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Le reflux, ce feu intérieur

Souvent qualifié de  » brûlant  » ou de  » brûlures d’estomac « , le reflux gastro-oesophagien est un phénomène désagréable mais très courant. Pour autant, mieux ne vaut pas trop sous-estimer cette pathologie.

1. Le reflux gastro-oesophagien, c’est quoi ?

Le reflux gastro-oesophagien est une remontée du contenu de l’estomac vers l’oesophage. En théorie, la digestion est un mécanisme à sens unique. Le bol alimentaire transite par l’oesophage, avant d’arriver dans l’estomac où il est dissout par des sucs gastriques très acides. Or, si l’estomac est bien protégé de cette acidité corrosive par un mucus, ce n’est pas le cas de l’oesophage. Les deux organes, bien que contigus, sont donc séparés par une  » valve  » qui laisse descendre les aliments mais empêche le passage en sens inverse.  » Cette zone de haute pression est composée d’un muscle circulaire, le sphincter, entouré de structures du diaphragme, détaille le Pr Edouard Louis, hépato-gastroentérologue et chef de service de gastro-entérologie au CHU de Liège. A l’état de repos, elle doit normalement être fermée. « 

10% de la population souffre de reflux au moins une fois par semaine.

Mais le sphincter peut rester entrouvert et laisser passer des remontées acides, à cause d’une hernie hiatale, de la pression intra-abdominale ou d’éléments favorisant la relaxation du sphincter (alcool, sucre, médicaments, café, tabac...). Comme l’oesophage possède des récepteurs à l’acidité, ce reflux s’accompagne généralement d’une désagréable sensation de brûlure ; il peut aussi déboucher sur des lésions au bas de l’oesophage (oesophagite) et des régurgitations acides.

 » Reste que lésions et sensation de brûlure ne sont pas nécessairement corrélées : certaines oesophagites sont asymptomatiques (indolores) tandis que des personnes peuvent souffrir fortement du brûlant sans avoir d’oesophagite... « 

2. A partir de quel moment s’en inquiéter ?

Bien que souvent désagréable, le reflux gastrooesophagien ne doit pas susciter trop d’inquiétude.  » Jusqu’à un certain degré, il s’agit même d’un phénomène physiologique, rassure le Pr Edouard Louis. Il est extrêmement fréquent : une étude a déterminé que 10 % de la population belge souffre de reflux au moins une fois par semaine ; bien davantage de temps à autre. Chez la majorité, cela ne portera pas à conséquence. « 

Au niveau des brûlures d’estomac (la sensation de  » brûlant  » à proprement parler), le reflux n’est considéré comme pathologique que lorsqu’il entraîne une douleur régulière intense, invalidante, qui se traduit par une altération de la qualité de vie.  » C’est donc au patient de ressentir à quel point il en souffre et de prendre la décision d’une thérapie.  » En ce qui concerne l’autre grande conséquence possible du reflux, l’oesophagite, les choses sont un peu différentes. Passé 50 ans, en cas de reflux persistant et même si celui-ci n’est pas trop handicapant, il est recommandé de faire une gastroscopie de diagnostic afin de s’assurer de l’absence d’oeso-phagite sévère.  » C’est que celle-ci peut évoluer vers des saignements, un rétrécissement, voire vers un  » oesophage Barett « , un remaniement de la surface de l’organe qui prédispose au cancer. Mais le risque de développer cette pathologie reste très limité. « 

3. Comment traiter le reflux ?

Plutôt que de contrer les symptômes, il est plus intéressant de traiter le problème à son origine, en mettant en place quelques mesures hygiénodiététiques : limiter la consommation d’alcool et de café, cesser de fumer, éviter les repas pantagruéliques, perdre du poids...  » Après un repas, on peut aussi conseiller d’attendre un peu avant d’aller se coucher : pour des raisons mécaniques, la position allongée facilite le reflux.  » Bien souvent, mais pas toujours, ces simples changements suffisent à diminuer drastiquement l’occurrence et l’intensité du reflux.

Au niveau des symptômes, les médicaments antiacides en vente libre permettent de stopper rapidement et efficacement la sensation de brûlant.  » Ce sont des bases, elles provoquent une réaction chimique qui neutralise l’acidité, confirme le gastroentérologue. Ceci dit, l’efficacité est d’une courte durée et n’a aucun impact sur les lésions, elle ne leur permettra pas de cicatriser. Ces médicaments conviennent donc bien à un malade qui n’a pas (ou pas trop) de lésions et qui souffre occasionnellement de reflux.  » Bon à savoir : le bicarbonate de soude a exactement le même effet que les antiacides vendus dans le commerce, mais il est bien moins cher. Une cuiller à café diluée dans un verre d’eau suffit souvent.

Enfin, en cas de reflux persistant ou de lésions importantes, un traitement de fond à base, le plus souvent, d’inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) peut être envisagé.  » Ces médicaments ne neutralisent pas l’acide mais inhibent sa sécrétion. Il est très rare qu’un patient n’y réponde pas, ils sont super efficaces, très bien tolérés, mais on essaye d’éviter d’en faire un médicament utilisé sur le long terme quand ce n’est pas nécessaire. C’est qu’il n’est jamais trop bon de prendre un médicament en continu toute sa vie, même si, ici, les effets secondaires (ostéoporose, infections digestives...) sont peu fréquents. « 

4. Peut-on diminuer l’acidité de l’estomac par l’alimentation ?

Très souvent, on entend dire que certains aliments ont un impact sur l’acidité de l’estomac et, partant, l’intensité du brûlant, voire l’acidité des selles. En réalité, si certains aliments favorisent une mauvaise fermeture du sphincter oesophagien et le reflux (par ex. l’alcool, les sucres rapides, le café mais aussi la tomate, les épices, le chocolat ou la menthe), aucun ne fera varier le PH de votre estomac.

 » Le PH gastrique normal, à jeun, descend à deux, détaille le Pr Louis. Que vous optiez pour un régime alcalin ou que vous buviez du citron ou du vinaigre, cela n’aura aucun impact sur l’acidité de votre corps ou de l’estomac. La capacité d’acidification de cet organe dépasse tout ce que vous pourriez manger ou boire, et tout cet acide est ensuite neutralisé par le duodénum à la sortie de l’estomac.  » Ceci étant, en cas d’oesophagite, la consommation d’aliments ou de boissons acides risque d’être douloureuse, suite à leur passage sur des tissus lésés ou enflammés.

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