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La météo influence-t-elle les douleurs articulaires?

Julie Luong

Dès que le temps est « à la pluie », votre arthrose vous fait souffrir davantage ? La science a démontré que le lien entre météo et douleurs articulaires n’était pas seulement une vue de l’esprit !

Comme six personnes sur dix souffrant de rhumatismes, vous redoutez peut-être l’intensification des douleurs liées au froid et à l’humidité. L’influence du climat et de ses variations sur l’arthrose est une croyance très ancienne, qui excède les frontières de notre pluvieuse Belgique. Ainsi, en Chine, les deux idéogrammes composant le mot « rhumatisme » signifient « vent » et « humide ». La télévision japonaise propose, elle, des émissions de « météo-santé » qui préviennent les spectateurs des douleurs auxquelles ils doivent s’attendre en fonction du temps.

Si les liens entre douleurs articulaires et météo sont bel et bien attestés dans la culture populaire, les médecins se sont longtemps interrogés sur leur fondement scientifique. Jusqu’il y a peu, les résultats des études étaient peu convaincants : impossible, en effet, pour les chercheurs de démêler les facteurs psychologiques – l’influence néfaste du mauvais temps sur notre humeur – et physiologiques. Et beaucoup évacuaient jusqu’il y a peu la question en faisant valoir la « sélectivité de notre mémoire » : lorsque nous cherchons une explication à ce qui nous arrive, nous avons tendance à isoler les éléments qui entérinent nos croyances plutôt que les indices contraires. Autrement dit : si j’ai mal et qu’il pleut, c’est à cause de la pluie; si j’ai mal quand il fait beau... c’est parce que j’ai mal !

Baromètres humains

Pourtant, au-delà d’une reconstruction a posteriori des causes et des effets, les personnes souffrant d’arthrose ont depuis longtemps témoigné du caractère « prédictif » de leur douleur : lorsqu’elle s’intensifie, c’est que la pluie ne va tarder à tomber ! Comme le chat qui se lèche avant l’orage, il semblerait donc que nous puissions nous transformer en véritables baromètres humains. « Ce sont des choses que les patients nous rapportent régulièrement. Mais depuis quelques années, de nouvelles études sont venues confirmer que les effets du temps sur les plaintes articulaires sont bel et bien réels, explique Anne Peretz, chef de clinique en rhumatologie au CHU Brugmann. Ces effets seraient directement liés à la pression barométrique et non à la température. » Les études montrent en outre que les variations de pression atmosphérique sont non seulement ressenties dans l’arthrose, caractérisée par une dégénérescence du cartilage, mais aussi dans la polyarthrite rhumatoïde, les spondylarthrites, la fibromyalgie et même les lombalgies.

« En 2014, une étude hollandaise réalisée dans six pays européens, de l’Angleterre à l’Espagne en passant par la Suède, a permis de montrer que la sensibilité à la météo existait chez certaines personnes, indépendamment de facteurs psychologiques comme l’anxiété ou la dépression mais aussi des facteurs de classe sociale ou de surcharge pondérale. Il existerait donc des facteurs physiologiques indépendants qui font que certaines personnes sont plus sensibles aux changements de pression atmosphérique – et ce même dans les pays chauds ! », explique la spécialiste. Quant à la nature des mécanismes en jeu, il faudra sans doute encore un peu de temps pour l’appréhender. « Il n’existe pas réellement d’études à ce sujet. L’hypothèse de la pression atmosphérique va cependant dans le sens d’autres études qui montrent que des contraintes mécaniques importantes exercées sur le cartilage ont une influence sur les douleurs articulaires. Cela entraîne notamment la synthétisation de certaines cytokines, des substances impliquées dans la réponse immunitaire. »

Reconsidérer les « croyances populaires »

Malheureusement, les études sur les liens entre météo et douleurs restent plutôt rares.  » Les techniques actuelles pourraient évidemment nous permettre de mieux comprendre ces liens mais comme ces études n’ont pas d’impact thérapeutique immédiat, elles demeurent tout à fait marginales. Aujourd’hui, en médecine, on assiste cependant à un véritable changement dans la manière dont on appréhende les patients : on fait beaucoup plus attention à leur vécu et à leur ressenti qu’avant « , explique encore le Dr Peretz.

L’époque où l’influence de la météo sur les douleurs était reléguée à des « histoires de bonnes femmes » est bel et bien révolue. Quant à savoir si s’exiler dans un pays chaud est une bonne option, la question reste ouverte. « La chaleur a pour effet de décontracter les muscles, de relâcher les tendons et d’augmenter la vascularisation. Cela peut avoir un effet positif mais les personnes qui vivent dans des climats plus chauds ne sont pas exemptes d’arthrose et subissent aussi les effets néfastes des changements de pression atmosphérique. En revanche, une chose est sûre : le soleil est bon pour le moral ! », conclut la spécialiste.

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