© GETTY IMAGES

L’alcool : un peu, beaucoup... ou plus du tout ?

Le consensus scientifique est désormais net : boire modérément n’est pas bon pour la santé. Mais est-ce pour autant toujours mauvais ?

Difficile d’y voir clair sur les dangers ou les bienfaits d’une consommation modérée d’alcool ! Depuis des dizaines d’années, le sujet est régulièrement abordé dans les médias. Or, les études scientifiques relayées par les journalistes laissent parfois perplexes : qui ne s’est jamais étonné d’entendre à la radio que la moindre goutte d’alcool était cancérigène, alors qu’il venait de lire, quelques jours plus tôt, qu’un petit verre quotidien était à conseiller pour ses vertus cardioprotectrices !

Les choses sont toutefois bien plus claires depuis la publication, en août dernier, d’une méta-analyse réalisée par The Lancet. Se basant sur des données médicales récoltées auprès de plus de 600.000 personnes recrutées entre 1964 et 2006, elle a permis de faire le lien entre consommation d’alcool et mortalité, toutes causes confondues. Ses principales conclusions ?  » Là où, autrefois, on pensait qu’une consommation quotidienne modérée était positive pour la santé, on sait désormais que ce n’est pas le cas, explique le Dr Bernard Dor, alcoologue et médecin généraliste. On ne peut plus dire que boire un petit verre par jour est bon pour la santé : on peut juste dire que ce n’est pas mauvais. C’est différent ! « 

L’EFFET CARDIOPROTECTEUR DE L’ALCOOL EN QUANTITÉ MODÉRÉE EST CONTREBALANCÉ PAR SON POTENTIEL CANCÉRIGÈNE

Concrètement, la méta-analyse a démontré que ce  » petit verre  » n’augmentait ni ne diminuait notablement l’espérance de vie.  » Tant que vous restez en-deçà de dix doses d’alcool par semaine (100 gr alcool, voir encadré), vous ne prenez pas vraiment de risque, mais vous n’en retirez pas de bénéfice non plus « , poursuit l’alcoologue. Au-delà, les probabilités de développer une pathologie et de voir son espérance de vie baisser augmentent de façon exponentielle : le risque, au départ négligeable, grimpe rapidement avec les quantités ingérées. L’espérance de vie à 40 ans est ainsi réduite de 6 mois en cas de consommation hebdomadaire de 100 à 200 grammes d’alcool, de 4 à 5 ans dès que cette consommation dépasse 350 grammes (soit dès 2/3 de bouteille de vin ou deux bières spéciales à 8% par jour).

Une dose d’alcool, c’est quoi ?

Pour quantifier la consommation d’alcool, les médecins la traduisent en grammes. 10 grammes d’alcool équivalent à une dose, soit un verre de vin, de bière, ou d’alcool fort. Reste qu’on a souvent tendance à sous-estimer sa consommation, en évaluant mal à quoi correspondent exactement ces doses.

 » Un verre de bière, c’est 25 cl de bière à 5% ; un verre de vin, c’est un verre un peu radin de 10 cl à 12% [un verre habituel fait plutôt 12 cl et les vins montent couramment à 13-14°, ndlr] et un verre de spiritueux, c’est 3 cl « , détaille le Dr Bernard Dor.

BON CONTRE L’INFARCTUS, MAIS...

Les études qui vantaient les bienfaits du vin rouge ou de l’alcool sur la santé cardiovasculaire étaientelles dans l’erreur ? Pas totalement, mais il faut les remettre en contexte.  » Avant, on pensait que le bénéfice cardiovasculaire était global, mais c’est faux, détaille Bernard Dor. Les pathologies comme l’hypertension, la fibrillation... augmentent avec la quantité d’alcool consommée. Le seul effet protecteur épinglé et prouvé de l’alcool, c’est une diminution significative des risques d’infarctus du myocarde. L’effet positif cardiovasculaire global disparaît au-delà de vingt verres par semaine. « 

Le problème est que cet effet protecteur est notamment contrebalancé par les propriétés cancérigènes de l’éthanol (l’alcool).  » En gros, le risque de cancer est dose-dépendant et se met à augmenter dès la première goutte d’alcool : cela ne veut pas dire que vous allez nécessairement développer un cancer parce que vous buvez un verre de vin par jour, mais statistiquement et sur le long terme, toutes causes de mortalité confondues, cela suffit à réduire à néant les bénéfices de l’alcool sur la santé cardiovasculaire. « 

Lever le pied, toujours intéressant

Lorsqu’un fumeur arrête la cigarette, on considère qu’après 10 ou 15 ans de sevrage, son espérance de vie redevient identique à celle d’un non-fumeur. Quid pour la personne ayant eu une consommation d’alcool problématique, qui se décide à arrêter ou à se limiter ?  » Pour un certain nombre de paramètres, une récupération est possible, pour d’autres dégâts, ce ne sera pas le cas, répond l’alcoologue Bernard Dor. Pour l’hypertension artérielle, par exemple, si vous ne buvez plus, ou moins, la situation s’améliorera généralement dans les 14 à 28 jours. Au contraire, si vous avez une fibrose ou une cirrhose déjà constituées, il est seulement possible de stabiliser la maladie ou, rarement, de diminuer d’un stade votre fibrose. Mais cela reste intéressant d’arrêter de boire, car cela vous assure une meilleure qualité de vie et moins de complications ! « 

L’OCCASION PLUS QUE LE QUOTIDIEN

Détail important : l’étude du Lancet a été menée sur des consommateurs réguliers.  » Les risques épinglés ici concernent donc avant tout des personnes qui boivent de l’alcool cinq, six ou sept fois par semaine. Si vous consommez dix verres en une fois un samedi par exemple, tant que c’est occasionnel, cela aura moins d’impact sur votre santé physique à moyen ou à long terme. Dans ce cas-là, les risques seront plutôt de l’ordre de la chute ou de la sécurité routière ! « . Pas de panique, donc, si vous êtes à l’eau en règle générale et que, le soir du réveillon, vous vous laissez un peu trop titiller par la dive bouteille. Veillez juste à avoir un bras solide et un Bob sous la main !

Différents alcools, différents effets

Fermentées, distillées, à base de raisin, de houblon... Les boissons alcoolisées font appel à différents processus, contiennent différents ingrédients et, outre ceux de l’éthanol proprement dit, n’ont pas tous les mêmes effets sur notre corps.

LES SPIRITUEUX

Les spiritueux  » purs  » (eaux-de-vie tels que whisky, gin, cognac, vodka...) ne contiennent pratiquement que de l’éthanol et de l’eau, dont les arômes proviennent des produits distillés. Les spiritueux colorés sont réputés pour donner des  » gueules de bois  » plus douloureuses que les alcools blancs : cela serait dû au fait qu’il y a davantage de résidus de production ( » congénères « ) et de traces de méthanol dans les spiritueux colorés, moins  » purs « .

LES COCKTAILS ET ALCOPOPS

Vous est-il déjà arrivé de prendre un cocktail sucré à l’apéritif et de vous sentir pompette dès le premier verre ? Rien d’étonnant : ces boissons sont parfois très alcoolisées sans qu’il soit possible de s’en rendre compte.  » C’est parce que l’alcool est un sucre dégradé par des levures, c’est donc un sous-produit du sucre, explique le sommelier spécialiste du vin et de la bière Fabrizio Bucella. Il s’agit donc de deux substances assez similaires. Toutes deux apportent une sensation de rondeur en bouche : le sucre masque le côté brûlant de l’alcool et camoufle son goût. « 

LE VIN BLANC

Le vin blanc, et particulièrement les champagnes et vins sucrés, contiennent des taux de sulfites assez importants.  » Ces conservateurs sont connus pour provoquer chez certains des réactions cutanées (plaques rouges) et respiratoires (gorge qui gonfle), détaille le sommelier. Il ne s’agit pas d’allergie aux sulfites à proprement parler, mais plutôt d’allergie croisée, car l’éthanol est histamino-libérateur. » C’est aussi ce qui explique la migraine qu’on peut parfois éprouver dès le deuxième verre de vin. Pour éviter ces désagréments, si vous êtes concerné, la solution est de passer aux vins  » nature  » ou  » biodynamiques « , donc sans sulfites.

LE VIN ROUGE

Dans le vin conventionnel, plus de 40 additifs sont autorisés. Le vin rouge, naturellement plus stable, contient généralement moins d’additifs que le vin blanc. Selon une étude du British medical journal, c’est aussi la boisson alcoolisée qui procure le plus un sentiment de détente lorsqu’elle est consommée. Le vin rouge contient par ailleurs des antioxydants (resveratrol) dont on a souvent mis en avant les vertus protectrices pour le coeur. En réalité, le vin rouge protège légèrement plus de l’infarctus du myocarde que les autres boissons alcoolisées, mais son bénéfice total est, comme dit plus haut, battu en brèche par les autres propriétés pathogènes de l’éthanol.

LA BIÈRE

Comparée au vin, la bière contient beaucoup moins d’additifs artificiels, voire aucun : la plupart des bières ne sont composées que de quatre ingrédients : de l’eau, des céréales maltées, du houblon et des levures. Selon la tradition,  » on boit une bière, on en élimine deux ! « . Pourquoi ? La vessie pourrait se remplir plus vite à cause des résines de houblon, mais c’est surtout... l’eau que contient la bière qui est ici en cause.  » La bière, plus légère en alcool, se boit en plus grandes quantités que le vin, détaille Fabrizio Bucella. On aura donc tendance à en boire plus : il est facile de boire trois bières, là où il sera plus rare de boire une bouteille de vin complète. C’est pourtant la même quantité de liquide ! « 

Contenu partenaire