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Frissonner pour doper sa santé !

S’exposer au froid (modéré) donne un coup de fouet à la santé. Les bénéfices sont multiples, du regain d’énergie à la bonne humeur retrouvée.

Les bains froids sont sans doute la forme de thérapie par le froid la plus connue, puisqu’on les pratique de mémoire d’homme. Le père de la médecine, Hippocrate en avait remarqué les effets bénéfiques et, au fil des siècles, les médecins s’en sont fait l’écho. Pourtant, cette hygiène de vie n’a jamais été adoptée à grande échelle et il semble qu’on soit amené à en redécouvrir les bienfaits à chaque époque.

Grâce à nos systèmes de chauffage, nous vivons désormais dans des maisons et des bureaux chauffés en permanence. Dans ces conditions, le corps humain a très peu d’efforts à fournir pour maintenir sa température moyenne de 37 °C. Il en va autrement dès que nous évoluons dans un environnement plus frais. Dès que la température baisse un bon coup, le corps réagit.  » Confronté à un froid intense, le corps se met tout d’abord à frissonner « , précise Wouter van Marken Lichtenbelt, professeur de santé et d’énergie écologique à l’Université de Maastricht. Les muscles travaillent et se rétractent, comme lors d’un effort sportif. Sauf qu’ici, on n’a pas besoin de bouger, juste d’être exposé au froid. Cette activité musculaire augmente la consommation d’énergie par l’organisme, ce qui oblige le métabolisme à passer, lui aussi, à la vitesse supérieure. Ce boost métabolique est excellent pour la santé, car le corps puise l’énergie nécessaire aux frissons dans les sucres et les graisses que nous stockons. « 

A 18°C, le corps consomme 30% d’énergie en plus, mais nous avons tendance à manger plus.

Certes, on brûle quelques calories de plus, mais frissonner n’a rien de très agréable.  » C’est vrai. D’ailleurs, il est impossible de frissonner très longtemps, car cela épuise assez vite les muscles. Nous avons mené récemment une étude dont il ressort qu’on peut tout à fait tirer bénéfice du froid sans devoir claquer des dents. Une température de 15 °C n’est sans doute pas tenable dans un bureau mais dès 18-19 °C, le métabolisme est stimulé.

C’est un phénomène que nous avons mis en évidence lors d’un test réalisé avec un groupe de volontaires : ils sont restés pendant dix jours, non-stop, dans des pièces maintenues à cette température. Il faut savoir que chacun de nous réagit différemment à la température ambiante. Notamment en fonction du sexe, de l’âge et de l’habillement. On a mesuré divers paramètres corporels pendant ce test d’acclimatation. Résultat : à la fin du test, la sensibilité à l’insuline (primordiale en cas de diabète), ainsi que le taux de graisse brune avaient augmenté chez tous les participants. « 

Le rôle de la graisse brune

Les muscles ne sont pas seuls concernés. D’autres tissus contribuent à maintenir constante la température corporelle et à booster le métabolisme. Voici environ dix ans, l’équipe du Pr van Marken Lichtenbelt a découvert l’existence du tissu adipeux brun chez l’adulte. Cette graisse-là remplit une toute autre fonction que les adipocytes (=cellules graisseuses) blancs, connus de longue date et servant surtout à stocker de la graisse. Les adipocytes bruns produisent 300 fois plus de chaleur que les autres tissus corporels. Cela s’explique par le grand nombre de mitochondries, sortes de mini-usines énergétiques, qu’ils abritent. Ils contiennent aussi une protéine qui permet la transformation directe des calories en chaleur. En d’autres mots : le corps se met à brûler de la graisse.

Chez les adultes, les adipocytes bruns sont activés dès que la température baisse à environ 18 °C. Le corps dépense alors plus d’énergie (jusqu’à +30 %) pour maintenir sa température interne autour de 37 °C. Les bébés sont naturellement mieux pourvus que nous en graisse brune, ceci pour les aider à garder leur température constante mais, avec l’âge, la réserve d’adipocytes bruns fond.  » En s’exposant régulièrement au froid, on peut relancer son stock de graisse brune et donc améliorer son métabolisme. En été, le corps va la détruire à nouveau. « 

Vaut-il donc mieux pour la santé vivre dans des environnements moins chauffés, comme le faisaient les générations qui nous ont précédé ?  » Le corps s’est adapté à ces températures intérieures plus confortables. Nous sommes en quelque sorte devenus des machines économes, qui stockent toujours plus de gras. En ces temps d’abondance et de surpoids, ce serait, en effet, une bonne idée de baisser un peu le thermostat dans les maisons. Mais mieux vaut y aller progressivement, pour que le corps ait le temps de s’adapter. On maintiendra ainsi un meilleur métabolisme et on brûlera plus d’énergie, sans perdre en confort. Vivre de temps à autre dans un environnement plus froid encore est tout à fait bénéfique. « 

Les bains d'eau glacée sont très prisés dans le Grand Nord.
Les bains d’eau glacée sont très prisés dans le Grand Nord.© GETTY IMAGES

Bon pour l’immunité

Si le froid est excellent, les écarts de température sont, eux aussi, bénéfiques. Le froid est vasoconstricteur, c’est-à-dire qu’il contracte les vaisseaux sanguins pour maintenir la chaleur du corps.  » Quand on s’expose ensuite à nouveau à la chaleur, les vaisseaux sanguins se dilatent, ce qui, chez les personnes en bonne santé, stimule la circulation sanguine et tout le système cardiovasculaire. « 

La thérapie par le froid semble tout aussi bénéfique pour notre immunité. On manque encore de preuves scientifiques bien étayées mais les signaux semblent très positifs, ainsi qu’a pu le démontrer le Néerlandais Wim Hof, surnommé Ice Man pour son extraordinaire résistance corporelle au froid extrême. Il a mis au point sa propre méthode, puis a soumis son corps – et celui d’un échantillon de volontaires – à des tests universitaires. Parmi les conclusions, celle-ci : le nombre de globules blancs – primordiaux pour le bon fonctionnement du système immunitaire – augmente notablement quand on s’expose au froid. Parallèlement, on note une diminution des protéines inflammatoires.  » A un détail près : on ignore si d’autres facteurs que le froid entrent éventuellement en jeu « , nuance le Pr van Marken Lichtenbelt.

Désireuse de booster son énergie, une présentatrice de télévision flamande, Saartje Vandendriessche, a testé la méthode par le froid de Wim Hof. Son choix s’est porté sur un mix de techniques de respiration, de méditation et de bains d’eau froide.  » Grâce à cette méthode, moi qui étais hyper frileuse, je ne le suis plus du tout. En me concentrant, je parviens à m’exposer à un froid extrême sans frissonner. Mes pieds sont nettement moins froids et je dors beaucoup mieux. Je me sens plus en forme. Après le sport, j’ai remarqué qu’une douche froide fait énormément de bien à mes muscles. A cela s’ajoutent une meilleure circulation sanguine, une peau plus lisse, des cheveux plus brillants, un gain d’énergie, une humeur au beau fixe et plus de confiance en moi « , assure-t-elle.

1,2,3... Frissonnez !

De la douche froide...

Prendre une douche froide ou s’asperger d’eau froide après le bain/la douche, tout le monde connaît. Les thermes romains avaient déjà leur frigidarium (bain de glace), pourtant peu d’études scientifiques ont creusé le sujet.  » On sait en tout cas que c’est bénéfique pour la circulation sanguine et le bon fonctionnement des artères. Mais pour obtenir un effet métabolique, une courte exposition ne suffit pas « , souligne le Pr van Marken Lichtenbelt. Une étude néerlandaise a mis en avant un lien entre douches froides et diminution des rhumes et des grippes. Les scientifiques ont demandé à des personnes qui n’y étaient pas habituées de terminer pendant 90 jours leur douche par un jet d’eau froide, puis de dire comment elles se sentaient. Cette routine semble avoir eu un effet particulièrement bénéfique sur le système immunitaire.

Ceux qui pratiquent la natation en hiver l'affirment : le froid booste l'énergie et l'humeur !
Ceux qui pratiquent la natation en hiver l’affirment : le froid booste l’énergie et l’humeur !© BELGAIMAGE

A l’immersion en eau froide

Les baigneurs hivernaux, eux, continuent à prendre des bains de mer lorsque les températures plongent ! Ce phénomène existe depuis des années mais il gagne en popularité. Le premier club du pays (et le plus ancien), les Deurnese Ijsberen, compte plus de 900 membres, dont des habitués de 90 ans et plus.

 » La nage en hiver est un sport explosif. L’effort est comparable à celui d’un sprint. La tension artérielle augmente, tout comme le pouls, la respiration s’accélère et les vaisseaux qui irriguent la peau rétrécissent pour maintenir la chaleur corporelle, détaille Helena Peeters, médecin généraliste qui nage en hiver depuis quarante ans. Au contact de l’eau froide, le corps doit gérer une situation de stress, si bien qu’il libère de l’adrénaline et des endorphines, sortes de morphine corporelle. Au bout d’un moment, les muscles peuvent se raidir sous l’effet d’une moindre irrigation sanguine. C’est le moment de sortir de l’eau, afin d’éviter tout risque d’hypothermie qui annulerait les bénéfices de la baignade en eau froide. Il existe peu de preuves scientifiques des bienfaits de ce type de nage sur la santé, car il faudrait pour cela mener des tests en double aveugle, mais j’ai pu en constater les effets bénéfiques. « 

Quoi qu’il en soit, ceux qui ont déjà pratiqué la baignade en eau froide savent qu’au sortir de l’eau, on ressent un boost d’énergie et de bonne humeur.  » On doit ce coup de fouet aux hormones (adrénaline et endorphines) libérées dans l’organisme. Certains comparent cela au ressenti des marathoniens. La sensation d’énergie qui vous envahit ensuite, et dure parfois toute la journée, est la principale motivation des nageurs hivernaux. Après ce genre de baignade, tout stress disparaît. Je suis convaincue que cela stimule l’immunité et contribue à lutter contre les virus et les germes pathogènes. Ceux qui pratiquent la nage en eau froide sont moins sujets aux rhumes. « 

La nage en eau froide est accessible à tous.  » Même les épileptiques, les personnes ayant une sclérose en plaques ou un cancer nagent ici. C’est seulement déconseillé en cas de problème cardiaque et mieux vaut faire un checkup avant de se lancer. Il n’est pas du tout rare de s’y mettre après 50 ans. Et cela devient vite addictif ! A chacun de trouver sa méthode. Les uns se contentent d’une immersion (entrer et sortir de l’eau), d’autres font quelques longueurs.

Il est conseillé de s’échauffer en faisant un peu de course à pied ou de gym. Plus que l’âge, le poids ou la forme physique, c’est la régularité qui compte. Mieux vaut s’y mettre à la fin de l’été, afin de s’acclimater progressivement à la température de l’eau en hiver. « 

Le froid fait-il maigrir ?

Peut-on perdre du poids en baissant le chauffage ?  » Cela semblerait logique mais il faut nuancer le propos. On brûle, en effet, plus de calories à 18 °-19 °C mais, en même temps, on a tendance à manger davantage. Un peu comme lorsqu’on fait du sport : c’est bon pour la santé mais si on se contente de bouger plus, sans rien changer à son alimentation, on ne maigrira pas. Le froid contribue à améliorer la santé et à booster le métabolisme mais ce n’est pas un régime en soi « , insiste le Pr Wouter van Marken Lichtenbelt.

Spécialiste de l’obésité, le Dr Liesbeth Van Rossum (Erasmus MC, Rotterdam) en reconnaît les avantages :  » Si vous passez 2 heures par jour, pendant 6 semaines, à 17 °C, cela activera vos adipocytes bruns et réduira votre masse grasse, tout en maintenant intacte votre masse musculaire. « 

Grelotter dans un cryosauna

Le cryosauna consiste à s’exposer brièvement à des températures comprises entre -110 et -190°C. Une séance (3 min. max) se déroule dans une cabine. On n’y garde que ses chaussettes et ses sousvêtements. La tête, elle, reste à l’extérieur. Cette thérapie de choc a des effets positifs sur la fatigue musculaire, l’inflammation, les problèmes articulaires et le vieillissement cutané.

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