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Quand le visage se fige

Une paupière qui ne se ferme plus. Le coin de la bouche qui pend. La paralysie faciale fige le visage. Les nouveaux traitements s’annoncent prometteurs, même si la paralysie n’est pas récente.

Les personnes qui présentent une paralysie faciale se heurtent souvent à un mur d’incompréhension et de préjugés.  » Leur visage asymétrique est le plus souvent directement associé à un accident vasculaire cérébral mais ce n’est qu’une des nombreuses causes possibles. La paralysie faciale résulte d’une atteinte du nerf facial, précise Liesbet Desmet, mimothérapeute et professeur à la haute école Artevelde. Les mouvements sont induits par le cerveau qui commande les cellules du tronc cérébral. L’ordre est ensuite transmis au nerf facial, connecté aux différents muscles du visage. Si un court-circuit se produit sur le trajet, il y a un problème. Selon l’endroit où le nerf est atteint, cela se traduit par une paralysie faciale centrale ou périphérique. Si l’atteinte se situe dans la dernière partie du trajet (du tronc cérébral au visage), on parle de paralysie périphérique.

La conséquence la plus visible est une perte de motricité faciale. Les muscles du visage n’arrivent plus à effectuer des mouvements normaux comme la fermeture des lèvres, des yeux, etc. Comme le muscle facial assure aussi une fonction sensorielle, le déficit musculaire peut provoquer une perte du goût, l’arrêt des sécrétions lacrymales et salivaires avec à la clé des yeux qui piquent et une bouche sèche. D’autres développent une hyperacousie, soit une impression douloureuse d’entendre plus fort.

LE BON DIAGNOSTIC

Cette affection neurologique touche 4.000 personnes par an en Belgique. Les causes sont très variées mais il est crucial de diagnostiquer rapidement la cause exacte de manière à commencer le bon traitement à temps. Les infections virales telles que la maladie de Lyme et le zona (herpes zoster) comptent parmi les causes les plus fréquentes mais une infection de l’oreille moyenne, un traumatisme, une tumeur ou une intervention chirurgicale peuvent aussi être à l’origine d’une atteinte du nerf facial. Souvent, le médecin n’arrive pas à distinguer la cause exacte et procède par élimination pour établir un diagnostic de paralysie faciale idiopathique ou paralysie de Bell, la forme la plus bénigne de ce trouble neurologique.

« La paralysie est généralement due à la réactivation d’un virus, herpes simplex, latent chez plus de 80% des gens, analyse Liesbet Desmet. La dégradation est assez rapide. Les problèmes de fermeture de l’oeil ou la déviation de la commissure labiale apparaissent en quelques heures. Les symptômes évoquent l’accident vasculaire cérébral et c’est panique à bord. Dans le cas d’une paralysie idiopathique, le pronostic est assez favorable : la rémission est complète au bout de quelques mois pour 70% des patients et une amélioration est toujours possible pour les autres. »

QUEL TRAITEMENT ?

En cas de paralysie idiopathique, un traitement à base corticostéroïdes doit être entamé idéalement dans les 72 heures. Il sera complété par une surveillance ophtalmologique et des séances d’exercices de motricité de la face. « Le nerf facial qui assure la liaison entre le tronc cérébral et le visage passe par un canal osseux. Un gonflement d’origine infectieuse dans cette zone provoque la compression du nerf facial et le blocage des signaux envoyés aux muscles peauciers. Les corticostéroïdes aident à réduire le gonflement et à en atténuer les conséquences. La guérison dépend essentiellement de l’importance des lésions du nerf. Plus vite le patient retrouve sa motricité faciale, meilleur sera le pronostic. Même si l’affection perdure, une rémission reste possible », insiste Liesbet Desmet.

La syncinésie ou apparition de mouvements involontaires est une séquelle assez fréquente. « Le dysfonctionnement du nerf facial peut par exemple occasionner la fermeture involontaire de l’oeil ou l’affaissement de la commissure des lèvres chaque fois que vous souriez parce que l’ordre du cerveau à la bouche est également transmis à l’oeil. Cette syncinésie entraîne une surtension musculaire et gêne certains mouvements volontaires comme le sourire. Il n’est pas toujours facile de résoudre le problème complètement mais une mimothérapie ciblée (voir plus bas) apporte un réel soulagement. L’injection de toxine botulique (botox) est un autre remède visant à atténuer l’hyperactivité musculaire. »

Si l’origine du problème est d’ordre tumoral, une intervention chirurgicale peut s’avérer nécessaire. Un rétablissement partiel ou complet est tout à fait possible. Parfois le nerf ne récupère pas et la paralysie devient permanente. De nouvelles techniques chirurgicales peuvent alors aider.

LA MIMOTHÉRAPIE

La mimothérapie, administrée par des logopèdes et des kinésithérapeutes spécialisés est un des traitements permettant de retrouver l’expression habituelle du visage. « Cette technique englobe différentes techniques de massage et des exercices adaptés aux muscles faciaux. Le but est de leur réapprendre à fonctionner de façon symétrique, de contrôler les mouvements involontaires et la surtension musculaire, aussi lorsqu’on parle, mange, boit ou exprime des émotions. »

Le timing est capital. « Si vous commencez à faire des grimaces trop tôt, vous faites plus de mal que de bien. Vous risquez de renforcer l’asymétrie et de stimuler la syncinésie. La guérison naturelle prend un certain temps. L’éducation, les conseils, les massages sont parfaitement indiqués dans un premier temps. Une véritable thérapie ne peut être envisagée que lorsque le thérapeute constate une certaine activité du nerf facial. Même si les séquelles perdurent depuis des années, des progrès sont toujours possibles. C’est un sacré coup de fouet lorsque la personne retrouve le sourire pour la première fois. »

L’impact psychologique ne doit pas être sous-estimé. « Les symptômes sont bien visibles et difficiles à camoufler. Résultat : de nombreuses personnes atteintes de paralysie faciale évitent les contacts sociaux et finissent par s’isoler. D’où l’importance d’un suivi psychologique et des contacts avec les personnes atteintes de la même affection » souligne Liesbet Desmet.

Veerle Leemans, 57 ans le regard des autres a changé

« Il y a quatre ans, j’ai eu une paralysie faciale suite à l’opération d’une tumeur bénigne, un neurinome de l’acoustique. Cet accident a complètement changé ma vie. Quelques jours après l’opération, on m’a annoncé que mon visage resterait à moitié paralysé parce que le nerf facial avait été touché. Outre les problèmes d’ordre pratique, je me sentais différente des autres. Je ne connaissais personne dans le même cas et je devais affronter seule le regard des autres.

Il n’y a pas eu de revalidation les premières semaines. J’ai dû attendre quasi deux mois avant que le mimothérapeute ne remarque la présence de mouvement dans le nerf. Pendant tout ce temps, je me suis accrochée à la perspective de reprendre le travail, ce qui m’a coûté énormément d’énergie et valu pas mal d’incompréhension. Au travail, mes collègues me voyaient autrement. Comme si mon visage figé trahissait des lacunes intellectuelles. Cette lutte permanente contre les préjugés a commencé à peser. J’ai remarqué que ma réadaptation souffrait considérablement de cette nouvelle source stress. J’ai finalement fait le choix difficile de quitter mon emploi.

Grâce aux conseils d’un thérapeute formidable et aux exercices de mimothérapie, j’ai parcouru un bon bout de chemin pour m’en sortir. Mon visage ne sera jamais plus le même mais heureusement, j’ai pu récupérer en grande partie. »

Marianne, 65 ans je suis rétablie mais toujours angoissée

 » Un matin, en me regardant dans le miroir, j’ai remarqué que le coin de ma bouche s’était affaissé. Comme j’avais une journée très chargée, j’ai essayé d’oublier le problème. Le lendemain, un de mes yeux me paraissait plus petit et la moitié de mon visage était insensible. Mon médecin traitant a immédiatement soupçonné une paralysie faciale mais le neurologue a insisté pour que je passe des examens ciblés, question d’exclure l’accident vasculaire cérébral.

Entretemps, il m’était devenu impossible de fermer l’oeil. Le diagnostic de paralysie de Bell est tombé trois jours plus tard. Il était déjà trop tard pour intervenir avec un traitement approprié. ça a été un choc violent. Je n’arrivais plus à me faire comprendre, à boire ni à manger proprement. Je me suis coupée du monde pendant des mois. Il était en outre impossible de prédire l’évolution de cette paralysie soudaine.

J’ai commencé à chercher de l’aide et j’ai découvert qu’il existe aux Pays-Bas des techniques de mimothérapie et d’acupuncture spécialisées. Je suis aujourd’hui presque entièrement guérie mais le stress mental est toujours là. L’angoisse de rechuter ne me lâche pas.  »

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