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Gluten et lactose: tous intolérants?

Julie Luong

Les intolérances au gluten et au lactose semblent de plus en plus fréquentes. Effet de mode ou réalité?

Dans nos sociétés, le lactose (principal sucre du lait) est la star des intolérances alimentaires. Plus de 10% de la population serait concernée. Cette intolérance se traduit par des symptômes digestifs (ballonnements, douleurs abdominales et diarrhées) après avoir consommé du lait et certains produits laitiers (crème, fromage à pâte molle, etc.). Ou pour être plus précis, quand le lactose arrive dans le côlon, soit 1h30 à 2h après l’absorption. Et l’explication est connue. Chaque molécule de lactose est composée de deux éléments : une molécule de glucose et une molécule de galactose. Pour que le lactose soit digéré, ces deux éléments doivent être séparés grâce à une enzyme sécrétée dans l’intestin grêle, la lactase. Or, chez l’adulte, il arrive que cette production diminue ou s’arrête. Le lactose se retrouve donc dans le côlon sans avoir été scindé, ce qui entraîne une modification de la flore intestinale et un inconfort digestif.

« L’intolérance au lactose est génétiquement déterminée. Globalement, nous ne sommes pas faits pour consommer du lait comme on en consomme dans nos sociétés. Et certaines personnes ne supporteront donc pas cette consommation », explique Catherine Reenaers, gastro-entérologue au CHU de Liège. Heureusement, il est assez aisé de supprimer le lactose de son alimentation sans pour autant s’exposer à des carences.  » Les personnes intolérantes au lactose peuvent consommer sans problème des yaourts et des fromages à pâte dure », poursuit la spécialiste.

Lactose et calcium

Peur de manquer de calcium en abandonnant le lait ? Certes, un adulte a besoin d’un apport d’environ 1.000 mg de calcium par jour. À partir de 50 ans chez la femme et de 70 ans chez l’homme, les apports recommandés sont même de 1.200 mg. Mais les produits laitiers sont loin d’être la seule source de calcium : certaines eaux minérales en contiennent de grandes quantités : Hépar (550 mg/L), Contrex (486 mg/L), etc. Du côté des fromages à pâte dure, l’emmenthal et le parmesan sont des champions toute catégorie. Certains légumes verts (orties, brocolis, chou frisé, kale) sont également intéressants tout comme le poisson entier en conserve (sardines). Pensez également aux amandes et aux noix du Brésil !

Lactose, gluten, FODMAP : même combat ?

Aujourd’hui, de nombreuses personnes qui se plaignent d’une intolérance au lactose se plaignent aussi d’une intolérance au gluten... et inversement. Y aurait-il un lien ? « Certaines personnes – environ 10 à 15% de la population – ont un inconfort digestif quand elles consomment trop de FODMAP, un acronyme qui désigne toute une série d’aliments très riches en dérivés sucrés comme le fructose, les oligosaccharides, les disaccharides, etc. Or, le gluten comme le lactose en contiennent et sont par ailleurs tous deux des composants hautement fermentables », explique la Dr Catherine Reenaers. Les FODMAP se retrouvent dans certains fruits (pomme, poire, pêche, melon...), légumes (asperge, poireau, betterave, choux, artichaut, céleri...), céréales (seigle, avoine, blé, orge). Une flore intestinale déséquilibrée, qui tolère mal les FODMAP, tolère donc souvent mal les aliments riches en gluten et en lactose. « Néanmoins, le lien n’est pas direct, car les personnes intolérantes aux FODMAP tolèrent bien le pain d’épeautre... qui contient pourtant du gluten ». En cas de véritable intolérance au lactose par déficit de lactase, il n’existe d’ailleurs pas de lien direct avec l’intolérance au gluten. À l’inverse, les personnes qui ont une véritable intolérance au gluten (sans intolérance aux FODMAP), présentent souvent, outre les symptômes digestifs, un inconfort plus général, avec des douleurs articulaires et une fatigue associée.

Cette intolérance ou sensibilité au gluten concernerait aujourd’hui 5 à 10% de la population. Le gluten est présent dans certaines céréales et dans leurs dérivés : pains, pâtes, pizzas, quiches, etc. Liant très courant, le gluten se retrouve également dans de nombreux produits industriels comme les cubes de bouillon, les lardons, le chocolat, le surimi, etc. Mais attention : qui dit intolérance ne dit pas nécessairement maladie coeliaque ! La maladie coeliaque est une maladie auto-immune, dans laquelle l’organisme attaque ses propres composantes, en l’occurrence la paroi intestinale. Elle ne touche pas plus d’une personne sur 100. Le diagnostic se fait sur la base d’une prise de sang, complétée d’une endoscopie et d’une biopsie de la partie haute de l’intestin grêle. Le seul traitement est l’élimination à vie du gluten de son alimentation. Cette maladie coeliaque est donc très invalidante et peut entraîner des complications graves (cancers de l’oesophage, de l’intestin, ulcères, etc.) en cas de non-respect du traitement.  » On considère qu’il y a aussi de nombreuses personnes qui ne sont pas diagnostiquées, car elles ne présentent aucun symptôme. Malheureusement, la maladie est alors découverte quand les complications sont là « , explique la spécialiste.

Principaux aliments qui contiennent du gluten

Gluten et lactose: tous intolérants?
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* Blé (froment, épeautre), orge, seigle

* Pains et biscottes

* Pâtisseries, crêpes, gaufres, viennoiseries, biscuits sucrés et salés

* Bonbons

* Pâtes, gnocchi et semoule

* Pizzas et quiches

* Plats préparés

* Poissons et viandes panés

* Bière

* ... Hosties !

Principaux aliments qui contiennent du lactose

Gluten et lactose: tous intolérants?
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* Lait

* Crème glacée

* Crème dessert

* Crème fraîche

* Beurre

* Crêpes, gaufres, viennoiseries, certaines pâtisseries

* Chocolat au lait, blanc, etc.

* Fromage blanc et à pâte molle

* Purées et soupes instantanées

Gare aux tests anti IgG !

Pour autant, il existerait bien un continuum entre les personnes qui ont une intolérance au gluten et les personnes coeliaques.  » Des études très sérieuses ont montré qu’il existait souvent les mêmes gènes de prédisposition chez ces personnes. Il est possible que ces personnes soient donc  » précoeliaques « , qu’elles ne déclenchent pas vraiment la maladie mais qu’elles aient quand même un inconfort avec le gluten « , explique le Dr Catherine Reenaers.  » Le problème est que, contrairement à la maladie coeliaque, il n’existe aujourd’hui pas de tests pour diagnostiquer l’intolérance au gluten ! Le seul moyen de savoir si on est intolérant est de faire un régime d’éviction du gluten puis de le réintroduire afin de voir si on a vraiment un bénéfice à s’en passer. « 

La spécialiste met ainsi en garde contre les tests dits IgG proposés aujourd’hui par de nombreux diététiciens et médecins nutritionnistes. Ces tests, qui coûtent souvent dans les 250 ?, n’ont en effet aucune validité scientifique.  » Il y a plusieurs types d’anticorps. Le dosage des anticorps IgE donne des informations sur les allergies. Mais le dosage des anticorps IgG ne donne aucune information sur les intolérances. En effet, les IgG témoignent du fait que notre organisme a été mis en contact avec un aliment. On peut donc avoir des IgG à la banane ou au kiwi tout en les supportant très bien ! Du reste, on ne connaît pas aujourd’hui les seuils à partir desquels un taux d’IgG pourrait témoigner d’une intolérance « . Malheureusement, aujourd’hui, des professionnels peu scrupuleux prescrivent ce type de tests qui finissent par convaincre les patients qu’ils sont intolérants à tout !  » Nous voyons arriver des patients amaigris et déprimés parce qu’ils ont presque tout supprimé de leur alimentation ! », avertit encore le Dr Catherine Reenarers, qui conseille de consulter un gastro-entérologue ou un allergologue en cas de suspicion d’intolérance.  » Cela permet aussi d’exclure une maladie coeliaque et de proposer une prise en charge adéquate. Annoncer à quelqu’un qu’il ne peut plus jamais manger de gluten ou qu’il doit tenter de l’éviter pour son confort digestif est très différent en termes de vie sociale ! « 

Des célébrités adeptes du NOGLU

Le Roi a adopté un régime sans gluten.
Le Roi a adopté un régime sans gluten.© BELGAIMAGE

Si de plus en plus de gens se méfient du gluten, c’est aussi lié à l’influence qu’exercent certaines stars hollywodiennes telles que Gwyneth Paltrow, Scarlett Johansson, Jessica Alba et l’ex-président Bill Clinton. Le célèbre tennisman Novak Djokovic, lui aussi, a également arrêté d’en consommer. Plus près de chez nous, le roi Philippe a supprimé le pain et les pâtes de son menu. On a appris qu’il suivait un régime sans gluten lorsque, lors d’une visite d’Etat au roi Willem-Alexander des Pays-Bas, on a dû lui prévoir des plats spéciaux. Ce qui lui a valu une volée de bois vert de la part des experts en nutrition de tous bords... (K. V H.)

Régime ou tempérance ?

Les personnes qui souffrent d’une maladie coeliaque sont d’ailleurs très irritées par la mode actuelle du  » sans gluten « . Certes, leur quotidien a été rendu plus facile par l’offre de produits sans gluten, y compris dans les supermarchés. En revanche, beaucoup s’exaspèrent d’être assimilées à ceux qui font un régime  » NO GLU  » parce que c’est la dernière tendance alors que l’éviction du gluten est pour eux une question de survie !  » On sait aujourd’hui que 90% des gens qui font un régime sans gluten le font sans raison valable « , rappelle le Dr Catherine Reenaers. Une attitude plus raisonnable serait de réduire sa consommation de gluten – et, dans une moindre mesure, de lactose – dans un but préventif.

 » Nous avons aujourd’hui une alimentation de plus en plus riche en lactose et surtout en gluten, avec une consommation importante de pizzas, de pâtes, de sandwichs... Or, on sait que les phénomènes d’intolérance se développent en fonction des quantités absorbées. En Asie par exemple, où on consomme peu de gluten et de lactose, on voit aussi très peu d’intolérance alimentaire ! «  Le boom des intolérances pourrait ainsi s’expliquer par nos habitudes alimentaires elles-mêmes, mais aussi par des modifications de notre flore intestinale.  » La flore intestinale est déterminée par l’environnement : la manière dont on est nourri dans l’enfance, les vaccins, les antibiotiques, etc. » Quant à penser que le régime sans gluten serait une bonne manière de perdre du poids, rien n’est moins sûr.  » Le régime sans gluten n’est pas amaigrissant. Les personnes qui le suivent compensent souvent avec du fromage, des oeufs... Du reste, les produits sans gluten sont excessivement sucrés ! Et puis, exclure le gluten sans compenser peut aussi mener à certaines carences « , rappelle le Dr Catherine Reenaers. Alors pour réduire votre consommation de gluten sans passer dans le clan  » NO GLU « , diminuez plutôt votre ration de féculents et, surtout, variez les plaisirs avec des pommes de terre, du riz ou du quinoa !

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