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L’épilepsie, maladie plurielle

En Belgique, 60.000 personnes souffrent d’épilepsie. Aujourd’hui encore, cette affection neurologique fait peur et véhicule son lot de préjugés négatifs. Une source de souffrance supplémentaire pour ceux qui en sont atteints...

Quand on parle d’épilepsie, la plupart des gens ont en tête une personne convulsant au sol, atteinte d’une maladie aussi rare qu’impressionnante. Dans les faits, pourtant, la réalité est bien plus nuancée. L’épilepsie est ainsi plus courante qu’on le croit : il s’agit de l’affection neurologique la plus commune après la migraine. Environ 60.000 Belges en souffrent de manière récurrente, tandis qu’on estime que 150.000 personnes connaîtront un épisode épileptique – une crise n’entraînant pas nécessairement de récidives par la suite – au cours de leur vie. Bien que plus courantes durant l’enfance, les premières crises peuvent arriver à n’importe quel âge.

Quant aux symptômes et aux origines de la maladie, ils sont tellement variables que les spécialistes préfèrent aujourd’hui parler d’épilepsies, au pluriel. Toutes résultent néanmoins d’une activité électrique anormale du cerveau, explique le Dr Michel Osseman, président de la Ligue francophone belge contre l’épilepsie et responsable de l’unité de neurophysiologie et d’épilepsie au CHU de Mont-Godinne.  » Cette activité électrique rend certains neurones hyperexcitables; lorsque cette excitabilité atteint une quantité de neurones trop importante, cela débouche sur une crise... « 

Des crises parfois très limitées

Notre cerveau a la particularité d’être divisé en différente aires, chacune étant spécialisée dans une activité (aire du langage, du mouvement, de la vue...).  » Suivant la ou les zones où se déclare la crise d’épilepsie, les symptômes peuvent être très variables, poursuit le médecin. Une activité anormale dans la zone de la sensibilité se traduit par exemple par des fourmillements dans la main; des convulsions peuvent avoir lieu si c’est la zone du mouvement qui est touchée...  » Les signes d’une crise sont parfois plus que limités : chez certains, elle ne se manifeste que par une simple  » odeur dans le nez « , due à une hyperexcitabilité des neurones chargés de l’olfaction.

Bien loin, donc, de la manifestation la plus spectaculaire – et la plus connue – de l’épilepsie : la crise généralisée. Celle-ci ne concerne que 25 % des crises et touche l’ensemble du cerveau. Elle se caractérise par une perte de conscience, un raidissement du corps, des spasmes de plus en plus amples... Mais pour impressionnante qu’elle soit, elle ne nécessite pas toujours d’appeler les urgences (voir encadré). Dans la plupart des cas, quelques précautions et un peu de repos suffisent !

Conséquences et stigmatisation

Les conséquences de l’épilepsie sont toutefois assez lourdes au quotidien : les crises à répétition peuvent être à l’origine d’altération cognitive ou d’accidents. Dans certaines conditions (arrêt du traitement, infection, prise de toxiques...), le patient risque également une crise trop prolongée, de plus de 5 minutes, qui peut déboucher sur un  » état de mal  » engageant le pronostic vital. Les médicaments, bien qu’efficaces chez 60 % des patients, entraînent parfois leur lot d’effets secondaires : fatigue, dépression, vertiges, troubles sexuels... La possibilité de conduire une voiture est pour sa part entravée (voir encadré).

Mais il y a pire : encore aujourd’hui, les personnes souffrant d’épilepsie restent stigmatisées.  » Il a été prouvé qu’une personne se présentant comme épileptique souffre de davantage de stéréotypes négatifs qu’un diabétique ou qu’un asthmatique – qui n’est pas à l’abri d’une crise « , détaille Michel Osseman.

Il en résulte parfois des difficultés pour trouver un travail, un embarras de l’employeur, des collègues ou des camarades de classe. D’où le combat des associations relatives à l’épilepsie : informer le grand public, pour dissiper au maximum les craintes et idées fausses.  » Je répète souvent cette phrase de William Lennox, un des grands spécialistes de l’épilepsie, conclut le Dr Osseman : Il n’y a pas d’autre affection que l’épilepsie pour laquelle les préjugés sociaux sont pires que la maladie elle-même. « 

Que faire face à une crise généralisée ?

 » La plupart des épisodes épileptiques ne durent vraiment pas longtemps, même si ces quelques minutes paraîtront très longues pour ceux qui n’y sont pas habitués, reconnaît le Dr Osseman. Face à une crise, il faut simplement veiller à ce que la personne ne se blesse pas, en l’écartant des escaliers ou du mobilier qui pourrait présenter un danger (coins de bureau, etc.). Contrairement à ce qu’on entend souvent, il ne faut rien lui mettre dans la bouche : l’idée selon laquelle la personne en crise risque d’avaler sa langue est complètement fausse ! Au pire, elle la mordra... On peut par contre s’assurer que la personne respire bien et n’a rien de coincé dans la gorge, comme un morceau de sandwich ou un stylo. Mais attention à vos doigts ! J’ai déjà vu de vilaines morsures... « 

En théorie, une crise généralisée dure rarement plus de deux minutes.  » Si les convulsions continuent après 5 minutes, on considère qu’il faut appeler les secours. Sinon, dès que les convulsions s’arrêtent, il suffit de mettre la personne en position latérale de sécurité et d’attendre qu’elle revienne à elle.  » Une première crise nécessite un rendez-vous urgent avec un médecin; s’il ne s’agit  » que  » d’une crise récurrente, il suffira de raccompagner la personne chez elle ou de lui trouver un endroit calme, où elle pourra se reposer un peu.

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