Les antidépresseurs servent à tout !

Un médicament, un seul usage ? Pas toujours ! Ainsi, les antidépresseurs ne soignent pas seulement les troubles dépressifs. Au fil du temps, on leur a en effet découvert d’autres propriétés. Quelques exemples...

Table des matières:

Ai-je été bien compris ? « , se demande le patient, qui, ayant parlé à son médecin de douleurs chroniques ou de phobie sociale, se voit prescrire un antidépresseur...  » Je ne suis pas dépressif ! « 

Certes ! Mais les antidépresseurs ne soignent pas que la dépression. Com-me d’autres médicaments, ils se sont révélés utiles dans des situations très diverses, parfois bien différentes de celles prévues à l’origine.

D’ailleurs, les premiers antidépresseurs ont eux-mêmes été découverts par hasard, dans les années 50. En effet, les antidépresseurs tricycliques sont nés de la recherche sur les anti-histaminiques. « On a découvert que ces anti-histaminiques avaient aussi une activité antidépressive « , rappelle le Dr Serge Gozlan, psychiatre et psy-chothérapeute au CHU Brugmann à Bruxelles. Une autre famille d’antidépresseurs, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), a vu le jour de manière similaire, d’après l’observation qu’un médicament antituberculeux (l’isoniazide) améliorait l’humeur de certains des patients déprimés.

Puis, au fil du temps, les antidépresseurs ont montré des effets secondai-res intéressants et, dès lors, de nouvelles indications thérapeutiques. Se faire prescrire un antidépresseur ne signifie ni que vous êtes dépressif, ni que votre médecin ne vous a pas compris.

Pour les troubles anxieux

Les antidépresseurs ont montré leur efficacité dans le traitement des troubles anxieux, à l’exception des phobies spécifiques (araignées, sang...). Parmi, on retrouve, entre autres :

  • Le trouble obsessionnel compulsif (TOC)
    Il se caractérise par la survenue d’obsessions (risque d’erreur, de contamination, de faire du mal...) et de compulsions récurrentes (vérifier si une porte bien fermée, se laver les mains...). « Le patient accomplit ces actes pour tenter de diminuer l’anxiété provoquée par ces obsessions », explique le Dr Gozlan.
  • Le trouble panique
    Il ne s’agit pas d’une attaque de panique isolée, mais d’attaques récurrentes, avec parfois une agoraphobie.  » C’est la peur de ne pas pouvoir être secouru en cas de crise d’angoisse. La personne se demande qui va l’aider, en cas de besoin, qu’elle soit au milieu d’une foule ou en rase campagne. « 
  • Le trouble anxieux généralisé
     » C’est avoir peur de tout, tout le temps : être en permanence en état d’hypervigilance, d’alerte, d’appréhension, de tension, et s’inquiéter même (et surtout) si tout va bien. « 
  • La phobie sociale
     » Il s’agit d’une timidité excessive, handicapante, avec des répercussions psychologiques, sociales, professionnelles et affectives, pour la personne qui en souffre. Cette souffrance est permanente. Vivre dans l’ombre est alors bien tentant, mais cette protection devient peu à peu oppressante. « 
  • L’état de stress post-traumatique (ESPT)
     » C’est un trouble anxieux qui apparaît suite à un événement traumatisant, dont on a été victime ou témoin. Il y a un ensemble de symptômes d’allure à la fois dépressive et anxieuse. « 

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Pour la douleur chronique

On a reconnu à certains antidépresseurs une action antalgique, utile dans le cas des douleurs chroniques qui ne répondent pas aux antidouleurs classiques. Il s’agit essentiellement d’un dérivé antidépresseur tricyclique : l’amitriptyline.

  • Les douleurs du zona
    L’antidépresseur ne traite à proprement parler pas le zona (maladie virale), mais agit sur les douleurs qui persistent chez certains patients après la phase aiguë, appelées « douleurs post-zostériennes ». « Les nerfs atteints par le virus restent douloureux, explique le Pr Michel de la Brassinne, chef du service de dermatologie du CHU de Liège. Cette douleur peut être intense. Or la douleur est subjective : elle a tendance à augmenter avec le fait qu’on la ressent mal. Et plus la douleur persiste, plus le seuil de la douleur diminue. Grâce aux antidépresseurs, on ressentira moins la douleur, on  » casse  » ainsi ce cercle vicieux. « 
  • Le diabète
    « Après 20 ans de diabète, par exemple, des complications peuvent parfois apparaître, comme la polynévrite, qui atteint les nerfs des mains et surtout des pieds et des jambes, donnant une sensation de brûlure, explique le Pr Jean-Marie Maloteaux, neuropsychiatre, professeur de pharmacologie à l’UCL. C’est une douleur neuropathique : le nerf est malade, il faut donc un mécanisme d’action différent de l’antidouleur classique. Certains antidépresseurs, dont l’amitriptyline, agissent sur ce type de douleur. « 
  • Le reflux gastro-oesophagien
    Les antidépresseurs peuvent soulager certains patients souffrant de reflux gastro-oesophagien. « Cela est vrai pour des patients qui n’ont pas trop de reflux, ou en tous cas pas d’oesophagite, et dont les symptômes répondent mal aux traitements classiques, précise le Dr Hubert Louis, du service de gastro-entérologie de l’Hôpital Erasme. Les antidépresseurs tricycliques peuvent alors être utiles, à faible dose, sur une longue durée (plusieurs mois). Ils sont associés à un traitement anti-sécrétoire pour diminuer ou supprimer le reflux acide. « 
  • Le syndrome du côlon irritable
    Ce trouble fonctionnel se caractérise par des douleurs abdominales, des diarrhées ou de la constipation. Les antidépresseurs tricycliques peuvent avoir un effet antalgique sur ce type de douleurs.

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Des effets secondaires à exploiter

En dehors des troubles anxieux et des douleurs chroniques, les antidépresseurs ont trouvé une utilité parfois inattendue : certains de leurs effets secondaires ont donné des idées aux médecins...

  • Arrêter de fumer
    Si, aux Etats-Unis, le buproprion (Zyban) est largement utilisé comme antidépresseur, en Belgique, il est enregistré pour le sevrage tabagique. « Cet effet sur le sevrage tabagique a été observé de manière accidentelle, raconte le Pr Pierre Bartsch, président du Fares (Fonds des affections respiratoires). Un médecin de New York a constaté une diminution de l’intérêt pour la cigarette chez ses patients dépressifs traités par le buproprion. Cet effet a ensuite été confirmé par des études. Que l’on soit dépressif ou pas, le buproprion constitue une aide au sevrage tabagique. « 
    Au contraire, la nortriptyline (Nortilen), un antidépresseur tricyclique, n’est pas enregistrée en Belgique dans le cadre du sevrage tabagique. Pourtant, des études ont montré son efficacité dans ce domaine.
    Et toujours chez les fumeurs, il semblerait que le Prozac diminue le risque d’infarctus...
  • Retarder l’éjaculation précoce
    Des problèmes d’éjaculation précoce ? Les antidépresseurs peuvent vous aider ! Les antidépresseurs du groupe des « inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine ou ISRS  » ont pour effet secondaire de retarder l’éjaculation. Pour certains patients, ce sera un effet indésirable. Mais on peut aussi exploiter cette caractéristique dans un but thérapeutique, chez les hommes se plaignant d’éjaculation précoce. Pour eux, ce retard sera bienvenu.
  • Les troubles du sommeil
    Certains patients sous anti-dépresseurs se plaignent de somnolence excessive. Cet effet indésirable sera au contraire utile chez les personnes souffrant de troubles du sommeil, notamment en cas de réveils nocturnes multiples. Le recours aux antidépresseurs sédatifs (tous ne le sont pas) les aidera à passer une nuit moins agitée.

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Des mécanismes parfois flous

Le mécanisme d’action des antidépresseurs dans les situations que nous venons d’évoquer est complexe. Leurs effets positifs sont souvent constatés, sans que l’on puisse toujours très bien les expliquer. On ne peut qu’observer l’amélioration des troubles anxieux, la diminution de la douleur chronique, etc.

« Pour les TOC, la boulimie nerveuse, tout ce qui relève de l’impulsivité, il y a un lien avec un neurotransmetteur : la sérotonine, explique le Dr Gozlan. Les antidépresseurs permettent d’atténuer les symptômes. Si le mécanisme d’action du médicament est connu (inhibition de la recapture d’un neurotransmetteur, blocage de récepteur...), on ne comprend pas toujours la façon précise dont il se répercute sur les processus émotionnels et cognitifs. Mais on en observe l’efficacité. « 

C’est aussi le cas pour les bouffées de chaleur de la femme ménopausée ou pour le syndrome prémenstruel sévère, avec troubles de l’humeur, sur lesquels les antidépresseurs ISRS ont un effet positif, bien que leur mécanisme d’action reste inconnu.

Dans certains cas, il peut aussi y avoir une dépression associée, notamment pour les troubles anxieux, les troubles du sommeil ou chez les fumeurs, par exemple. « Entre 20 % et 30 % des gens qui essaient d’arrêter de fumer présentent des symptômes dépressifs, qui sont une cause de rechute, souligne le Pr Bartsch. Le tabagisme n’est peut-être que la partie émergée d’un iceberg. Les causes de dépendance psychologiques sont importantes, il n’y a pas que la dépendance nicotinique. « 

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Un suivi rigoureux

En général, le recours aux antidépresseurs se fera sur le long terme, de 6 à 12 mois, et sera arrêté progressivement. « Il est important de prévenir le patient des inconvénients (problèmes digestifs, sexuels,...) qu’il peut rencontrer, en particulier au début du traitement précise le Pr Maloteaux. Ainsi averti, il aura davantage tendance à continuer son traitement. Il n’y a pas de vraie dépendance avec les antidépresseurs, mais la possibilité de réapparition des symptômes à l’arrêt. « 

Une psychothérapie peut être associée au traitement médicamenteux, pour l’accompagner et pallier les effets de son arrêt. Le dialogue entre médecin et patient est essentiel.

 » Cela vaut la peine de bien parler avec le patient, souligne le Dr Gozlan, de prendre le temps de discuter avec lui du choix d’une stratégie psycho- ou/et pharmaco-thérapeutique. Je lui demande son avis, ses questions, ses remarques. Je l’informe aussi que la psychothérapie, comme la thérapie cognitive et comportementale, peut être une aide, en plus des médicaments.

L’avantage des antidépresseurs sur la psychothérapie, c’est que leur effet est plus rapide (deux ou trois semaines) et qu’il peut permettre de soulager un minimum pour entamer une psychothérapie. On a rarement des résultats aussi rapides en psychothérapie. Par contre, celle-ci demande au patient de travailler son changement de comportement, d’adapter certaines de ses façon de penser, de voir les choses, d’en ressentir les émotions. Du coup, une fois que ces changements s’installent, ils sont acquis, il n’y a pas de risque de sevrage à l’arrêt de la thérapie. Alors que pour les médicaments, dans l’année qui suit l’arrêt du traitement, les risques de rechutes sont relativement élevés. D’où l’intérêt de l’association des deux. « 

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Bon à savoir...

  • Pour la douleur chronique, une à deux semaines sont nécessaires pour observer une diminution des symptômes.
  • Pour les troubles anxieux, le délai est un peu plus long et le patient peut d’abord constater une légère aggravation.
  • Il y a un risque d’interaction entre l’antidépresseur et d’autres médicaments. Vérifiez avec votre médecin.
  • Un antidépresseur doit être pris régulièrement, tous les jours, pour être efficace.
  • Il est habituellement prescrit pour un minimum de six mois.

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