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Faut-il se passer définitivement du sucre raffiné ?

Ces dernières années, le sucre ajouté est de plus en plus souvent présenté comme l’aliment à bannir. S’en passer est possible mais le mieux est d’opter pour une consommation raisonnée et apaisée.

Il y a une vingtaine d’années, la graisse était l’ennemi à abattre : les rayons mettaient en avant les produits lights, les margarines anti-cholestérol et les yaourts 0%. « Aujourd’hui , ces produits allégés ne sont plus à la mode car on s’est rendu compte que cela n’endiguait pas le surpoids, fait remarquer Viridiana Grillo, diététicienne-nutritionniste. Les problèmes alimentaires sont plus dus à la consommation de produits transformés qu’à un nutriment pris isolément. »

Pourtant, l’attention des médias et du grand public se focalise désormais sur le sucre, qu’on affuble de tous les maux. Sa non-utilisation constitue désormais un véritable argument marketing : on ne compte plus les mentions « sans sucre ajouté », « avec édulcorants » ou encore « 100% sucre de fruit/d’agave/non raffiné » (biffez la mention inutile), tandis que les livres de cuisine proposant des desserts sans sucre font florès.

Le sucre est-il tellement délétère ? « Les sucres simples -anciennement appelés sucres rapides – ne sont pas nécessaires à notre alimentation, répond la diététicienne-nutritionniste. Les sucres dont on a besoin sont les sucres complexes, qu’on retrouve naturellement dans les céréales, les légumes, les fruits. » Un régime trop riche en sucres simples, outre qu’il peut entraîner un surpoids, abîme en premier lieu le foie, allant jusqu’à provoquer des cirrhoses non alcooliques, mais aussi l’intestin (il modifie la flore intestinale) et à plus long terme, le pancréas.

Dans les pyramides alimentaires les plus récentes en Belgique, le chapeau regroupant les aliments à consommer avec parcimonie, où les sucreries et les sodas sont sur le même pied que l’alcool ou les charcuteries, est même mis sur le côté : tous ces aliments ne sont pas interdits, mais ils n’offrent aucun intérêt et leur consommation devrait tendre vers le zéro.

Une drogue ? Plutôt une habitude

Il ne semble pourtant pas si facile d’exclure les sucres simples de son alimentation. Nombreux sont ceux qui aiment s’offrir une petite douceur en fin de repas, un ou deux verres de soda quotidiens, et qui ont l’impression qu’il serait difficile de s’en passer. A tel point que le sucre est aujourd’hui parfois présenté comme une véritable drogue, dont la suppression pourrait entraîner des symptômes de manque.

Un avis que ne partage pas Viridiana Grillo.  » Les études qui parlent d’une véritable dépendance au sucre ont été réalisées sur des rats, pas sur des humains, analyse-t-elle. De plus, la notion de dépendance dépend de critères très précis. Oui, le sucre entraîne un sentiment de plaisir, mais je ne pense pas qu’il y ait de réelle accoutumance, ni de réel syndrome de manque si vous arrêtez du jour au lendemain. D’ailleurs, certains y parviennent tout à fait, sans trop de soucis.  »

Il existe pourtant de nombreux témoignages de personnes qui affirment avoir supprimé les sucres simples de leur alimentation et qui remarquent une altération passagère de leur humeur ou un manque d’énergie dans les premiers temps, voire des hypoglycémies.  » C’est vrai que s’il n’y a pas de réel sevrage, il faut que le corps se réadapte à fonctionner avec moins de sucre, à en produire davantage par lui-même, mais c’est l’affaire de quelques jours. Car le corps, même en état de jeûne, est tout à fait capable de produire le sucre dont il a besoin. Les gens qui font des hypoglycémies sont ceux qui passent d’un extrême à l’autre et bannissent tous les sucres, dont ceux des féculents ou des fruits. Ce qui n’est pas une bonne idée.  »

Il faut prendre conscience de sa consommation afin de mieux la réguler.

Plutôt que de dépendance, Viridiana Grillo préfère parler d’habitude qui, comme tous les comportements ancrés, est difficile à perdre.  » En fin de repas, le fait d’avoir envie de sucré, c’est un peu comme l’envie d’une cigarette chez ceux qui fument : c’est une façon de prolonger le plaisir d’être à table. Ce n’est pas au sucre qu’on est accro, mais à ce ptit rituel.  »

Ne pas supprimer, juste être conscient

Problème : à force d’être une habitude, la consommation de sucre est devenue automatique chez beaucoup. « On a tous parfois envie d’un verre ou d’un carré de chocolat : la récompense par l’alimentation est un acte normal qu’il n’est pas nécessaire de supprimer. C’est plus ennuyeux quand cette « récompense » devient un automatisme quotidien, soit un réflexe pavlovien, un acte dont on n’a même plus conscience. »

Pour la diététicienne-nutritionniste, plutôt que de totalement bannir les sucres simples de son alimentation (sauf pour raison médicale), il faut réapprendre à prendre conscience de sa consommation, afin de mieux la réguler. « Il s’agit de détricotage de comportement alimentaire : comme il n’y a pas de réelle dépendance, réduire sa consommation de sucre tient plutôt du registre de la psychologie... »

Les professionnels de l’alimentation peuvent être d’un grand secours, mais rien n’empêche d’essayer de réguler soi-même sa consommation. « En mangeant ou buvant du sucré, il faut réfléchir à la raison pour laquelle on fait ça, estimer si c’est un vrai plaisir ou plutôt un automatisme. Avec les médias, le sucre a été tellement diabolisé qu’il faut aussi apprendre à déculpabiliser : si vous mangez du sucre et que vous culpabilisez, vous ne prenez pas de plaisir. Au contraire, plus vous culpabilisez, plus vous avez des émotions négatives, et plus vous avez envie de les calmer avec quelque chose de réconfortant... »

Reste le cas des « fringales sucrées », qui peuvent arriver en cas de coup dur ou de journée très difficile. Tant qu’il ne s’agit que d’envies sporadiques, la meilleure façon de les gérer... est de ne pas les gérer. « Plus vous allez mentaliser cette envie incontrôlable, moins vous arriverez à la contrôler. Envie de chocolat ? Plutôt que de résister, choisissez vraiment LE chocolat, celui qui vous fait plaisir, et prenez le temps de le déguster un petit carré, de le savourer, de vous faire plaisir. » En d’autres termes, manger du sucre de façon raisonnée, ce n’est quelque part rien d’autre que de la pleine conscience !

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