité.

Des boîtes pleines d’archives pour reprendre le contôle sur ma maladie

J’avais fêté sans aucun souci mon 50e anniversaire, même si j’étais déjà carencée en fer depuis un moment et que je me sentais très fatiguée. Une coloscopie a révélé une tumeur au côlon et, peu après, j’ai su qu’il y avait des métastases au foie et sans doute aussi aux poumons. Comme mes enfants étaient en pleine session d’examens, mon mari et moi ne leur avons rien dit. Mais sur mon lieu de travail, je me suis préparée à transmettre mes dossiers à un remplaçant. Le plus dur, cela a été de l’annoncer à ma mère. Elle vit seule et a déjà perdu une fille. Je voulais la préserver au maximum.

L’oncologue n’a pas caché la gravité de la situation mais il a dit qu’on pouvait m’opérer. Je lui suis extrêmement reconnaissante de m’avoir exposé tout cela de manière réaliste. La chimio, l’opération, puis à nouveau la chimio ont apparemment été des succès. J’ai envisagé de reprendre mon poste de directrice opérationnelle. Mais au bout de quelques mois, la douleur est revenue et on a détecté une tumeur galopante aux ovaires. Le cancer s’était étendu jusqu’au tissu abdominal. On m’a annoncé que je devais me refaire opérer, puis porter une poche (stomie) pendant tout un temps. Sur le moment, je n’ai pas tout compris. J’ai volontairement évité de m’informer plus. Par la suite, j’aurai encore beaucoup à apprendre mais j’ai veillé à ne pas me renfermer. Le soutien de ma famille et de mes amis a fait des miracles. Je dois également une fière chandelle aux autres malades que j’ai rencontrés. Il faut l’avoir vécu pour savoir ce que c’est. J’ai accepté le fait que je ne vivrai pas vieille. J’ai dû arrêter de travailler, non sans un pincement au coeur. Mais j’ai retrouvé une certaine qualité de vie.

Il y a quelque temps, des petites taches sont apparues à nouveau sur mes poumons mais j’ai décidé, en accord avec mon médecin, de post-poser la chimio pour me concentrer sur l’onco-fitness, une alimentation saine et des compléments alimentaires. Je suis parvenue à accepter que ce cancer est en moi, sans que cela ne m’empêche de profiter de la vie. La maladie détermine ma vie mais il n’est pas question qu’elle prenne le dessus. Courber l’échiné ne sert qu’à se rendre malheureux, soi et ses proches, et à risquer de sombrer encore plus vite. Le temps a pris une valeur folle à mes yeux. Tant que je ne laisserai pas l’angoisse monter, je pourrai vivre le moment présent. Je ne perds pas mon temps à me demander : « Pourquoi moi ? ». Quand j’étais à l’hôpital, la seule vue d’un bouquet de fleurs me donnait de la joie. Pour moi, la beauté a une vertu curative. »

Hendrik Devriendt, 58 ans

II faut que tout le monde ose examiner ses selles !

« Le cancer et la série de traitements que j’ai subis me sont passés dessus comme un TGV. J’en ai gardé des blessures qui doivent encore cicatriser. J’ai découvert moi-même ce qui m’arrivait en examinant mes selles et en y découvrant des traces rouges. Je n’avais absolument pas mal au ventre mais quand j’en ai parlé à ma femme, qui est infirmière, elle a eu un choc. Les analyses de selles n’ont rien révélé mais cela ne m’a pas rassuré pour autant. Nous avons annulé nos vacances, car je voulais en avoir le coeur net. Avec le recul, je suis content d’avoir pris cette décision, car la coloscopie a révélé quatre polypes cancéreux. Le chirurgien m’a conseillé de raconter comment j’avais détecté cela, car observer ses selles reste, hélas, un tabou pour beaucoup de gens. Nous avions pris les choses à temps, m’a-t-il dit, et on allait pouvoir éliminer la tumeur en ôtant 30 cm de côlon. Mais récupérer après cette opération n’a pas été facile, y compris mentalement. L’anesthésie a réveillé en moi un traumatisme médical. Je suis né avec un bec-de-lièvre qui m’a valu, enfant, de multiples interventions, toutes douloureuses. Deux jours après mon opération au côlon, je ne cessais de me toucher le visage. Je me revoyais, enfant, hospitalisé pour ce bec-de-lièvre. On avait greffé une partie de ma lèvre inférieure sur ma lèvre supérieure. Je me suis rendu compte que j’avais besoin d’une aide psychologique. Ma femme et ma fille souffraient de me voir agir si bizarrement : je ne cessais, par exemple, de répéter tout ce que je ressentais.

Hendrik Devriendt
Hendrik Devriendt© FRANK BAHNMÜLLER

Mon couple s’est mis à battre de l’aile. Peu de temps après, ma femme a décidé d’aller vivre ailleurs. Après 33 ans de mariage, vous imaginez le bouleversement. Je me suis retrouvé dans le 36e dessous, pas vraiment en dépression, plutôt au fond d’un gouffre dont je suis heureusement sorti. Le fait d’avoir pu continuer à travailler – au début à temps partiel, puis à temps plein – m’a aidé à tenir. Cette structure et mes collègues ont été ma planche de salut.

L’impact du cancer sur ma vie a été bien au-delà des conséquences médicales. C’était comme si, à 56 ans, on m’octroyait une seconde vie. L’occasion de réaliser de vieux rêves. Comme de monter sur scène. Jeune homme, j’avais dû y renoncer en raison de mon bec-delièvre. Je me suis mis à suivre des cours de théâtre et j’ai déjà tenu des rôles. La relation que j’ai avec mes frères et soeurs a évolué. Nous avons pu nous parler à coeur ouvert, parfois de manière assez tendue, car nous n’avons pas forcément les mêmes points de vue. Les liens familiaux ne se sont jamais rompus, heureusement, car on y puise énormément de force.

Cela fait trois ans que je n’ai plus besoin de refaire de coloscopie mais il va de soi que je reste vigilant. J’ai appris à regarder mon corps autrement. On prend soin de soi, lui et moi. Je me dis : la psyché est là pour veiller sur l’organisme, et vice-versa. On se connaît mieux que jamais.

Depuis l’opération, je dois faire attention à ce que je mange. Je suis passé de « qu’est-ce que je vais manger ? » à « que puis-je manger pour me sentir au top de ma forme ? ». Une sacrée évolution ! La réponse varie d’une personne à l’autre. Je dois découvrir, pas à pas, ce que je peux digérer. Je ne tire jamais la chasse tout de suite. Il faut que le tabou tombe et que chacun ose examiner ses selles. Les médecins qui m’ont soigné m’ont conseillé d’en parler autour de moi. Car c’est en regardant que j’ai pu réagir à temps ! »

Henk Timmerman, 61 ans

La chimio avec ma soeur

« Chez nous, le cancer du côlon est une affaire de famille. Mon père en est mort après de longues souffrances, alors quand j’ai ressenti des douleurs, je me suis fait examiner sans tarder. Le premier médecin s’est voulu rassurant mais j’avais un mauvais pressentiment. Et, en effet, on a trouvé une grosse tumeur. Pendant mes séances de rayons, j’ai fait la connaissance de la fille d’un de nos voisins. Apparemment, elle souffrait de la même chose que moi. La même année, ma soeur a appris qu’elle avait aussi un cancer du côlon. Avoir tout à coup deux compagnes de route, cela m’a redonné force et courage. Traverser cette épreuve ensemble nous a convaincus que nous allions nous en sortir. On se remontait le moral mutuellement, on arrivait même à rire ensemble. Après l’opération, je suis allé pendant un moment à la chimio en même temps que ma soeur. Ils n’avaient jamais vu cela à la clinique.

Henk Timmerman
Henk Timmerman© FRANK BAHNMÜLLER

Pendant le traitement, j’ai essayé de continuer à travailler comme avant, autant que possible (je suis employé communal). Je planifiais mes séances de rayons pendant ma pause de midi. J’en avais besoin, sans quoi je n’aurais pensé qu’à la maladie. Je voulais surtout que tout revienne à la normale aussi vite que possible.

C’est pourquoi j’ai parfois dû affirmer ma volonté face au médecin. Les traitements sont nécessaires, cela va sans dire, mais la vie d’un malade ne se résume pas à cela. J’ai dû beaucoup insister pour que l’on déplace mon opération d’une semaine, afin que je puisse assister à la proclamation de mon fils. Le chirurgien n’était pas d’accord mais je lui ai tenu tête. Je ne voulais pas manquer ce moment.

Pendant toute cette période, ma femme a rédigé un journal en ligne. Ça l’a aidée à tenir le coup, et nos proches pouvaient ainsi se tenir informés de l’évolution de ma maladie. Six années se sont écoulées depuis. Une année entière de ma vie a été mise entre parenthèses mais j’ai vaincu le cancer. Officiellement, je ne dois plus être suivi mais je continue de faire un check-up annuel. Nous n’avons rien changé à notre vie, sauf peut-être le rythme. Je me fatigue peut-être plus vite qu’avant. En tout cas, mentalement, je me sens beaucoup plus fort. Une hémorragie au cerveau, un cancer du côlon, un problème oculaire et, récemment, une prothèse du genou, rien de tout cela ne m’empêche de mener une vie active. »

Rita Verbeken, 70 ans

Grâce à ma stomie, j’ai retrouvé une vie active

« Les gens sont parfois effrayés en apprenant que je porte une stomie (poche) mais cela m’a permis de retrouver une vie active. Vers l’âge de 63 ans, je me suis mise à avoir de plus en plus souvent mal en allant à la selle. Je n’ai pas tout de suite pensé au cancer. Je n’avais pas maigri et je ne me sentais pas fatiguée – deux symptômes typiques que l’on associe à la maladie. Le jour de mon anniversaire de mariage, on a détecté un énorme gonflement qui obstruait la quasi-totalité du gros intestin. Le passage était si rétréci que toute coloscopie semblait impossible.

Rita Verbeken
Rita Verbeken© FRANK BAHNMÜLLER

Mon chemin de croix a commencé après l’opération, quand tout s’est mis à aller de travers. Peu après l’intervention, j’ai souffert de fuites à l’intestin. On a dû me réopérer en urgence et poser une stomie temporaire. Je n’arrivais plus à manger. J’ai vite perdu 16 kilos. Jai dû m’habituer à mon corps si différent, si épuisé. Puis, cela a été au tour de la chimio. Je me sentais atrocement mal. J’ai tenu bon en m’efforçant de placer la raison au-dessus des émotions.

Une année après mon traitement, on a pu retirer ma stomie mais cela n’a pas marché très bien. Finalement, j’ai demandé moi-même qu’on me la remette, même si, cette fois, il a fallu la brancher sur l’intestin grêle (iléostomie). Mon côlon est toujours là mais il n’est plus opérationnel. J’ai assez vite accepté de vivre avec une stomie, grâce au soutien de l’infirmière spécialisée. Elle m’a appris à me débrouiller seule, si bien que je peux à nouveau circuler librement, avec un grand sac dans lequel j’ai tout mon matériel. Comme la poche est placée un peu au-dessus de ma taille, on ne voit rien quand je suis habillée. Cette stomie m’a même valu de nouveaux amis, via un groupe d’entraide au sein duquel on parle sans aucune gêne. Avant, je prenais ma douche avec ma stomie, de peur de devoir tout à coup aller à selle et de ne pas être prête, mais ça me donnait des irritations de la peau. Jusqu’à ce qu’un ami, dans le même cas que moi, me fasse comprendre que ça n’est absolument pas grave quand on est seul dans sa salle de bain.

Avant de sortir, je m’assure toujours que le petit sac soit vide. Je sens tout de suite quand il se remplit. Je me mets alors en quête d’un café ou d’une brasserie. Il m’arrive d’avoir une fuite quand je suis hors de chez moi, et cela m’énerve ! Heureusement, les sachets sont équipés d’un filtre anti-odeurs. Ce sont les détails pratiques qui pèsent le plus au quotidien, comme le manque de toilettes dignes de ce nom pour nettoyer la stomie. J’ai dû renoncer à manger des asperges, alors que j’adore ça. La dernière fois que j’en ai consommé, cela a été catastrophique : elles ont bloqué mes intestins. J’ai tout essayé pour les faire passer. Heureusement, personne ne m’a jamais empêchée de siroter une bière ou un petit verre de vin ! »

Les sympômes et les suites

 » L’absence de plainte particulière est typique du cancer du côlon « , déclare le Dr Luc Colemont, spécialiste de la maladie. Les symptômes varient très fort selon le stade de la maladie. A un stade précoce, on peut ressentir des crampes en allant à selle, des modifications dans ses habitudes digestives et de la fatigue. Des polypes plus importants s’accompagnent souvent de fausses envies d’aller à la toilette, d’une perte de poids ou de traces de sang dans les selles.

Le plus souvent, une opération chirurgicale permet de retirer la tumeur, ainsi qu’une partie ou la totalité du côlon, ce qui s’accompagne souvent de la pose temporaire, ou parfois définitive, d’une stomie. Selon le stade de développement de la tumeur, le patient devra aussi subir des rayons ou une chimiothérapie. A un stade plus avancé de la maladie, on y ajoute un traitement aux anticorps et l’une ou l’autre thérapie ciblée.

En cours de traitement, on conseille au patient d’éviter les fibres et les aliments crus. Le médecin investigue ensuite pour déterminer les aliments le mieux tolérés. Il n’est pas rare que des fruits et légumes crus restent interdits. Tout comme la viande rouge.

Pour en savoir plus, surfez sur www.stopdarmkanker.be/stop-cancer-colon/ et sur www.cancer.be.

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