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Oubliez les régimes et écoutez votre corps

95% des régimes sont voués à l’échec. Pour garder ou atteindre un poids idéal, mieux vaut apprendre à décrypter ses envies et réflexes alimentaires, plutôt que de se cantonner à d’austères règles diététiques.

Pour beaucoup, le régime amincissant est un passage obligé à l’approche de l’été. C’est l’époque des assiettes où chaque bouchée est pesée, débitée en calories, et où les aliments sont choisis pour leur profil nutritionnel plutôt que pour leur goût (coucou les légumes fades simplement cuits à l’eau !). Plutôt déprimant, désagréable... et finalement contre-productif?

Moins de muscles, plus de gras

C’est ce que pensent aujourd’hui la plupart des professionnels de la diététique. « On a constaté que 95% de ces régimes étaient voués à l’échec, abonde Serge Pieters, diététicien et professeur de diététique à l’Institut Paul Lambin (Haute école Léonard de Vinci). Avec ces régimes, les gens veulent perdre en très peu de temps beaucoup de poids, en s’astreignant à de nombreuses frustrations alimentaires : c’est un très mauvais calcul.  » C’est que l’évolution a doté le corps humain d’une capacité à prendre rapidement du poids, ce qui permettait à nos ancêtres d’augmenter leurs chances de survie en cas de disette. Or, ce mécanisme s’amplifie après chaque période de restriction alimentaire, et les régimes hypocaloriques ne font pas exception.

Le principe de base, c’est de réécouter son corps et les messages qu’il nous fait passer sur notre alimentation.

« Concrètement, un régime drastique fait perdre de la masse musculaire en plus de la masse graisseuse, explique le diététicien. Or, ce sont les muscles qui permettent de brûler les calories. Faire ce type de régime, c’est un peu comme si vous baissiez le thermostat de votre chaudière: cela se traduit par une dépense moindre de carburant. Une fois que vous reprenez une alimentation normale, votre corps brûle moins bien les apports alimentaires, qu’il aura plus facilement tendance à transformer en graisse.  » Ajoutez à cela la frustration de ne pas avoir pu manger ce que vous vouliez pendant le régime, qui ne fait qu’exacerber la tentation de se ruer sur les aliments  » interdits  » lors du retour à la normale... Il y a là de quoi réduire à néant les effets du régime ! Non seulement le poids perdu est souvent récupéré/dépassé rapidement (l’effet « yo-yo »), mais le corps devient aussi plus gras et moins musculeux. Il est bien sûr possible de récupérer la masse musculaire perdue, mais le processus est assez lent, nécessite plusieurs mois et de l’activité physique...

Vous avez faim? Vraiment?

La faim est régulièrement confondue avec d’autres sensations, telles que le sommeil, la soif, l’ennui ou la frustration. On peut notamment avoir l’impression de ressentir une fringale pour des aliments gras ou sucrés après une mauvaise journée.

« Ce type d’aliment a quelque chose de réconfortant, de symbolique, puisque cela renvoie à l’enfance, à des événements heureux ou doux, mais cette envie n’a rien à voir avec la faim, explique le diététicien Serge Pieters. D’où l’importance de s’en rendre compte et d’éviter le piège. Manger dans l’impulsion ne rassasie pas et ne satisfait pas : la preuve, dans ces caslà, vous pouvez manger énormément, sans pour autant vous sentir réellement mieux par après. Si vous êtes énervé, déprimé, il faut trouver un autre dérivatif : allez prendre une douche, faites un peu de jardinage ou une promenade, plutôt que de plonger dans les armoires de la cuisine... » Ou alors, accordez-vous cette douceur qui vous fait tant envie, mais à petite dose et la savourant lentement.

Les couche-tard, eux, ont souvent une petite fringale en seconde partie de soirée.  » Il a été démontré que les gens qui ont tendance à s’endormir tard grignotent beaucoup plus, et souvent des aliments fort énergétiques, confirme le diététicien. Il apparaît que ces gens confondent souvent une sensation de faim avec le sommeil: en cas d’envie de grignotage tardif, mieux vaut aller au lit que dans le frigo.  » Et si vous regardez la télévision, attention aux publicités qui interrompent votre programme: elles donnent souvent des envies alimentaires artificielles (difficile de ne pas être tenté par ces images de barres chocolatées), d’autant plus que vous êtes dans une brève période d’ennui (vous attendez la fin de l’interminable coupure publicitaire).

Carences et problèmes psy

Autre point décrié : par essence, un régime hypocalorique est déséquilibré sur le plan nutritionnel.  » Le risque de carences est présent dès qu’on descend en-dessous de 1.800 kcal par jour : une telle ration se traduit d’office par une insuffisance en macro et micronutriments... Le problème est encore plus criant si on opte pour une mono-diète (seuls quelques aliments sont permis) ou si on exclut certaines familles d’aliments : en supprimant les féculents, par exemple, vous ôtez les glucides, dont le corps a besoin, mais aussi une grande quantité de fibres... « 

Enfin, le fait de vouloir trop surveiller son alimentation peut donner naissance à des perturbations psychologiques, qualifiées de restriction cognitive.  » Il peut y avoir une tendance à séparer l’alimentation en aliments permis/interdits, une volonté de tout calculer, peser, contrôler... » Le tout accompagné de frustrations (« je ne peux pas manger ceci ») et de « craquages », suivis d’un sentiment de culpabilité ( » je viens de dévorer un paquet de chips, c’est mal « ).

Plus aucun aliment n'est strictement prohibé, mais tout est bien évidemment dans la mesure !
Plus aucun aliment n’est strictement prohibé, mais tout est bien évidemment dans la mesure !© GETTY IMAGES

La conscience du chocolat

Rien de plus frustrant que de s’interdire des aliments trop gras ou trop sucrés. A tel point qu’aujourd’hui, en diététique, plus aucun aliment n’est strictement prohibé. « Tout est une question de fréquence et de savoir pourquoi et comment on mange l’aliment: prendre le temps de se fier à son corps et à ses sensations est parfois beaucoup plus efficace que de réfléchir en termes de calories, de graisse, etc. »

Du charabia bien-pensant? Pas sûr... Illustration avec un exemple : en cas d’envie irrépressible de chocolat (à ne pas confondre avec une envie de réconfort alimentaire), plutôt que de se l’interdire ou d’ingurgiter machinalement toute une tablette en faisant autre chose, l’idéal est de prendre le temps de savourer un ou deux carrés.  » On se rapproche ici de la pleine conscience : mettez-vous dans un fauteuil, laissez fondre lentement le chocolat en bouche, par petites bouchées, en fermant les yeux et en décryptant les arômes. La dégustation devrait prendre quelques minutes, le temps de combler totalement votre envie, de vous rassasier. » Au final, davantage de plaisir et aucune frustration... ni sentiment de culpabilité !

Le meilleur indicateur : le corps

Autant de raisons qui font que l’approche des problèmes de poids évolue grandement ces dernières années. Les règles alimentaires strictes et austères perdent en importance: la diététique prend désormais en compte la psychologie et la nécessité de reprendre conscience de l’acte de manger, sans oublier la notion de plaisir.  » Le principe de base, c’est de réécouter son corps pour déterminer les sentiments de rassasiement, de faim, de satiété, bref, les messages que l’organisme nous fait passer sur notre alimentation. « 

Satiété ou rassasiement?

Il n’est pas rare de confondre plusieurs sensations ou de ne pas avoir appris à les identifier. Il est donc important de dissocier rassasiement et satiété.

  • Le rassasiement correspond à la disparition du plaisir de manger, tout aliment ou un aliment en particulier : nous serions encore capables d’en manger, mais nous n’en avons plus l’envie. Le rassasiement est un signal envoyé par l’organisme pour signaler qu’il a de quoi subvenir à ses besoins. En théorie, il faut s’arrêter de manger dès qu’on est rassasié. Mais encore faut-il entendre le subtil message : les personnes qui mangent devant la télévision, par exemple, sont généralement trop absorbées par l’écran que pour s’en rendre compte.
  • La satiété correspond à l’absence de faim « physique », quand notre corps n’a temporairement pas besoin de s’alimenter. Savoir la distinguer permet d’éviter la  » faim psychologique « , l’envie de manger sans en avoir réellement besoin (par ennui, énervement, automatisme...).

Recommandations: une moyenne avant tout

Les recommandations alimentaires sont valables pour une majorité de la population, mais tous les individus ne rentrent pas pour autant exactement dans le moule. « Personne ne peut être en bonne santé en ne mangeant jamais de légumes ni de fruits, recadre toutefois Serge Pieters. Ceci étant, le nombre idéal de fruits et légumes à consommer peut varier suivant les individus, l’important étant d’en consommer quotidiennement « .

Le slogan « 5 fruits et légumes par jour  » fait référence à une moyenne idéale: si vous vous sentez mieux en en mangeant un peu plus ou un peu moins, il n’y a pas lieu de modifier vos habitudes. De même, si le déjeuner est un repas qui n’est généralement pas à négliger, certains semblent ne pas en avoir besoin.  » Reste que, pour la plupart des gens, l’absence de déjeuner se traduit par des capacités cognitives moindres durant la matinée. « 

L’important est d’essayer d’adapter son alimentation aux recommandations, afin de voir si celles-ci nous réussissent ou non, quitte à ne pas les respecter scrupuleusement par la suite.  » Mais attention : un temps d’adaptation est parfois nécessaire : si vous n’avez mangé toute votre vie que des sandwiches blancs et que vous passez du jour au lendemain au pain noir, vous allez très certainement éprouver de gros problèmes digestifs.. »

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