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Le fructose : ami ou ennemi ?

Comme son nom l’indique, le fructose est un sucre naturellement présent dans les fruits. Parfois présenté comme un  » édulcorant naturel « , il est aussi de plus en plus utilisé par l’industrie agro-alimentaire. Faut-il s’en méfier, ou peut-on le consommer les yeux fermés ?

Quand on parle de sucre, on fait généralement référence au saccharose : tiré de la canne ou de la betterave, c’est celui qu’on rencontre le plus fréquemment à l’état  » brut « , sous forme de sucre de table blanc ou de cassonade.  » Mais en réalité, il existe énormément de sucres différents, précise d’emblée Serge Pieters, professeur de diététique à l’Institut Paul Lambin. Il existe des sucres simples, composés d’une seule molécule (glucose, fructose, galactose...), et des sucres complexes (maltose, lactose...), dans lesquels plusieurs molécules sont liées. « 

Le saccharose est lui-même composé de deux sucres simples : le glucose – le carburant préféré de notre organisme et de notre cerveau – et le fructose. Ce dernier se retrouve également sous forme de sucre simple dans les fruits et dans le miel, qui en contiennent respectivement jusqu’à 10 et 40 %.

D’un premier abord, le fructose semble intéressant à plus d’un titre. C’est que, contrairement au glucose, il s’agit d’un sucre à indice glycémique bas : en consommer n’entraîne pas de hausse rapide du taux de sucre dans le sang. Mieux : pris isolément, son pouvoir sucrant est supérieur au saccharose, il faut donc en utiliser moins pour obtenir la même saveur sucrée.  » A ce titre, le fructose semblait une excellent alternative au saccharose pour les diabétiques, explique Serge Pieters. Pendant tout un temps, on a créé énormément de produits spécifiques sucrés au fructose, comme du chocolat ou des biscuits. On peut le considérer comme l’un des premiers édulcorants.  » On en trouve toujours dans le commerce sous forme de poudre ou de sirop : le sirop d’agave, par exemple, est un édulcorant végétal riche en fructose.

Depuis lors, on s’est toutefois rendu compte que consommer des aliments enrichis en fructose n’était pas si anodin. Aujourd’hui, c’est même déconseillé, qu’on soit diabétique ou non.  » Le fructose consommé  » raisonnablement  » (moins de 50g/jour) n’est pas pire que le glucose ou le saccharose, précise le Dr Alexandra Gallez, médecin nutritionniste. Mais comme il n’y a pas de régulation de l’absorption intestinale, rénale et hépatique du fructose par l’insuline, sa consommation en quantités excessives (plus de 60-70g/jour) engendre sa transformation en glucose au niveau des reins et en triglycérides au niveau du foie. Il s’ensuit une élévation de la glycémie et de la résistance à l’insuline, ainsi qu’une augmentation du taux de graisses circulants dans le sang. Le fructose peut donc, dans ce contexte d’excès, être pourvoyeur de maladie cardiovasculaire et de diabète de type 2. « 

A cela, il faut ajouter que le fructose n’est pas caloriquement neutre (il apporte autant de calories que le saccharose) et que, consommé en grandes quantités, il peut avoir un effet laxatif. On le suspecte également d’être hépato-toxique et de potentiellement favoriser des maladies telles que la stéatose hépatique, aussi connue sous le nom de  » foie gras « , qui se caractérise par une inflammation et une fibrose de l’organe. Sur ce dernier point, il convient cependant de rester circonspect, car cet effet n’a pas été démontré de façon irréfutable.

Une consommation inconsciente ?

S’il n’est clairement plus à recommander, le fructose  » ajouté  » se cache parfois où on ne l’attend pas. Il est de plus en plus utilisé par l’industrie agro-alimentaire pour la confection d’aliments transformés ou de boissons, notamment sous forme de sirop de maïs (parfois aussi nommé sirop de glucose-fructose). C’est que, pour certains industriels, ce produit n’a que des avantages, couplant coût de fabrication très bas et fort pouvoir sucrant.  » On en retrouve dans des limonades, des biscuits, mais aussi dans des plats préparés salés : le sucre permet d’en intensifier les saveurs « , détaille Serge Pieters. Encore une fois, mieux vaut donc jeter un oeil à la liste des ingrédients avant d’acheter un produit ! Faut-il pour autant bannir tous ces mets transformés riches en fructose ?  » En diététique, on part du principe qu’il n’y a pas d’aliments interdits. Mais certains, comme ceux-ci, ne peuvent être consommés qu’en petites quantités, juste pour se faire un petit plaisir de temps à autres.  » Du reste, puisque le saccharose est dégradé par notre organisme en glucose et en fructose,  » Mieux vaut respecter les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à propos des apports en sucre, enjoint le professeur de diététique. A savoir : l’apport en sucres libres devrait représenter moins de 5 % des apports énergétiques totaux.  » Soit l’équivalent de six cuillères à café de sucre par jour, tous aliments confondus. Là encore, attention aux sucres cachés !

Reste la question des fruits : la présence de fructose en fait-elle des aliments à limiter/éviter ?  » Rappelons que selon les recommandations nutritionnelles, il est conseillé de consommer deux portions de fruits par jour, répond le Dr Gallez. La consommation de fruits n’est donc pas conseillée  » à volonté « , notamment en raison de leur teneur en glucides, dont le fructose. Bien que ce dernier ne soit pas ingéré seul mais en même temps que des fibres, vitamines et minéraux bénéfiques pour la santé, le fructose des fruits garde les mêmes propriétés métaboliques que celui contenu dans les boissons sucrées industrielles. Cinq pommes apporteront, grosso modo, la même quantité de fructose que 3 canettes de coca. Mais la sensation de satiété sera bien moindre avec le soda pour un index glycémique bien plus élevé !  » Ce n’est donc pas sur les fruits qu’il faut faire l’impasse. Ouf !

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