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Prendre soin de ses reins au quotidien

Julie Luong

Les maladies rénales sont fréquentes mais silencieuses. C’est pourquoi il est important de prendre soin de ses reins au quotidien, a fortiori si l’on est atteint d’hypertension ou de diabète de type 2.

Mal aux reins ? Justement non ! Cette expression qu’on utilise à tort pour décrire une douleur lombaire ne reflète pas la réalité.  » Les maladies du rein sont silencieuses et donc particulièrement traîtres « , rappelle le Pr Eric Goffin, responsable du service de néphrologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Mais si nos reins peuvent tomber malades sans qu’on s’en aperçoive – du moins au début -, ils n’en sont pas moins essentiels au bon fonctionnement de notre organisme. Nos deux reins sont situés dans la partie arrière l’abdomen au niveau des deux dernières côtes, de chaque côté de la colonne vertébrale. Le rein droit, situé sous le foie, est un peu plus bas que le gauche, qui se situe sous la rate. Chaque rein mesure en moyenne 12 centimètres, a la forme d’un gros haricot et est surmonté d’une glande surrénale, qui appartient au système endocrinien. À quoi servent-ils ? À beaucoup de choses ! Les reins font partie de l’appareil urinaire. Ils assurent la filtration du sang et éliminent les déchets par la production de l’urine. Ils maintiennent également la teneur en eau et en minéraux optimale de notre corps.

Une Fabrique d’urine

La première fonction des reins est donc de  » fabriquer  » l’urine à partir de la filtration du sang. Les reins reçoivent 1,2 litre de sang par minute, ce qui représente environ un quart du volume sanguin total : autant dire qu’ils ne chôment jamais ! Lorsque le sang arrive aux reins par l’artère rénale, il passe à travers les néphrons, des unités de filtration qui le débarrassent de ses déchets (urée, créatinine, résidus de médicaments...). Cette filtration permet en même temps de contrôler la teneur en eau et en ions (sodium, potassium, calcium...) du sang et de la maintenir à l’équilibre. Quand tout va bien, certaines substances ne sont donc pas présentes dans l’urine (glucose, protéines, globules rouges, globules blanc, bile).

À côté de cette fonction essentielle, les reins servent aussi à sécréter trois substances essentielles à notre santé : 1) la rénine, une enzyme qui participe à régulation de la pression artérielle ; 2) l’érythropoïétine (EPO), une hormone qui stimule la formation des globules rouges au niveau de la moelle osseuse ; 3) la transformation de la vitamine D en sa forme active.

Comment protéger vos reins au quotidien ?

1 – Pratiquez une activité physique régulière : marche, course, jogging...

2 – Faites régulièrement contrôler votre fonction rénale grâce à une prise de sang, une analyse d’urine et un contrôle de la tension artérielle chez votre médecin traitant.

3 – Mangez sainement et contrôlez votre poids. Soyez particulièrement attentif à votre consommation de sel, qui ne doit pas dépasser 5 ou 6 grammes par jour, soit une cuillère à thé. Mais attention au sel caché des plats industriels, biscuits, condiments...

4 – Buvez entre 1,5 et 2 litres d’eau par jour. Une bonne hydratation réduit le risque de maladie rénale. Retenons que les urines doivent être jaune pâle ou incolores : si elles sont plus foncées, cela témoigne d’une hydratation insuffisante.

5 – Arrêtez le tabac. Le tabac diminue le flux sanguin vers les reins et augmente donc le risque de dysfonction rénale. Et il augmente le risque de cancer du rein de 50%.

6 – N’abusez pas des antidouleurs. Pris de manière régulière, les AINS (ibuprofène) peuvent endommager vos reins. Cherchez une alternative avec votre médecin.

7 – Si vous souffrez de diabète, d’hypertension, d’obésité, si vous êtes d’origine africaine ou asiatique ou si vous avez des antécédents de maladie rénale dans votre famille, soyez particulièrement attentif à faire contrôler votre fonction rénale.

L’Hypertension et le diabète : les ennemis des reins

De nombreux problèmes de reins peuvent être prévenus par des habitudes de vie saine. De manière générale, bien s’hydrater et contrôler son apport en sel (par l’alimentation et l’élimination par le sport) sont bénéfiques pour la fonction rénale.  » Les deux principaux ennemis du rein sont le diabète de type 2 et l’hypertension artérielle, explique le Pr Eric Goffin. Ils sont à l’origine d’environ 50 % des cas d’insuffisance rénale. Les 50 % restant sont liés à des infections, des pathologies inflammatoires, familiales, à la toxicité de certains médicaments...  » Pour un patient sur deux, l’insuffisance rénale est donc essentiellement liée au mode de vie... et donc évitable.

En Belgique, environ 13.000 personnes souffrent aujourd’hui d’insuffisance rénale. Elle se caractérise par une destruction progressive et irréversible des néphrons, les unités de filtration du rein. Le diagnostic de l’insuffisance rénale se fait sur base de la clairance de créatinine, dérivé de la dégradation de la créatine, un constituant des muscles. Lorsque les reins ne fonctionnent plus correctement, la teneur en créatinine dans le sang augmente. L’examen consiste à comparer la créatinine sanguine et la créatinine urinaire afin d’évaluer les capacités d’épuration du rein.

Les principales complications de l’insuffisance rénale sont d’ordre cardiovasculaire : pathologies coronariennes, insuffisance cardiaque, etc. Des troubles osseux peuvent également apparaître, en raison d’une mauvaise absorption du calcium. La dénutrition est également une conséquence fréquente car l’accumulation des déchets dans l’organisme entraîne une perte d’appétit. Rare avant 45 ans, l’insuffisance rénale est plus fréquente après 65 ans. Dans les premiers temps, elle ne provoque pas ou peu de symptômes. Certains signes avant-coureurs doivent néanmoins attirer l’attention : besoin fréquent d’uriner (notamment la nuit), mauvais goût dans la bouche, perte d’appétit, nausées, essoufflement, démangeaisons persistantes, crampes nocturnes, gonflement des paupières et/ou des chevilles...

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Freiner la progression

La bonne nouvelle, c’est qu’une prise en charge précoce permet de ralentir et parfois même d’endiguer le développement d’une insuffisance rénale.  » On peut faire un bilan régulier chez son médecin, simplement par une mesure de la tension artérielle, une prise de sang et une analyse d’urine. Quelle que soit la cause de l’insuffisance rénale, un bon suivi atténue la progression, insiste le Pr Eric Goffin. On peut freiner cette progression en agissant sur la consommation de sel, le tabac, le contrôle de l’hypertension artérielle, le poids et l’utilisation de médicaments spécifiques.  » Les antihypertenseurs permettent de contrôler l’hypertension, qui est à la fois cause et conséquence de l’insuffisance rénale. La prise d’érythropoïétine synthétique permet, elle, de lutter contre l’anémie, liée à la diminution des globules rouges. Lorsque les reins ne peuvent plus remplir leur fonction d’épuration malgré le régime et le traitement médicamenteux, il faut recourir à la dialyse ou à la greffe.

Les calculs rénaux

Aussi appelés  » pierres aux reins  » ou  » lithiase urinaire « , les calculs rénaux sont des cristaux durs qui se forment dans les reins ou dans d’autres parties de l’appareil urinaire comme la vessie, les uretères (conduits qui acheminent l’urine des reins vers la vessie) ou l’urètre (conduit qui achemine l’urine lors de la miction). Ils peuvent mesurer de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre. Le plus souvent, ils sont éliminés spontanément en passant à travers le système urinaire. Mais s’ils se bloquent dans l’appareil urinaire, ils provoquent alors des symptômes importants : douleur soudaine et intense dans le bas du dos (généralement d’un seul côté) irradiant parfois dans le bas du ventre, l’aine et les parties génitales, parfois accompagnée de nausées, de vomissements, d’une urine trouble (avec parfois des traces de sang) et/ou d’une envie fréquente d’uriner. C’est la colique néphrétique.

Gare à la récidive

Les calculs ont aussi tendance à récidiver : plus de 50 % des personnes touchées le seront à nouveau dans les dix ans qui suivent la première manifestation. Les personnes souffrant d’hypertension, d’un diabète de type 2 ou d’une obésité sont aussi plus à risque. En cas d’antécédents, il est recommandé d’augmenter sa consommation d’eau à 2 à 3 litres par jour.

Les hommes plus à risque

5 % à 10 % de la population sera confrontée au cours de sa vie à une colique néphrétique. Deux fois plus fréquente chez les hommes, elle survient généralement entre 30 et 50 ans. La majorité des calculs s’éliminent naturellement dans les six semaines qui suivent leur formation. Durant cette période, il est recommandé de boire environ trois litres par jour. Des analgésiques sont souvent prescrits pour soulager la douleur. En cas de calcul de taille importante (plus de 10 mm), de douleur insoutenable, d’infection ou de saignement abondant, le calcul doit être éliminé par une intervention chirurgicale.

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Dialyse et greffe

La dialyse est un processus de filtration par lequel les déchets du sang sont séparés des substances indispensables au bon fonctionnement de l’organisme.  » Aujourd’hui, on encourage de plus en plus la dialyse à domicile. Au lieu de venir trois fois par semaine à l’hôpital pendant quatre heures, les patients apprennent à se dialyser chez eux, ce qui leur permet non seulement de mieux s’organiser par rapport à leurs activités quotidiennes, mais aussi de se dialyser davantage. « 

Pour les personnes qui sont en insuffisance rénale terminale et qui ont encore une bonne espérance de vie, la transplantation est également une solution. Aujourd’hui, le délai d’attente pour une greffe de reins est d’environ trois ans. Ce rein peut provenir d’un donneur décédé mais aussi d’un donneur vivant car nous sommes capables de vivre avec un seul rein !

 » En Belgique, les reins de donneurs vivants représentent environ 10 % des greffes, mais on essaie aujourd’hui d’augmenter ce pourcentage car ces greffes donnent de très bons résultats. Il existe d’ailleurs un programme d’échange de donneurs vivants : si vous voulez donner un rein à votre conjoint mais que vous n’êtes pas compatible avec lui, vous pouvez désormais faire un  » échange  » avec un autre couple dans la même situation.  »

Marleen Tutenel, 64 ans, vit avec une insuffisance rénale

« J’ai eu longtemps des problèmes de surpoids. J’ai tout essayé pour maigrir, sans résultat durable. J’ai fini par avoir un diabète. Au moment de mon premier calcul rénal, j’ai dû perdre d’urgence beaucoup de poids. J’ai suivi à nouveau toutes sortes de régimes. Un soir de réveillon de Nouvel An, j’ai fait une crise rénale aiguë qui m’a valu une hospitalisation. Pendant des mois, les problèmes ont persisté, jusqu’à ce que le néphrologue me dise qu’il ne pourrait rien pour moi tant que je n’aurais pas réussi à perdre beaucoup plus de poids. Mes deux reins semblaient ratatinés et ma fonction rénale s’est rapidement détériorée, entre autres à cause des médicaments contre le diabète. Perdre du poids était la seule solution, sinon je risquais la dialyse. Cette perspective m’a décidée à me faire opérer pour la pose d’un bypass gastrique.

Grâce à cela, j’ai réussi à réduire mon poids de moitié et même à guérir mon diabète. Depuis lors, l’état de mes reins s’est stabilisé mais je souffre toujours d’insuffisance rénale – autour de 24 % de la fonction rénale normale -, car c’est irréversible. J’en subis les conséquences au quotidien, même si cela ne se voit pas. II reste encore beaucoup d’idées préconçues à ce sujet. Comme j’ai les reins abîmés, je ne peux boire que des quantités limitées, contrairement à ce qu’on conseille d’habitude. Je suis souvent fatiguée et c’est sans doute ce qui me gêne le plus, car cela m’empêche de faire des tas de choses. Du coup, c’est surtout mon mari qui s’occupe de nos petits-enfants. Quand on se promène, je reste à la traîne ou alors je dois m’arrêter. C’est très frustrant, d’autant que je n’ai aucun moyen d’améliorer ma forme physique.

Autre conséquence : je souffre plus facilement d’inflammations, de crises de goutte, de crampes musclaires, mais aussi de démangeaisons très fortes et de problèmes de peau. Surtout en été, avec la transpiration. J’ai dû repenser toute mon alimentation. Je ne peux plus manger salé et j’ai aussi développé des intolérances alimentaires, à cause du moins bon fonctionnement de mes reins.

Je sais que les choses sont amenées à empirer. À terme, je ne pourrai plus échapper à la dialyse, à moins que je ne bénéficie d’une greffe de rein... D’ici là, j’essaie de rester positive. Les voyages et la photographie sont mes deux passions, et j’espère bien continuer à les assouvir le plus longtemps possible. Je cherche toujours la thérapie qui m’aidera à retrouver de l’énergie.  »

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