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La sclérose en plaques, une maladie auto-immune à multiples facettes

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique incurable du système nerveux central qui se traduit par une inflammation endommageant les nerfs et leur gaine de myéline. La maladie entraîne divers symptômes tant visibles qu’invisibles et son évolution est imprévisible et très variable d’un patient à l’autre.

Le système immunitaire a été éduqué à repousser les attaques provenant d’agents extérieurs tout en respectant nos propres tissus. Pour ce faire, des cellules spécialisées ont en mémoire des milliers d’agents étrangers identifiés et détruits au cours de l’évolution pour nous protéger. En même temps, elles ont été éduquées à identifier et tolérer nos propres tissus. Suite à la perte de cette tolérance, le système immunitaire reconnaît comme étrangers certains composants de l’organisme et les détruisent, provoquant ainsi une maladie auto immune.

Ces maladies peuvent être spécifiques de certains organes, la sclérose en plaques (SEP) étant celle qui vise le système nerveux central, qui est composé du cerveau, du cervelet, de la moëlle épinière et des nerfs optiques. Le système immunitaire attaque la gaine (myéline) qui entoure les fibres nerveuses (axones) et/ou les cellules qui la fabriquent (oligodendrocytes), ce qui crée des zones de démyélinisation (les plaques).

Plusieurs formes d’évolution

La maladie débute généralement (dans 85 % des cas) par une phase aiguë avec poussées et rémissions totales ou partielles. Dans 10 à 15 % des cas, elle est d’emblée progressive, sans aucune poussée détectable. Durant les 30 années qui suivent un début aigu sous forme d’une poussée, un tiers des patients évoluera vers une phase dégénérative progressive sans poussées, un tiers gardera une forme avec poussées et accumulation de séquelles handicapantes, et un tiers ne présentera que des déficits légers ou minimes tant sur le plan physique que cognitif. Il est malheureusement encore impossible de prévoir en début de maladie l’évolution à 30 ans sur un plan individuel, d’où l’importance d’un traitement précoce et systématique, sauf exception.

Initiée par des globules blancs provenant de la circulation sanguine (essentiellement des lymphocytes), l’agression immunitaire mobilise rapidement d’autres cellules situées dans le SNC (cellules microgliales et macrophages), provoque une réaction inflammatoire, et constitue la phase « aiguë » de la maladie. Sur le plan clinique, la personne atteinte présente des troubles neurologiques qui varient en fonction de la localisation des plaques de démyélinisation. Cette inflammation se résorbe spontanément en quelques semaines, et le patient récupère complétement ou partiellement de ses déficits. Il a donc fait une « poussée » puis est entré en rémission.

Visualiser les plaques

L’Imagerie du cerveau par la Résonance Magnétique (IRM) permet de « voir » ces lésions et nous a appris qu’elles surviennent beaucoup plus souvent que les poussées cliniques car elles peuvent être localisées dans des zones dites « muettes ». Ces lésions, avec ou sans poussées cliniques, apparaissent ensuite à des intervalles imprévisibles. Leur accumulation entraîne des lésions irréversibles du SNC qui se traduisent par un handicap physique et/ou cognitif de plus en plus important. L’IRM nous a permis aussi de nous rendre compte que déjà lors des toutes premières poussées inflammatoires, non seulement les gaines de myéline étaient détruites, mais les fibres nerveuses contenues dans ces gaines pouvaient être elles-mêmes sectionnées. Ces « transsections » axonales provoquent une dégénérescence aussi bien en aval qu’en amont, jusqu’à induire la mort de la cellule nerveuse dont l’axone a été sectionné. Cette dégénérescence se poursuit sur plusieurs mois bien longtemps après l’inflammation aiguë. Comme notre cerveau contient un surplus d’un grand nombre de fibres nerveuses, il peut initialement compenser ces pertes axonales et ces zones de démyélinisation où la vitesse de conduction nerveuse est réduite de 90 %.

Au-delà d’un certain seuil critique, des déficits irréversibles s’installent progressivement, après 3 ans déjà dans les formes agressives de la maladie, après 15 ans d’évolution en moyenne, et jamais dans les formes dites « bénignes ». Les mécanismes de l’inflammation se modifient aussi, et on observe une inflammation à bas-bruit, insidieuse, chronique. Cette inflammation chronique est connue grâce à l’analyse des plaques au microscope, mais est difficile à détecter par l’IRM.

(Source : Fondation Charcot)

Facteurs héréditaires et environnementaux

La cause de la sclérose en plaques est encore inconnue. Il peut s’agir d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux.

La sclérose en plaques ne peut être transmise directement d’un parent à un enfant. En d’autres termes, il n’existe pas de gène unique qui mène à la SEP. Les gènes jouent pourtant bien un rôle. Plus de 200 gènes favorables au développement de la SEP ont été identifiés. Vous n’êtes donc pas né avec la SEP, mais vous êtes né avec une prédisposition génétique à la maladie.

Des scientifiques de par le monde cherchent systématiquement des « déclencheurs » qui peuvent provoquer la SP. Ils examinent donc l’influence des modes de vie et des facteurs environnementaux tels que, entre autres choses :

  • Les Infections
  • La Vitamine D
  • Fumer

Plusieurs organismes infectieux tels que l’herpèsvirus humain de type 6 et le virus Epstein-Barr (fièvre glandulaire) sont associés à la SEP depuis longtemps, mais un lien de causalité clair n’a pas encore été établi. Cependant, la plupart des personnes infectées par ces virus ne développeront jamais la SEP. Cela montre que les virus, comme les gènes, ne sont qu’une partie du puzzle.

Récemment, plusieurs études qui indiquent que la vitamine D pourrait jouer un rôle dans le développement de la SEP ont été publiées. La vitamine D semble avoir un effet « calmant » sur le système immunitaire et peut donc protéger de la SEP.

Des études montrent que le tabagisme augmente le risque de SEP. La fumée de cigarette peut contenir des substances nocives pour le système immunitaire. Fumer mène à une forme plus agressive de la SEP. Le tabagisme passif est également lié à un risque plus élevé de SEP.

Le traitement de la sclérose en plaques

Le professeur Dubois, spécialisé dans le traitement de la sclérose en plaques en tant que neurologue et affilié à l’UZ Leuven, explique : « Dans la SEP, il faut distinguer d’une part les traitements visant à améliorer certains symptômes. Nous les utilisons depuis de nombreuses années et ils n’ont aucune influence sur l’évolution de la maladie. Il n’y a d’ailleurs pas eu d’évolution notable récente dans ce domaine. D’autre part, il y a également les traitements qui, eux, ont un impact sur l’évolution de la maladie. Dans ce cas-ci, on remarque des progrès ces dernières années.

Dans l’évolution de la SEP, nous distinguons deux éléments : la SEP récurrente-rémittente et la SEP primaire progressive. Il reste encore un long chemin à parcourir en ce qui concerne le traitement de la phase progressive de la maladie.

Afin de prévenir la SEP récurrente-rémittente, de nombreux nouveaux produits ont été ajoutés au cours des 10-15 dernières années, de sorte que nous avons maintenant plus de 10 produits différents, dont certains sont plus puissants (plus de 30% de réponse – comme c’était le cas avec les traitements précédents). La méthode d’administration est également différente (auparavant il y avait seulement des injections, maintenant on a aussi des pilules, des infusions,...).

Le défi que nous rencontrons désormais : quel produit prescrire? Et sur la base de quels critères faire ce choix ? D’autres recherches dans ce domaine ont encore beaucoup à nous apprendre.

L’effet commun à tous les traitements est l’inhibition de l’inflammation, mais chacun avec son propre mécanisme d’action. Certains des traitements les plus puissants réinitialisent en quelque sorte le système immunitaire. Mais vous ne devriez pas voir ça comme un remède complet. La phase progressive se poursuit.

Je pense qu’il y a encore deux défis importants à relever « , dit le professeur Dubois. « Tout d’abord, nous devons mieux savoir quel produit utiliser pour ralentir les poussées et chez qui l’utiliser. Des outils doivent être développés pour faire les bons choix. Nous ne voulons pas mal soigner les personnes atteintes de SEP, ni les exposer à des risques inutiles.

Deuxièmement, nous devons mieux comprendre la phase progressive de la maladie. Il y a encore trop peu de connaissance à ce sujet. On a espéré pendant un certain temps que la SEP primaire progressive resterait à l’écart aussi longtemps que vous pourriez supprimer la sclérose en plaques récurrente-rémittente, mais cela ne semble pas être le cas. La phase progressive semble avoir un mécanisme (au moins partiellement) indépendant. Peut-être que cette phase pourrait être évitée si nous parvenions à traiter la maladie très tôt. Mais pour l’instant, nous n’intervenons que lorsque la maladie est déjà claire. »

Modulation du système immunitaire

Le professeur Sindic, neurologue et président de la Fondation Charcot, ajoute : « Le traitement des poussées elles-mêmes se fait généralement avec des corticostéroïdes. L’administration la plus courante se fait par voie intraveineuse pendant 3 à 5 jours à l’hôpital de jour. Dans le passé, les immunosuppresseurs à large spectre étaient utilisés pour la prévention de nouveaux foyers, ce qui interrompait pratiquement le fonctionnement du système immunitaire. De nos jours, les traitements immunomodulateurs sont de plus en plus utilisés. Nous parlons d’immunomodulation parce que le fonctionnement du système immunitaire est modifié à des endroits cruciaux. L’objectif spécifique d’un tel traitement est de réduire le risque de poussées futures, la progression de l’invalidité par des poussées et la formation de nouvelles lésions. Nous faisons ici une distinction entre les traitements de première et de deuxième ligne. Pour la première ligne (début de la maladie, début du traitement), 4 types de molécules sont actuellement disponibles en Belgique :

  • Interféron ß : Betaferon®, Avonex®, Plegridy® et Rebif®, modulent une série de processus impliquant des lymphocytes activés ; administrés par injection sous-cutanée ou injection dans le muscle ;
  • Acétate de glatiramère : Copaxone®, administré par injection sous-cutanée 3 fois par semaine ; son action est basée sur une sorte de désensibilisation, l’injection active une population de lymphocytes anti-inflammatoires ;

Ces deux traitements sont utilisés depuis environ 20 ans et sont bien tolérés, sans effets secondaires graves à long terme.

Les deux nouveaux traitements de première ligne sont administrés par voie orale :

  • Tériflunomide : Aubagio®, 1 comprimé par jour ; ce médicament est dérivé d’un produit utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde ; la grossesse est une contre indication absolue ;
  • Diméthylfumaraat/BG-12 : Tecfidera®, 2 comprimés par jour ; dérivé d’un produit principalement utilisé en Allemagne pour le psoriasis.

Malheureusement, il est possible que ces traitements échouent. On parle de l’échec d’un traitement quand :

  • il y a une nouvelle poussée,
  • l’IRM montre au moins trois nouvelles lésions en un an.

Dans ce cas, il faut envisager de passer à un produit de deuxième ligne beaucoup plus agressif du point de vue immunologique. Ces produits ne sont disponibles qu’en pharmacie hospitalière et sont prescrits par un neurologue spécialisé dans la sclérose en plaques.

  • Natalizumab : Tysabri® est le plus ancien des produits de deuxième ligne ; c’est un anticorps monoclonal administré par perfusion toutes les 4 semaines ; il bloque une molécule présente sur les lymphocytes activés et les empêche de traverser la barrière hématoencéphalique. Il s’agit d’un produit qui fonctionne bien et qui, malheureusement, inhibe également un processus de défense physiologique qui, dans certains cas, cause une encéphalite causée par le virus John Cunningham. Les personnes qui sont porteuses de ce virus et qui reçoivent un traitement au natalizumab d’une durée de plus de 2 ans sont à risque d’encéphalite pour 1 personne sur 100. 50 % environ des personnes sont porteuses du virus.
  • Fingolimod : Gilenya®, inhibe également la circulation des lymphocytes inflammatoires non pas au niveau du cerveau, mais au niveau des lympheganglions ; le traitement est oral : 1 comprimé par jour. La première admission devrait avoir lieu à l’hôpital. Il faut également s’assurer que la personne possède suffisamment d’anticorps contre le virus de la varicelle.

Les 3 produits de deuxième ligne suivants sont nouveaux :

  1. Alemtuzumab : Lemtrada® est un anticorps monoclonal qui détruit un nombre de lymphocytes inflammatoires s’écoulant librement, qui est administré par perfusion pendant 5 jours, à nouveau l’année d’après pendant 3 jours et les années suivantes ne nécessitent plus de traitement, sauf dans un petit nombre de cas où une troisième cure est donnée. Cependant, ce produit a beaucoup d’effets secondaires possibles, donc un test sanguin mensuel doit être effectué pendant 5 ans. En raison du risque accru d’effets secondaires, ce produit ne doit être prescrit que lorsque deux autres traitements ont échoué.
  2. Cladribine : Mavenclad® semble interrompre la cascade des réponses immunitaires impliquées dans la SEP par l’intermédiaire des lymphocytes B et T. Ce médicament est administré par voie orale.
  3. Ocrelizumab : Ocrevus®, un anticorps monoclonal qui élimine certains lymphocytes B et est administré par perfusion tous les 6 mois.

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