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Opération sous hypnose

L’hypnosédation invite le patient à utiliser ses compétences naturelles pour glisser dans le processus hypnotique.

« L’hypnosédation combine des techniques hypnotiques, un peu de sédation et une anesthésie locale de la zone à opérer « , précise Marie-Elisabeth Faymonville, spécialiste en anesthésie-réanimation, qui a développé ce type d’anesthésie en Belgique, en 1991. Cette méthode est utilisée dans le cadre d’opérations qui se font habituellement sous anesthésie générale ou sous sédation intraveineuse consciente. Elle ne remplace pas l’anesthésie locale . » Grâce à des techniques d’hypnose, l’anesthésiste invite le patient à utiliser ses compétences naturelles pour glisser dans le processus hypnotique . « S’il est physiquement présent dans le bloc opératoire, il est totalement absent au niveau mental, un peu comme s’il faisait un voyage. Il ne suit donc pas sa propre opération . »

De nombreux types d’opérations

Chirurgie plastique (remodelage du nez, lifting du visage), endocrinienne, ophtalmologique (cataracte), gynécologique (hystérectomie), du sein, de la sphère ORL, des carotides, greffe osseuse (os du crâne, mandibules)... La liste des opérations pouvant se pratiquer sous hypnose est longue, même si le recours à cette technique est encore peu répandue (0,5%)! C’est la motivation du patient qui détermine souvent le choix de l’hypnosédation. « Certaines personnes affirment en effet craindre les risques liés à l’anesthésie générale. « 

Mais la décision d’opérer sous hypnosédation revient en premier lieu au chirurgien. « Il évalue, d’une part, la lésion et le type d’intervention et, d’autre part, la possibilité d’anesthésier localement la zone à opérer. Il propose ensuite au patient de rencontrer un anesthésiste formé aux techniques hypnotiques. De son côté, le patient doit accepter de faire confiance à l’équipe, de se faire aider pour se mettre sous hypnose et de rester conscient pendant l’opération . »

Les personnes opérées sous hypnose ne présentent pas les troubles cognitifs qui surviennent parfois suite à une anesthésie générale. Elles souffrent moins de nausées, de vomissements et de douleurs, avec à la clé moins de prescriptions médicamenteuses. Et peuvent donc tabler sur une récupération plus rapide...

Promenons-nous dans les bois

En 2008, Adeline a subi une opération destinée à prélever un morceau d’os crânien afin de le greffer dans la mâchoire. « J’ai été vue en consultation pré-anesthésie par le Pr. Faymonville. Il n’y a pas eu d’essai préalable d’hypnose. Le jour de l’intervention, les appareils de surveillance habituels ont été installés au bloc opératoire. Le chirurgien stomatologue du CHU de Liège a pratiqué une anesthésie locale au niveau du crâne. Le Pr. Faymonville m’a demandé quel souvenir agréable je souhaitais revivre. Suivant ses instructions, j’ai fermé les yeux. Pendant les trois heures d’intervention, de suggestion en suggestion, guidée par la voix douce de l’anesthésiste, je me suis promenée dans les bois et mon regard s’est orienté vers la végétation, le ciel et la nature qui m’entouraient.

J’étais consciente, j’entendais une musique de fond, ainsi que les chuchotements du chirurgien et de l’infirmière. Il y avait beaucoup de respect envers le patient. Je me sentais en sécurité, accompagnée par la voix de l’anesthésiste. J’ai dû m’endormir un peu. Au moment délicat et redouté du prélèvement de l’os crânien, le Pr Faymonville a suggéré qu’une branche me frottait le crâne tandis que je marchais dans un sous-bois à la végétation très dense. Le chirurgien a ensuite procédé à la greffe d’os dans la mâchoire. Alors que j’appréhendais cette opération sous hypnose, j’en garde un souvenir agréable... « 

L’hypnose, pour qui?

Elle ne convient pas aux personnes qui ne sont pas motivées ni à celles qui comptent s’endormir pendant l’intervention et se réveiller une fois celle-ci terminée. En effet, un patient qui se fait opérer sous hypnosédation doit rester conscient. Il lui est permis de s’endormir mais d’un sommeil qui n’a rien à voir avec le coma provoqué par les médicaments propres à une anesthésie générale.

Pour quel type de patient

L’hypnosédation peut être réalisée lorsque le chirurgien a donné son accord. C’est lui, d’une part, qui connaît les zones du corps pouvant être opérées sous anesthésie locale. D’autre part, en fonction de la lésion à traiter, il sait évaluer s’il est possible de réaliser une intervention chirurgicale chez une personne consciente. Il revient également au chirurgien d’estimer si l’anesthésie locale et l’hypnosédation seront suffisantes pour garantir le confort du patient. L’expérience du chirurgien est donc déterminante pour prendre la décision d’opérer sous hypnosédation, ou pas.

Cette technique d’anesthésie est-elle recommandée pour les patients anxieux, très nerveux ou ayant des problèmes cardiaques? En réalité, les personnes anxieuses et nerveuses ont tendance à se mettre plus facilement en état d’hypnose car elles préfèrent choisir une technique apportant du confort plutôt que rester totalement présentes pendant l’opération. Par ailleurs, nos études ont montré que l’hypnosédation est profitable aux patients cardiaques car elle stabilise la tension artérielle et la fréquence cardiaque.

Faut-il être à jeun avant l’opération? Oui, car si le patient n’est pas confortable sous hypnosédation, il faut se tourner vers une autre technique d’anesthésie. Raison pour laquelle l’hypnosédation doit être réalisée par un anesthésiste.

Que se passe-t-il si l’hypnose ne fonctionne pas? Si le patient n’est pas confortable, l’anesthésiste recourt à l’anesthésie générale. Nous avons, par exemple, eu le cas d’un patient qui devait être opéré à la thyroïde, mais un problème à la nuque provoquait des douleurs insupportables lorsqu’on tentait de lui mettre la tête en arrière. Cette position étant pourtant nécessaire pour pratiquer l’opération, il a finalement dû être opéré sous anesthésie générale. Il est néanmoins très rare de devoir renoncer à l’hypnosédation en cours d’intervention: sur plus de 10.000 opérations sous hypnose, nous nous sommes tournés vers l’anesthésie générale à dix-huit reprises seulement.

Le patient peut-il quitter plus rapidement l’hôpital après une opération sous hypnose? La récupération après une opération sous hypnose étant plus rapide, les patients restent habituellement moins longtemps hospitalisés. Cet argument n’est cependant plus très pertinent car de nombreuses interventions se font désormais en hôpital de jour. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que l’opération sous hypnose diminue la fatigue et la douleur, et permet une reprise plus rapide du travail.

L’anesthésiste teste-t-il l’hypnose sur le patient en consultation préanesthésique? Il y a une consultation préanesthésique destinée à expliquer en quoi consiste l’hypnosédation et à préparer le patient, mais l’anesthésiste n’essaie pas l’hypnose avant le jour J.

L’opération sous hypnose est-elle remboursée par la sécurité sociale? Le patient qui choisit l’autohypnose bénéficie du même remboursement que pour une anesthésie générale.

Comme l’anesthésie classique a souvent des conséquences négatives chez les personnes démentes, l’hypnose peut-elle être une bonne alternative? L’hypnosédation nécessitant la collaboration du patient, il est compliqué de la proposer aux personnes atteintes de démence. On n’arrive effectivement pas à entrer en relation avec ce type de patient ni à l’aider à s’installer dans un processus de conscience modifiée.

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