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Et si tout le monde a trop de cholésterol dans la famille ?

Un important excès de cholestérol peut être dû à une hypercholesté-rolémie héréditaire ou familiale (HF). De nombreuses familles sont concernées, sans forcément le savoir, malgré le fait qu’il existe désormais un traitement efficace.

Le lien entre excès de cholestérol et artériosclérose est connu de longue date. Associé à d’autres facteurs de risque, comme le diabète, l’hypertension et le tabac, il augmente le risque de maladie cardiovasculaire. En cas de HF, on ne parle pas d’un excès léger ou modéré de cholestérol, mais d’un taux deux fois, voire quatre plus élevé que la normale. C’est d’ailleurs un phénomène qui peut se manifester très jeune.  » Ceux qui présentent une HF ont une espèce de mutation génétique. Une erreur minime dans le matériel héréditaire fait que, chez eux, le cholestérol LDL (ou mauvais cholestérol ) est mal capté par les récepteurs LDL dans le foie. Lorsqu’ils fonctionnent normalement, les récepteurs s’assurent que les particules de cholestérol LDL sont prises en charge, puis éliminées par la bile « , schématise le Dr Bart Van der Schueren.

Aux Pays-Bas, lorsqu’une personne présente des troubles cardiovasculaires assez jeune, on dépiste préventivement sa famille.

 » Les patients concernés par une HF ont soit nettement trop peu de récepteurs LDL, soit leur organisme les recycle mal. Conséquence : ils présentent en permanence un excès anormal de cholestérol LDL en circulation dans le sang. On parle de taux allant de 290 mg/dl à 500 mg/dl, alors que la moyenne doit tourner autour de 115 mg/dl. Très jeune déjà, le patient peut être sujet à la formation de plaques d’artériosclérose, avec parfois des AVC ou des infarctus précoces. « 

Zéro symptôme

On estime qu’une personne sur 250 à 500 est concernée par l’hypercholestérolémie familiale. En Belgique, on en compterait environ 25.000 mais une bonne partie d’entre elles l’ignorent. Pas étonnant lorsqu’on sait que l’excès de cholestérol LDL ne s’accompagne d’aucune douleur, d’aucun symptôme.

Comme pour la plupart des maladies héréditaires, cette affection se transmet de parent à enfant.  » Il s’agit d’un gène dominant. Si vous êtes vous-même porteur, vous avez 50 % de risque de le transmettre à vos enfants. La plupart des personnes concernées sont hétérozygotes, c’est-à-dire qu’elles ont hérité la maladie de leur père ou de leur mère. Une petite minorité est doublement concernée (dite homozygote), dans le cas où les deux parents lui ont transmis la même mutation. Chez eux, le mécanisme de captation du cholestérol LDL ne se fait quasi pas. « 

Des traitements existent

LA HF est bien connue, mais le monde scientifique n’a commencé à réellement s’y intéresser qu’assez récemment. Entre autres grâce à un nouveau traitement disponible aujourd’hui.  » Jusqu’il y a peu, le traitement associait statines + ézétimibe. Désormais, on recourt aux inhibiteurs de PCSK9, qui fonctionnent autrement. La bonne nouvelle, c’est que ce traitement est deux fois plus efficace pour combattre le cholestérol LDL. Et cela, sans les effets secondaires qui accompagnent parfois la prise de statines « , détaille le Pr Van der Schueren.

La PCSK9 est une protéine qui se fixe sur les récepteurs LDL du foie et les détruit. Résultat : les récepteurs ne sont plus en mesure d’extraire du sang les particules de cholestérol LDL. Le nouveau traitement parvient à bloquer les protéines PCSK9, ce qui permet à un plus grand nombre de récepteurs LDL de rester actifs.  » C’est un traitement qui donne des résultats spectaculaires : le taux de mauvais cholestérol peut baisser jusqu’à 60 %. Des études récentes ont démontré que ce traitement offre finalement une bonne protection contre les maladies cardiovasculaires. « 

Ce traitement appartient à la classe des médicaments biologiques, ou biomédicaments, et doit être administré par injection toutes les deux semaines.  » Le revers de la médaille est son prix, très élevé. En Belgique, ce traitement est donc réservé aux patients concernés par la HF et chez qui un traitement aux statines ou aux ézétimibes ne suffit pas. A côté de cela, le patient doit bien sûr adopter une hygiène de vie plus saine. C’est une précaution indispensable même si, à elle seule, elle ne suffit pas à résoudre le problème. « 

HF : qui est à risque ?

Si vous avez des parents directs atteints de maladies cardiovasculaires précoces (c’est-à-dire avant 55 ans pour les hommes et avant 60 ans pour les femmes).

Si vos deux parents- ou de nombreux membres de votre famille proche – ont (eut) des taux de cholestérol LDL trop élevés.

Vous pouvez faire un test de la HF en 5 questions sur www.belchol.be ou www.fhscore.eu

Dépistage en cascade

Il serait grand temps qu’on dépiste plus efficacement la HF.  » Pour que le traitement soit efficace, il faut l’initier le plus tôt possible, insiste le Pr Ernst Rietzschel, cardiologue. Plus vite on commence, plus vite on a de chances de retrouver un taux de cholestérol normal. Cela permet d’éviter la formation précoce de plaques d’artériosclérose et la survenue d’affections cardiovasculaires.

Avec le bon traitement, les personnes concernées par une hypercholestérolémie familiale retrouvent une qualité de vie optimale. Mais, aujourd’hui, c’est encore trop souvent par hasard qu’on détecte la HF, en général à la faveur d’une simple prise de sang de contrôle du taux de cholestérol. « 

Les spécialistes plaident donc pour le dépistage en cascade.  » Si une personne présente, assez jeune, des troubles cardiovasculaires ou qu’on lui détecte un taux anormalement élevé de cholestérol LDL, on va automatiquement vérifier le taux de cholestérol chez ses enfants, ses frères et soeurs, et ses parents. En cas de test positif, il faudra que ses enfants subissent des examens plus poussés. Une personne négative au test ne risque pas de transmettre la maladie : la génération suivante ne devra donc plus subir de test. « 

Les Pays-Bas, pays pionnier en la matière depuis des années, ont déjà une longue expérience dans le domaine du dépistage en cascade. On parvient ainsi à détecter et traiter préventivement plus de 70 % des patients concernés par la HF. Chez nos voisins du nord, c’est le corps infirmier qui centralise le dépistage.

 » Quand on soupçonne un cas d’hypercholestérolémie familiale chez un patient, une infimière dresse avec lui son arbre généalogique et détaille ses antécédents familiaux. Elle enregistre aussi les coordonnées des membres de la famille, pour que ceux-ci puissent être contactés en vue de passer le test de dépistage

Chez nous, on manque encore d’une infrastructure ad hoc mais nous espérons pouvoir y remédier rapidement. On a tout à gagner à pratiquer des dépistages précoces ! « , conclut le Pr Rietzschel.

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