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Entrainez vos muscles contre les maux de dos

Le rôle des muscles dorsaux a longtemps été sous-estimé. Selon une étude récente, les lombalgies récurrentes laissent des traces dans les muscles et dans le cerveau. La solution? Une thérapie active.

Environ un Belge sur quatre déclare avoir souffert de maux de dos au cours de l’année écoulée. Il s’agit le plus souvent de douleurs (récurrentes) dans le bas du dos, imputables à des causes multiples (hernie discale ou autre, surcharge musculaire ou articulaire, lésions...). Mais dans de nombreux cas, l’origine exacte de la douleur est impossible à déterminer, ce qui génère de l’anxiété.

« Le mal de dos fait encore souvent l’objet de stéréotypes obsolètes, analyse le Pr Lieven Danneels (département des sciences de revalidation, Université de Gand), spécialiste des problèmes de dos. Comme l’idée que l’imagerie médicale va permettre de tout résoudre. Or, ce n’est généralement pas le cas car l’examen d’imagerie met le plus souvent en exergue des lésions comme l’usure des disques intervertébraux ou une hernie qui ne provoque aucune douleur et vice-versa. »

La douleur dans le bas du dos ou lombalgie s’estompe naturellement, mais pas complètement. « Trois quarts des patients n’éprouvent plus de douleur au bout d’un mois. Elle disparaît en général grâce à l’activité et aux sédatifs. Le processus de guérison est accéléré par le personnel soignant qui coache le patient et l’aide à corriger une éventuelle compensation due à une mauvaise posture, une surtension, une surcharge... Mais une fois la douleur disparue, ces traumas laissent des traces dans l’organisme. Notre étude a montré que la lombalgie entraîne des changements au niveau des muscles dorsaux, d’où le risque élevé de récidive. Ces observations ne font que corroborer ce que nous constatons dans notre pratique quotidienne. La fréquence et l’intensité des lombalgies diminuent après un certain temps chez de nombreux patients. Mais les douleurs peuvent aussi se chroniciser. Pour bien cerner le phénomène, il faut comprendre le rôle des muscles dorsaux », résume le Pr Danneels.

Les douleurs dans le dos modifient en profondeur la structure des petits muscles.

LES GRANDS ET LES PETITS MUSCLES

Axe central du corps, le dos assure la stabilité, facilite l’amplitude et la souplesse des mouvements. Les différents muscles dorsaux jouent donc un rôle fondamental. Basé sur la coordination harmonieuse de deux groupes de muscles, le système musculaire est structuré de façon très ingénieuse. Les grands muscles dorsaux qui relient la nuque au bassin commandent les mouvements amples. Une série de petits muscles plus profonds, plus proches des articulations, agissent eux comme des senseurs qui enregistrent et corrigent constamment la posture et les mouvements. Ils font en sorte que le corps reste en équilibre. Les petits muscles se distinguent aussi des grands dorsaux par leur nature: ils sont composés de faisceaux de fibres destinés à fonctionner longtemps à faible intensité tandis que les grands muscles sont plus puissants mais moins endurants.

ABSENCE DE DOULEUR MAIS DOMMAGE RÉEL

« L’étude du mal de dos et des lombalgies a fait apparaître un étrange phénomène, à savoir une importante modification des petits muscles profonds. » Non seulement ils ne fonctionnent plus comme ils devraient mais se couvrent aussi d’une couche graisseuse, d’où un changement de la composition des fibres. Résultat: le fonctionnement des muscles profonds est perturbé et leur composition ressemble davantage à celle des grands muscles. Les grands muscles, à leur tour, essaient de compenser les manquements des petits muscles alors que ce n’est pas leur rôle. Ce dysfonctionnement musculaire se traduit pas une certaine rigidité, voire des contractures. C’est tout à fait normal au moment d’une lombalgie aigüe mais le fonctionnement musculaire doit redevenir progressivement normal pour une guérison complète.

« C’est ici que réside le problème. Nous avons cartographié le processus chez les patients souffrant de lombalgies en phase de rémission. Même s’ils ne ressentent plus aucune douleur à ce moment-là, nous avons constaté que leurs muscles profonds étaient toujours recouverts d’une couche graisseuse, que leur composition était différente, qu’ils se fatiguaient plus vite, qu’ils n’étaient plus aussi fonctionnels et que les grands muscles travaillaient deux fois plus pour compenser les manquements. Une guérison complète est dès lors impossible. Faute d’intervention, la situation risque de s’aggraver. Plus les traumas se multiplient, plus la douleur se prolonge et plus la qualité des muscles profonds se détériore. Un cercle vicieux peut alors s’enclencher et contribuer à chroniciser les douleurs. »

La douleur chronique

Le mal de dos chronique a une part psychologique. La perception de la douleur et le stress accentuent en effet la sensation de douleur. Chez les personnes qui ont des douleurs chroniques, l’hyperactivité du système nerveux central cause une hypersensibilité des centres de la douleur du cerveau. Un picotement à peine discernable par une personne en bonne santé peut être très douloureux chez un patient chronique. « Chez les patients chroniques, le traitement consiste à se faire une idée précise de la douleur, gérer son stress et suivre une kinésithérapie appropriée. Cela commence par une éducation de la douleur où on explique au patient ce qu’est exactement la douleur et ce qui se passe au niveau du dos. Dans le cas de la lombalgie chronique, la douleur est mauvaise conseillère. La douleur aigüe agit comme un signal d’alarme, contrairement à la douleur chronique. Nous préconisons la pratique d’exercices progressifs, répartis en blocs. »

DES CHANGEMENTS RÉVERSIBLES

La bonne nouvelle, c’est que ces changements musculaires sont réversibles. « Plusieurs études de faible envergure le laissaient déjà présager. Une étude de plus grande importance actuellement en cours teste une approche ciblée auprès d’un groupe de patients souffrant de lombalgies. Ils suivent une thérapie sensorimotrice qui traite le mal à la racine, c’est-à-dire les muscles profonds. Le traitement consiste, dans un premier temps, à activer les petits muscles dorsaux. Des techniques de respiration et des exercices appropriés aident à prendre conscience des muscles profonds, à les utiliser et à les contracter. Ensuite, les exercices sont développés progressivement de manière à solliciter les autres muscles dorsaux. Le but ultime est de rationnaliser la cohésion entre les petits et les grands muscles. Les résultats obtenus chez les patients testés seront ensuit comparés à ceux qui ne suivant pas de thérapie ou une kinésithérapie classique. »

75% des lombalgies s’estompent au bout d’un mois, 90% au bout de trois mois.

C’EST AUSSI DANS LA TÊTE

Le mal de dos chronique provoque des changements dans le cerveau qui envoie des messages nerveux aux muscles. « Chez les personnes en bonne santé, chaque muscle est commandé par un endroit bien précis du cerveau. Chez celles qui ont des lombalgies, les parties du cerveau qui commandent les muscles profonds semblent coïncider avec celles qui commandent les grands muscles superficiels. Ce constat corrobore nos observations: les grands muscles reprennent le rôle des petits muscles. Le cerveau s’adapte ainsi aux changements intervenus au niveau musculaire. Ce qui explique aussi pourquoi les groupes musculaires ne fonctionnent plus de façon harmonieuse. »

QUE FAIRE?

L’école du dos « L’école du dos n’est pas toujours la solution idéale aux lombalgies, tempère le Pr Danneels. L’approche classique apprend à s’asseoir le dos droit, à soulever un poids et à faire tous les autres mouvements sans se faire mal. De bons réflexes très utiles en phase de douleur aigüe car il s’agit alors de ménager son corps pour l’aider à se rétablir. Mais pour une guérison optimale, il faut revenir le plus vite possible à une activité normale. Le dos est fait pour bouger. Autrement dit, il faut solliciter les muscles dorsaux de façon progressive pour les renforcer. Si vous économisez vos mouvements, vos muscles ne se renforceront pas et vous risquez d’instaurer un cercle vicieux avex à la clé des douleurs de plus en plus fréquentes. L’extrême prudence peut se justifier dans ces situations délicates où il faut se pencher brusquement ou rester assis sur une chaise inconfortable. Mais si vous prenez l’habitude de ménager constamment vos muscles, le moindre mouvement effectué en-dehors de votre zone de confort risque de générer un trauma douloureux. Ce qui vous conforte dans l’idée qu’il faut absolument épargner votre dos, alors qu’il faudrait au contraire mieux doser l’effort et accroître progressivement la charge. »

Cette approche n’est pas facile. « C’est un exercice d’équilibre très délicat tant pour le patient que pour le thérapeute. Toute la difficulté consiste à stimuler suffisamment les muscles sans les surcharger. En ce qui concerne les patients au dos très sensible, il est possible de soulager la douleur mais ils ne recouvreront jamais toute leur capacité de charge. »

Doser et varier. Quid si vous craignez de bouger par peur de la douleur? « C’est tout à fait compréhensible. D’où l’importance de bien informer le patient. Le fait de se mouvoir normalement ne peut pas occasionner de douleur. Mieux encore: du fait du mouvement, l’organisme libère des substances analgésiques. On pourrait comparer cela avec une coupure à la main. Les premiers jours, on laisse la blessure guérir mais au bout d’un certain temps, on commence à réutiliser sa main normalement. Un geste trop énergique et la blessure peut se rouvrir et saigner. Il en va de même pour le dos. Doser et varier les exercices, telle est la consigne. Privilégiez les activités que vous aimez: la marche, le vélo, la natation, le jardinage... Et changez régulièrement de position. »

La gestion du stress. Le stress a également une influence non négligeable sur la guérison. Dans le cadre d’une étude, on a provoqué de petites lésions dans la bouche d’étudiants pendant la période des examens et pendant les vacances. Le résultat est sans appel: la guérison est nettement plus lente quand l’étudiant est sous pression. « Le stress a pour effet de réduire la résistance de l’organisme, d’où un risque accru de blessure, et le niveau d’endurance de la douleur, d’où un ressenti exacerbé. Il peut donc s’avérer utile d’apprendre à mieux gérer son stress par la pratique du yoga, de la relaxation, de la méthode Pilates, etc. Une bonne alimentation et un sommeil suffisant sont tout aussi indispensables pour bien récupérer. »

5 Conseils en or

  1. Bougez à intervalles réguliers en cours de journée. C’est nettement plus productif qu’une séance hebdomadaire de sport intensif. Variez les positions, surtout lorsque vous êtes assis.
  2. Faites des exercices simples. Asseyez-vous, par exemple, sur une chaise le dos droit avec les hanches un peu plus haut que les genoux et les pieds sous la chaise. Basculez 10 fois le bassin en avant et en arrière.
  3. Ne vous inquiétez pas trop si vous éprouvez une douleur dans le dos. Elle disparaîtra plus que probablement toute seule.
  4. N’hésitez pas à vous enfoncer confortablement dans le canapé. Il est bon d’étirer le dos de temps en temps.
  5. Dormez suffisamment. La nuit, les disques intervertébraux doivent récupérer de la charge endurée en journée.

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