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Soigner les phobies par la réalité virtuelle

Julie Luong

Peur de l’avion, des serpents, des hauteurs: certaines phobies peuvent nous gâcher la vie. Aujourd’hui, la réalité virtuelle permet de mieux lutter contre ces peurs irrationnelles.

Peur de la foule, peur des endroits clos, peur des araignées, des serpents, des chiens ou des orages: la liste des phobies spécifiques est longue! Touchant environ 10% des adultes, les phobies font partie des troubles anxieux: elles peuvent être associées à une anxiété généralisée mais pas toujours. Certaines phobies sont isolées, peuvent apparaître ou disparaître au cours de la vie, et leur origine est parfois mystérieuse!

« Les phobies ne sont pas toujours liées à un traumatisme, précise le Dr Damiano Antonini, psychiatre au CHU Brugmann. Et quand c’est lié à un traumatisme, on ne sait pas pourquoi le cerveau retient un élément et non tel autre. Par exemple, quelqu’un qui a vécu un braquage peut développer une peur des personnes cagoulées et pas d’autres éléments également présents... »

Par ailleurs, si certaines peurs semblent d’origine évolutive (notamment la peur des bruits forts et de certaines odeurs) et liées à notre instinct de survie, la majorité des phobies serait d’origine acquise. « Le plus souvent, c’est parce qu’on a vu quelqu’un avoir peur de quelque chose qu’on en a peur à son tour...« , commente le spécialiste.

Malheureusement, certaines phobies peuvent être très invalidantes, avec d’importantes répercussions sur le quotidien: éviter d’aller se promener dans la nature parce qu’on a peur des insectes, ne pas partir en vacances parce qu’on a peur de l’avion (aérophobie), se couper progressivement de toute vie sociale parce qu’on a peur de la foule (agoraphobie), refuser un boulot parce qu’on a peur de conduire (amaxophobie) ou de parler en public (glossophobie), éviter de se faire soigner parce qu’on a peur du médecin ou du dentiste, etc. Les phobies finissent par créer des comportements d’évitement qui appauvrissent le quotidien, les relations avec les autres... et mettent parfois réellement en danger.

Une exposition « pour du faux »

Heureusement, il existe des solutions. L’approche cognitivo-comportementale a ainsi depuis longtemps fait ses preuves. Elle consiste à exposer le patient de manière progressive à l’objet de sa peur, afin de créer un « déconditionnement » du cerveau.

« Jusqu’à aujourd’hui, on essayait d’exposer le patient à sa phobie en s’appuyant sur l’imaginaire et la visualisation, par exemple en lui demandant, s’il avait peur des hauteurs (acrophobie), de s’imaginer au dixième étage d’un immeuble« , précise le Dr Damiano Antonini. Mais pour certains patients, il est très difficile d’imaginer des situations de manière aussi élaborée. L’autre solution est de l’exposer à la situation « in vivo » en se rendant réellement avec lui au dixième étage. Mais souvent cette mise en situation est trop anxiogène pour lui... L’exposition à la réalité virtuelle est donc une solution intermédiaire. »

Le principe de la thérapie consiste à dissocier la peur et l’objet de la peur.

Cet outil a récemment fait son entrée au service de psychiatrie du CHU Brugmann: grâce à un casque de réalité virtuelle, le patient est exposé visuellement et auditivement à la situation qui lui fait peur, comme dans un jeu vidéo 3D. Une consultation préliminaire permet d’analyser ses pensées automatiques et les « scénarios catastrophes » qu’il se repasse en boucle...

Certaines techniques de relaxation et de respiration vont également lui permettre de diminuer son anxiété avant et pendant la thérapie. Il est ensuite exposé à la situation problématique de manière progressive, en présence du thérapeute. En cas de peur des serpents par exemple, le patient verra d’abord un serpent au loin, qui se rapprochera de lui au fil des séances. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’anxiété ne va pas augmenter de manière exponentielle: au bout d’un moment, quelle que soit la proximité de l’animal redouté, l’anxiété atteint un plateau et ensuite diminue.

« Le principe consiste en fait à dissocier la peur et l’objet de la peur, analyse le Dr Damiano Antonini. Si on a vu quelque chose et qu’on a eu peur au même moment, les deux interrupteurs vont avoir tendance à s’allumer en même temps dans le cerveau. Grâce à la thérapie, le cerveau apprend à dissocier ces deux interrupteurs jusqu’à ce qu’ils fonctionnent de manière séparée. »

Des résultats rapides

Plusieurs études ont ainsi démontré que ces thérapies d’exposition à la réalité virtuelle donnaient de très bons résultats, avec une diminution des phobies au bout de seulement quelques mois. Bien sûr, la réalité virtuelle ne permet pas de reproduire toutes les dimensions du réel (les odeurs par exemple) ni toutes les situations.

« Aujourd’hui, nous sommes limités par le programme informatique, commente le spécialiste. Il existe en effet des phobies très particulières. J’ai par exemple une patiente qui a peur des bateaux, ce qui l’empêche par exemple d’aller à la mer car elle a même peur de les apercevoir de loin. Pour ce genre de phobies rarissimes, le programme informatique n’a rien prévu. » Pour le meilleur et pour pire, les fantaisies de l’imagination humaine sont en effet difficiles à égaler..

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