Ostéoporose: inverser la vapeur, c’est possible !

Trop souvent encore, l’ostéoporose est considérée comme un corollaire du vieillissement. Faux ! Des traitements efficaces existent et sont pertinents à tout âge.

L’os, tissu vivant, ne cesse de se renouveler. Nos os font l’objet d’une constante destruction et reconstruction – un processus qui permet aux fractures de se rétablir. C’est surtout au cours de l’enfance et de l’adolescence que nous absorbons facilement et engrandes quantités l’indispensable calcium.

Le pic de masse osseuse (masse maximale) est atteint vers 30-35 ans, et à partir de 40 ans, la résorption osseuse prend le pas sur sa production. La masse totale va donc se réduire et, si nous n’y prenons garde, notre ossature peut se fragiliser, et le moindre choc risque de provoquer des fractures...

L’ostéoporose ou décalcification osseuse est une maladie qui commence de façon insidieuse. Autant dire qu’un diagnostic et un traitement précoces revêtent une importance capitale.

15 ans de répit pour les hommes

Maladie typiquement féminine, l’ostéoporose ?  » Non « , affirme le Pr Steven Boonen, chef du service de gériatrie et coordinateur du centre des maladies métaboliques de l’hôpital universitaire de Louvain.  » Elle représente également un problème croissant chez les hommes. Le fait qu’ils subissent moins de fractures s’explique deux facteurs : leur espérance de vie plus limitée et la survenue tardive de la maladie. Ils possèdent un squelette plus robuste et un capital osseux plus important. « 

Dépistage et diagnostic

Le dépistage de l’ostéoporose s’appuie sur l’ostéodensitométrie.  » Il existe un large consensus pour dire qu’une mesure unique devrait être réalisée chez la femme vers 65 ans, afin de détecter une éventuelle ostéoporose, commente le Pr Boonen. Si les résultats sont normaux et que la patiente dispose d’un bon capital osseux, elle pourra être rassurée et il ne sera pas nécessaire de répéter l’examen. En cas d’ostéoporose manifeste, il faudra instaurer un traitement. « 

Ceci ne signifie toutefois pas que la mesure de la densité osseuse soit inutile avant 65 ans.  » Chez les patientes plus jeunes, cet examen sera réalisé en présence de facteurs de risque définis, tels qu’une ménopause précoce (avant 45 ans), une constitution frêle, la prise de certains médicaments (p. ex. corticoïdes)...

Si la densitométrie osseuse est l’étalon-or du diagnostic de l’ostéoporose, elle n’est toutefois pas parole d’évangile : lorsqu’une femme ménopausée tombe et se casse le poignet, il s’agit d’un cas typique de fracture ostéoporotique associée à une chute et cette patiente souffre d’ostéoporose, quel que soit son score à l’ostéodensitométrie. « 

Après 50 ans, toute fracture est un signe d’ostéoporose

Le diagnostic de l’ostéoporose repose sur deux éléments : soit un score inférieur à une certaine limite à la densitométrie osseuse, soit une fracture survenant après l’âge de 50 ans.  » Les fractures du poignet, de la hanche et les tassements vertébraux étaient jadis considérés comme les fractures ostéoporotiques typiques. Aujourd’hui, nous savons qu’une fracture consécutive à une chute chez une personne de plus de 50 ans est quasi toujours provoquée par l’ostéoporose et demande un traitement.

Conclure à une absence d’ostéoporose chez une femme ménopausée victime d’une fracture du poignet en dépit d’une densité osseuse normale est une erreur à ne pas commettre. En réalité, cette personne présentera même une ostéoporose établie, car a déjà subi une fracture ! A l’instar de n’importe quel autre examen, l’ostéodensitométrie peut présenter une sensibilité variable. L’ostéodensitométrie ne sert donc pas à confirmer le diagnostic chez une personne qui vient de se casser quelque chose, mais à détecter, dans bien des cas, l’ostéoporose avant la survenue d’une fracture. « 

Evaluer le risque de fracture

Un outil développé récemment évalue, chez une personne donnée, la probabilité de fracture au cours des dix années suivantes ; un score baptisé FRAX, Fracture Risk Assessment Tool.  » L’estimation du risque de fracture par la mesure de la densité osseuse peut être affinée en tenant compte d’autres paramètres, comme l’âge, le sexe, les antécédents familiaux, le tabagisme, etc., explique le Pr Boonen. La meilleure évaluation du risque de fracture est obtenue en combinant la densitométrie et le FRAX. « 

Quand traiter ?

 » Le traitement ne présente un bon rapport coût-efficacité qu’en cas d’ostéoporose avérée « , précise le Pr Boonen.  » Les bisphosphonates ont aussi été testés, par exemple, chez des femmes présentant un capital osseux légèrement réduit, afin de juger de leur pertinence en prévention. Les critères appliqués en Belgique pour le remboursement des médicaments contre l’ostéoporose sont très rationnels et bien étayés sur le plan scientifique.

Je tiens à souligner que la décision de débuter un traitement n’a rien à voir avec l’âge « , poursuit le Pr Boonen.  » Ce n’est pas parce que 30 ou 40 % des octogénaires souffrent d’ostéoporose que ce n’est plus la peine de les soigner. Car le rapport coût-efficacité du traitement augmente avec l’âge. Le risque de fracture s’accroît au fil du temps, tandis que l’effet thérapeutique des médicaments ne diminue pas. Du coup, ceux-ci permettront donc d’éviter davantage de fractures. En un mot, l’ostéoporose doit être prise en charge à tout âge ! « 

Plusieurs possibilités

 » Il existe plusieurs catégories de médicaments ; globalement, elles sont toutes très sûres et efficaces, commente le Pr Boonen.

Les bisphosphonates : fréquemment utilisés, ils sont relativement sûrs et protègent contre tous les types de fractures. Ils disponibles sous des formes qui ne doivent être administrées qu’une fois par semaine, par mois ou par an. L’un de leurs points faibles : ils ne permettent pas de faire reculer la maladie : ce qui est perdu, est perdu.

Le ranélate de strontium : permet de renverser partiellement la vapeur. En Belgique, il n’est toutefois remboursé que chez plus de 80 ans. Il offre une excellente alternative aux bisphosphonates et a même démontré, chez les patients plus âgés, une efficacité unique qui en fait chez eux le traitement de premier choix.

L’hormone parathyroïdienne : ce médicament plus récent stimule aussi la formation osseuse et est utilisé dans l’ostéoporose postménopausique à haut risque de fractures quand les autres traitements sont inefficaces.

Leraloxifène : ce modulateur sélectif des récepteurs aux estrogènes, sûr et efficace, n’agit toutefois que sur les tassements vertébraux. Il est intéressant chez les patientes jusqu’à 70 ans, qu’il protège aussi contre le cancer du sein. Après cet âge, il faut être plus attentif au risque de fracture de la hanche et d’autres médicaments seront donc plus indiqués.

Faut-il toujours associer au traitement une supplémentation en calcium et vitamine D ?  » Il existe un consensus en ce sens, confirme le Pr Boonen. Car l’ostéoporose frappe souvent des personnes âgées, souvent carencées en calcium et en vitamine D. »

De nombreux patients décrochent

 » Le manque de compliance thérapeutique (respect du traitement) est un problème important dans le domaine de la médecine, et particulièrement dans ce que l’on appelle les  » maladies silencieuses  » comme l’est l’ostéoporose. En l’absence de symptômes, de nombreux patients prennent leurs médicaments de façon irrégulière, ou décrochent. Je suis convaincu que les patients ne sont pas les seuls à devoir prendre leurs responsabilités, poursuit le Pr Boonen. A mon sens, en matière d’information et d’éducation, un rôle important est dévolu au médecin de famille.

L’éducation par le médecin (de famille) constitue un volet majeur du traitement : il faut donner au patient des explications claires – celui-ci doit être bien conscient que les bisphosphonates sont importants pour prévenir les fractures mais ne soulageront pas ses maux de dos. Le mode d’utilisation astreignant des bisphosphonates oraux représente un problème supplémentaire. A cet égard, des progrès ont été faits ces dernières années avec l’avènement de formes ne nécessitant pas une prise quotidienne.

Un nouveau traitement devrait apparaître dans un avenir proche : le dénosumab, anticorps monoclonal qui freine fortement la destruction de l’os. Il semble qu’il s’agisse d’un produit très sûr et, à en croire les études, très efficace contre les fractures.

Le suivi après fracture de la hanche est essentiel

Les fractures de la hanche représentent la complication la plus redoutée de l’ostéoporose. Jusqu’à 20 % des personnes qui en sont victimes décèderont dans l’année, même s’il est admis qu’après cette phase de vulnérabilité accrue, d’une durée de 6 à 12 mois, leur pronostic se normalise.

Une étude réalisée au sein des cliniques universitaires de Louvain et Bruxelles chez plus de 750.000 patients victimes d’une fracture de la hanche a toutefois démontré que, même 10 à 15 ans plus tard, leur espérance de vie restait réduite.  » Une fracture de la hanche doit être considérée comme le signe d’une vulnérabilité sous-jacente et d’un risque accru de complications, explique le Pr Boonen. Il est donc important de ne pas se limiter à soigner la fracture, mais de donner aussi à ces personnes un traitement efficace contre l’ostéoporose, d’examiner les possibilités en termes de prévention des chutes et de continuer à les suivre après leur sortie de l’hôpital. « 

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