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SOS bruit : comment s’en protéger

Marteaux piqueurs, avions, voitures ou voisins peu discrets... Les sources de pollution sonore sont nombreuses et on sous-estime souvent leurs conséquences sur la santé.

Il n’y a pas de vie sans bruit. Bien souvent, celui-ci s’apparente à une petite « musique pour les oreilles » qui nous fait du bien. Mais il n’en va pas de même quand le bruit se transforme en nuisance. Selon le niveau sonore, la durée d’exposition et la sensibilité personnelle, le bruit peut s’accompagner d’une série de risques pour la santé. Et en tout premier lieu pour l’ouïe, bien sûr. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé à 75 dB (décibels) le seuil au-delà duquel on risque des lésions auditives. Une limite qu’on veillera donc à ne pas dépasser, quand c’est possible...

CHRONIQUE OU AIGU

« Il faut distinguer les nuisances sonores chroniques et de courte durée, à savoir une détonation, un feu d’artifice ou un airbag qui se déploie avec pour conséquence un traumatisme aigu de l’oreille, analyse le Pr Olivier Vanderveken, chef de service ORL (UZ Anvers). L’audition peut être endommagée sur une ou plusieurs parties des fréquences. L’ampleur des dommages dépend du choc subi, mais aussi de la sensibilité individuelle.

Les dégâts se manifestent par une pression sur l’oreille, une perte auditive et, dans un premier temps, des acouphènes (sifflements continus). Si l’on ressent un de ces symptômes aigus, il faut faire contrôler son ouïe, sans tarder. C’est le premier signe que l’oreille interne a subi un dommage, même en l’absence de perte auditive immédiate. Après ce genre de traumatisme de l’oreille, on perçoit souvent moins bien les sons aigus. »

En cas d’exposition chronique, le processus est un peu différent, même si les symptômes sont comparables. « C’est souvent la conséquence d’une exposition de longue durée à de hauts niveaux sonores (75 dB et plus), soit sur le lieu de travail (marteaux piqueurs, machines...), soit pendant les loisirs (discothèque, concert...). Dans la cochlée de l’oreille interne, les fibres nerveuses et les cellules ciliées (poils minuscules) subissent des dommages et ne sont plus en mesure de détecter certaines fréquences sonores. Chez certaines personnes, le processus sera plus rapide que chez d’autres, en fonction de l’hérédité, des traumatismes auditifs passés, etc. »

SOIGNER SANS TARDER

On peut heureusement agir en associant médicaments et oxygénothérapie hyperbare. « Il est crucial de réagir à temps! De préférence endéans les cinq jours. Plus on entame le traitement tôt, plus les chances de guérison sont grandes! Les traumatismes entraînent souvent une réaction inflammatoire, une atteinte des tissus de l’oreille interne et une réduction de la circulation sanguine. En s’exposant quatre heures par jour à de l’oxygène sous haute pression, l’air atteint les cils les plus fins de l’oreille interne, ce qui permet de booster la récupération des cellules auditives. Le traitement sera beaucoup plus aléatoire chez une personne qui vient consulter après des années de traumatismes auditifs répétés. Car la perte d’audition est alors souvent irréversible. »

Les temps d’exposition à ne pas dépasser

  • Aspirateur: max. 4 heures
  • Trafic en rue: 8 heures
  • Machine à laver: 8 heures
  • Tondeuse: 2 heures
  • Brasserie bruyante: 1 heure
  • Marteau piqueur: 30 min.
  • Moto: 3,5 min.
  • Tronçonneuse: 1,5 min.
  • Avion au décollage: 0 min.

HYPERSENSIBILITÉ

Un traumatisme auditif peut être à l’origine d’une hyperacousie, une hypersensibilité à certains bruits, comme celui d’un train ou de la musique forte. « Il s’agit d’un trouble complexe, assez difficile à traiter. Les gens qui en souffrent se plaignent que la collectivité fasse très peu d’efforts pour atténuer les bruits omniprésents dans la vie quotidienne et que la société montre peu d’empathie vis-à-vis des personnes concernées. La thérapie comportementale cognitive apporte un réel soulagement à ceux qui souffrent d’hyperacousie, voire d’acouphènes. » Le problème ne disparaît pas, mais grâce à une série d’exercices on apprend à ajuster ses schémas de pensée pour que cela devienne plus supportable.

En soi, l’âge n’augmente pas la sensibilité au bruit. A partir de 40 ans, l’acuité auditive diminue progressivement et on entend un peu moins bien les sons aigus. « Les personnes qui ont déjà l’ouïe moins fine et qui subissent un traumatisme auditif sur d’autres fréquences sonores risquent de cumuler les problèmes auditifs. »

LES MALADIES CARDIOVASCULAIRES

Des études ont démontré qu’un bruit qui n’est pas considéré comme nuisible à court terme peut s’avérer nocif à plus longue échéance. Il existe ainsi un lien direct entre la pollution sonore – par ex. le trafic automobile – et le fonctionnement du coeur et des artères. On a pu observer des modifications du flux sanguin, une hausse de la tension artérielle et du pouls, ainsi qu’un rétrécissement des artères.

« Si l’on ne fait rien, cela peut déboucher sur de sérieux problèmes cardiovasculaires, comme un infarctus, un AVC ou de l’arythmie cardiaque. Le bruit risque aussi d’aggraver des problèmes cardiaques préexistants. Des études ont été menées autour de l’aéroport de Bruxelles-National, à la suite de quoi les vols de nuit ont été fortement réduits, » précise le Pr Vanderveken.

Il semblerait aussi que le fait de vivre dans un environnement bruyant fasse courir indirectement un risque accru de diabète et de surpoids, notamment en raison de l’influence néfaste sur le sommeil et sur l’équilibre hormonal.

LE STRESS ET LA NERVOSITÉ

Nous n’avons pas tous le même seuil de tolérance au bruit. A partir de 55 dB, l’irritation a tendance à monter en flèche. A 70 dB, 30% des personnes interrogées se disent sur les nerfs. La source de pollution sonore compte aussi: le chant des oiseaux ou le grondement d’une chute d’eau seront mieux tolérés qu’un même niveau sonore provenant d’une tondeuse à gazon, par exemple.

Selon une étude néerlandaise, les sources de bruit jugées les plus énervantes sont le trafic automobile, l’industrie et... les voisins! Ces derniers ne sont pas tant pointés du doigt pour les grands classiques que sont les barbecues et autres fêtes en plein air que pour les appareils que sont les pompes à chaleur et les climatiseurs. « Parlez-en avec vos voisins. Souvent, les gens ne se rendent pas compte qu’ils font du bruit. Or, ce ne sont pas les solutions pratiques qui manquent, comme un habillage en mousse anti-bruit à placer autour des appareils. Si une solution pratique et simple n’est pas possible et que le bruit provoque un stress récurrent, une thérapie comportementale cognitive peut offrir une alternative en aidant à rompre avec certains schémas de pensée négatifs. »

Comment survivre à une chanteuse lyrique

La musique adoucit les moeurs. Mais pas quand elle est non sollicitée. Et encore moins quand une débutante répète mille et une fois le même court passage en achoppant toujours sur les mêmes notes, juste en-dessous de l’endroit où vous télétravaillez.

D’abord, vous vous dites, ok, c’est le confinement, les gens sont bien obligés de faire chez eux ce qu’ils faisaient ailleurs. Donc, patience et tolérance. Ensuite, vos nerfs mis à rude épreuve, vous manifestez votre mécontentement en tapant du pied au sol, sans résultat. Sonner à la porte de l’importune et lui demander gentiment de vous mettre d’accord sur une solution en arguant que la liberté de l’un s’arrête là où commence celle de l’autre? C’est le premier bon réflexe. Sauf que votre état de stress est tel que vous craignez d’être incapable de vous exprimer sereinement et de vous transformer en monstre hystérique. Vous surfez sur internet et trouvez de nombreux témoignages. Des gens pacifiques qui s’étonnent de leurs propres réactions de rage par rapport à ces voisins qui les agressent de leur musique et qui s’inquiètent de leur état de santé.

Vous vous attachez à un fait-divers: une vingtaine de copropriétaires d’un immeuble ont porté plainte contre une chanteuse lyrique s’accompagnant au piano: ils ont perdu leur procès! Ils ont fini par, tous, déménager. En plus, ils se heurtent à l’incompréhension. La musique et le chant, surtout classique, c’est joli, non? C’est râlant, mais mieux vaut essayer de négocier. Après une lettre aimable suivie d’une discussion, la chanteuse et moi avons coupé la poire en deux en nous ménageant des horaires de calme et de musique. Au moins, je peux m’organiser.

SOS bruit : comment s'en protéger
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LA DÉMENCE

Pour le cerveau aussi l’exposition prolongée au bruit n’est pas sans danger, puisqu’il engendre un risque accru de démence et de déclin cognitif. C’est ce qu’à établi une récente étude américaine menée auprès de 5.000 personnes de 65 ans et plus. Le niveau d’exposition sonore quotidienne se situait entre 51 dB – pour les sondés vivant dans un quartier résidentiel assez calme – à 78 dB pour les habitants de quartiers urbains très passants ou proches d’une grand-route.

Chaque augmentation de 10 dB accroît le risque de démence. On ne connaît pas encore bien le mécanisme exact de cause à effet, mais les scientifiques soupçonnent que la pollution sonore entraîne un manque de sommeil, lui-même responsable d’une augmentation de la tension artérielle, d’une perte d’audition et d’un rétrécissement des artères. Autant de symptômes liés à la démence.

LE SOMMEIL

La pollution sonore peut aussi hypothéquer le sommeil et provoquer des troubles du sommeil. « La sensibilité au bruit varie d’une personne à l’autre, et selon l’âge de la vie. Quand on a de jeunes enfants à la maison, en tant que (grand-)parent on sait que notre sommeil sera plus léger, mais les périodes de stress peuvent aussi nous sensibiliser au bruit pendant la nuit,  » souligne le Pr Johan Verbraecken, spécialiste du sommeil (Centre du sommeil, UZ Anvers).

Le moment où l’on est tiré du sommeil compte aussi. Lorsque cela se produit au petit matin, pendant une phase de sommeil paradoxal (de rêve), on perd en sommeil réparateur. « Si les réveils intempestifs se répètent, on risque une carence en sommeil paradoxal, avec tous les problèmes que cela peut entraîner comme de la somnolence, des troubles de la concentration, des trous de mémoire et de la fatigue. Un sommeil durablement perturbé n’impacte pas seulement la qualité de vie, il va aussi de pair avec des maladies cardiovasculaires, du diabète, des troubles de l’immunité et du métabolisme, et des problèmes de stress. »

LES BRUITS AGRESSIFS

« Un environnement pollué par des sons récurrents et agressifs, comme des avions au décollage, peut provoquer des réveils nocturnes chroniques et fréquents. Au bout d’un certain temps, les riverains développent un stress accru et une forte sensibilité au bruit en général, avec à la clé des troubles typiques comme des insomnies ou de l’hypertension. Des études scientifiques ont permis d’établir que les riverains proches d’un aéroport sont en moyenne plus hypertendus que la population globale. »

Les bruits brefs et agressifs gênent plus le sommeil que ceux qui sont plus longs mais plus doux, car on finit par s’y habituer. « Attention, ce n’est pas parce qu’on ne ressent pas de gêne que notre corps et notre santé n’encaissent pas, souligne le Pr Johan Verbraecken. C’est plus subtil que ça. Les effets ont été démontrés chez des gens vivant à proximité d’une autoroute et apparemment peu gênés dans leur sommeil: en mesurant leur activité cardiaque, on s’est rendu compte que le système nerveux central était malgré tout perturbé.  »

LES RONFLEMENTS

La chambre à coucher n’est pas toujours le havre de paix qu’elle devrait être, notamment lorsqu’on dort à côté de quelqu’un qui ronfle. « Il ne faut pas hésiter à réagir, d’autant qu’il existe des solutions. Même si les ronflements de votre conjoint ne vous réveillent pas, votre santé risque d’en pâtir. Certaines fréquences auditives semblent particulièrement concernées chez ceux qui dorment à côté d’un gros ronfleur (ou ronfleuse). Idem pour l’ouïe du ronfleur lui-même. Certains produisent des sons qui montent à 70 dB, voire plus. »

Comment se protéger du bruit?

« Les bouchons en mousse qu’on distribue lors des concerts ou en avion fonctionnent bien lorsqu’on souhaite juste se protéger des bruits de la circulation ou des conversations dans un train. Mais ils ne suffisent pas pour protéger les oreilles des bruits intenses (+ de 75 dB) – machines, marteaux piqueurs ou sono dans une salle, met en garde le Pr Olivier Vanderveken. Ils atténuent les sons et donnent l’impression d’être à l’abri mais le canal auditif n’est pas fermé. Les ondes sonores atteignent l’oreille interne et provoquent des dégâts. »

Les spécialistes conseillent de commander des bouchons d’oreilles sur mesure. Plus chers, ils sont plus sûrs. On peut y ajouter des filtres qui réduisent le nombre de dB en fonction de l’exposition à tel ou tel bruit. Un jardinier aura besoin d’un autre filtre qu’un amateur de festivals de rock ou un musicien. « Protéger son ouïe devrait devenir un réflexe aussi naturel que le port de lunettes solaires les jours d’été. »

On peut aussi se protéger, la nuit, grâce à des bouchons d’oreilles (en mousse, en cire ou sur mesure).

Autre stratégie pour masquer les bruits gênants: les remplacer par d’autres sons. « Ce peut être ce qu’on appelle du bruit blanc, de la musique lounge ou des sons de la nature, comme le bruit des vagues précise le Pr Johan Verbraecken. Cela aide à entrer en mode détente, pré-sommeil. Il existe des tas de gadgets, de l’appli au réveil spécial, qui permettent de programmer des sons relaxant pendant une demi-heure, le temps de tomber dans les bras de Morphée. »

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