© GETTY IMAGES

Les vertus thérapeutiques du cannabis

Julie Luong

Il est désormais autorisé, mais pas n’importe comment et pour n’importe quoi. C’est un produit intéressant, qui a énormément d’applications.

Le cannabis (ou  » chanvre indien ») est connu depuis l’Antiquité pour ses propriétés antidouleur, anti-spasmes, anti-vomitives... ll était alors utilisé pour soulager les personnes en fin de vie et les femmes lors de l’accouchement. Dans les années 90, les chercheurs ont mis le doigt sur le mécanisme d’action de cette plante: le système endocannabinoïde (ECS). Nous possédons en effet tous dans nos systèmes nerveux et immunitaire des récepteurs dédiés au cannabis. Nous produisons d’ailleurs notre propre molécule cannabinoïde, l’anandamide, qui intervient notamment dans la modulation de la mémoire, des émotions, de la douleur. Une molécule qu’on trouve aussi dans... le chocolat.

CBD ET THC

Ce système endocannabinoïde est donc sensible aux « phytocannabinoïdes » que contient le cannabis et dont les deux plus connus sont le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Le THC est responsable des effets psychoactifs bien connus de la plante. Mais depuis peu, en Belgique, des produits formulés essentiellement à base de CBD sont vendus légalement dans des boutiques spécialisées et, depuis le 10 février dernier, en pharmacie. Ces produits sont également disponibles sur de nombreux sites internet. Ils se présentent sous forme de fleurs de cannabis, d’e-liquid, d’extraits pour tisane, etc. La plupart ne sont donc pas destinés à être fumés mais consommés par voie orale. S’ils n’entraînent pas de « trip », ils peuvent avoir un effet relaxant, que certaines personnes recherchent pour lutter contre le stress, les insomnies, etc. Certaines données scientifiques indiquent par ailleurs que le CBD présenterait de réelles propriétés antidouleur, anti-inflammatoires, anxiolytiques, antidépressives, antipsychotiques, antiépileptiques, neuroprotectives et anti-tumorales.

L’OMS considère de son côté que le CBD ne présente pas de dangerosité (faible toxicité, pas de tolérance, pas de potentiel d’abus). « Le CBD présente très peu d’effets indésirables, confirme le Dr Jan Tytgat, toxicologue à la KULeuven. Mais en revanche, nous manquons d’études qui prouvent son efficacité contre la douleur ou dans des pathologies comme Alzheimer ou Parkinson. Le plus dangereux me paraît de lui prêter des vertus contre le cancer. »

Jusqu’à aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique n’a manifesté qu’un faible intérêt pour les molécules issues des plantes de cannabis. Il semble exister une sorte de réticence morale à investir dans ce qui a longtemps eu la réputation d’une drogue à usage purement récréatif. Le business pourrait pourtant s’avérer juteux... Seuls deux médicaments sont actuellement présents sur le marché belge, avec des indications très limitées. Le premier est le Sativex, un spray buccal formulé à base de THC et de CBD. Ce produit n’est remboursé que dans le traitement des spasmes liés à la sclérose en plaques. Il doit être prescrit par un neurologue et délivré par une pharmacie d’hôpital. En dehors de ces conditions, il faudra débourser quelque 466 € pour 30 ml...

L’autre médicament est l’Epidiolex® qui contient 98 % de CBD et permet de traiter les épilepsies réfractaires aux traitements classiques. « Je suis convaincu que nous allons dans le bon sens en développant des médicaments à base d’une combinaison de THC et de CBD, même s’il ne faut pas y voir la panacée pour guérir toutes les maladies », poursuit le Dr Jan Tytgat.

LA BELGIQUE CONSERVATRICE

Depuis longtemps, les médecins spécialistes de la douleur constatent que le cannabis est capable de soulager une partie de leurs patients, en particulier en cas de douleurs chroniques liées au cancer, à la fibromyalgie, etc. Beaucoup d’entre eux sont pourtant réticents à en parler dans les médias, car vanter les vertus du cannabis les mettrait en porte-à-faux avec la loi, sans compter les enjeux liés à l’industrie pharmaceutique pour laquelle la douleur est une poule aux oeufs d’or. Mais ce n’est pas un secret : certains patients souffrant de douleurs chroniques se tournent vers le commerce de rue, tels les fumeurs de joints  » classiques « . Ils s’y procurent du cannabis issu de cultures clandestines, dont on ignore la teneur en engrais et herbicides, et qui alimente par ailleurs le circuit de l’argent sale... «  Je ne cautionne pas mais je peux comprendre que lorsque vous avez des douleurs insupportables ou qu’un de vos proches est dans ce cas, vous soyez tenté de vous procurer du cannabis de cette manière », commente le Dr Jan Tytgat.

Car voilà : les huiles de CBD, c’est bien beau, mais apparemment bien moins efficaces contre la douleur que les produits présentant une combinaison de CBD et de THC. Or, en Belgique, seuls les produits contenant moins de 0,2% de THC sont autorisés. « En Belgique, nous sommes très conservateurs. Aux Pays-Bas et en Allemagne, on trouve légalement quatre produits très populaires, qui se présentent sous forme de fleurs séchées: le Bedrocan, le Bediol, le Bedrobinol et le Bedica. Le Bediol contient par exemple 6% de THC et 7,5% de CBD. Je suis personnellement très favorable à cette formulation, car les données les plus récentes montrent que c’est la combinaison des deux molécules qui est la plus efficace. « 

En Belgique, où les produits contenant plus de 0,2 % de THC sont interdits, le Bediol est considéré comme une drogue. Et si les pharmaciens belges ont l’autorisation de formuler de manière magistrale des produits qui contiennent du CBD, eux non plus ne peuvent pas utiliser le THC... Autrement dit, en l’état actuel des choses, les seuls produits légaux sont aussi probablement les moins efficaces...

 » En tant que scientifique, il me semble nécessaire de favoriser le développement de traitements qui contiennent à la fois du CBD et du THC. J’espère donc que la législation belge évoluera vers plus souplesse, conclut le Dr Jan Tytgat.

Que dit la loi?

Le cannabis est interdit par la loi belge de 1921 sur les stupéfiants. Mais depuis 2017, la Belgique est également soumise à un règlement européen selon lequel la culture du chanvre est autorisée si elle contient maximum 0,2% de THC: s’il répond à ces conditions, le cannabis échappe donc à l’application de la loi de 1921. Les produits à base de CBD vendus dans les shops ou sur internet sont donc bien légaux.

Cependant, ces produits sont aussi soumis aux règlements sur les denrées alimentaires. Or, les autorités européennes n’ont pas encore autorisé ce  » nouvel aliment « . Si la vente de tisanes, huiles ou bonbons à base de CBD est donc autorisée, les vendeurs ne sont pas censés dire comment il faut les consommer. Les fleurs de cannabis, jusqu’à preuve du contraire, sont donc destinées à un usage purement décoratif !

Contenu partenaire