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Douleur chronique, les pouvoirs du cerveau

Lorsque la douleur elle-même devient une maladie, il n’existe généralement pas de solution toute faite. Tout au plus peut-on la combattre sur plusieurs fronts et, dans ce combat, le pouvoir du cerveau joue un rôle déterminant.

Lorsque la douleur persiste plus de trois mois, elle est considérée comme chronique. Contrairement à la douleur aiguë à laquelle on peut remédier en s’attaquant à la cause, la douleur chronique est beaucoup moins un symptôme que le révélateur d’une pathologie sous-jacente. « Elle résulte généralement d’une combinaison de facteurs physiques, génétiques, environnementaux, psychologiques et sociaux, explique le Pr Bart Morlion, spécialiste de la question au Centre de la douleur de l’UZ Leuven. Les deux derniers sont quasi systématiquement présents mais il n’est pas toujours aisé de le faire comprendre aux patients. » Les personnes socialement vulnérables ou isolées sont ainsi plus exposées au risque de douleur chronique. De la même manière, les personnes présentant un faible niveau d’éducation sont plus souvent touchées que celles ayant un niveau d’éducation élevé et sont aussi davantage exposées à l’incapacité de travailler. « On constate que les femmes sont plus sujettes à la douleur chronique que les hommes et que les traumatismes de l’enfance affectent la sensibilité à la douleur plus tard dans la vie. »

Près d’un Belge sur quatre souffre d’une forme ou l’autre de douleur chronique.

Un signal d’alarme

« Le mécanisme de la douleur agit comme une alarme incendie. Il fonctionne très bien lorsque la douleur est aiguë mais peut devenir hypersensible et continuer à envoyer des signaux d’alarme au cerveau alors qu’il n’y a pas ou plus de feu , poursuit le Pr Morlion. A ce stade, les traitements localisés n’ont pas de sens puisqu’il n’y a pas ou plus de feu à éteindre. Le problème se situe au niveau du système d’alarme, du mécanisme de la douleur. » Logée dans la moelle épinière, la « porte de la douleur » est grande ouverte alors que son rôle est de filtrer les signaux envoyés vers le cerveau. Conséquence directe: chez la plupart des patients, le moindre stimulus déclenche une réaction.

Une panoplie de traitements

La douleur chronique peut bouleverser votre vie et celle de votre entourage. Pour Marthe, 71 ans, par exemple, tout a commencé par une douleur persistante au genou, dont la cause n’a pu être clairement établie et qu’aucun traitement n’a réussi à soulager. « Jusqu’au jour où cette douleur est apparue, je menais une vie active et joyeuse. Mais petit à petit, j’ai été obligée d’annuler mes rendez-vous avec mes amis et j’ai même fini par renoncer à garder mes petits-enfants. Je me suis laissée envahir par le désespoir et la dépression s’est installée. C’est grâce au soutien d’un kinésithérapeute et d’un psychologue que j’ai enfin pu reprendre pied. La douleur n’a pas disparu mais au moins elle ne m’enferme plus. »

La douleur chronique peut prendre différentes formes et se manifester en différents endroits. Il existe une panoplie de traitements reposant sur trois grands piliers. « Il s’agit d’une approche holistique: on tient compte du patient dans sa globalité, on s’intéresse aussi bien au corps qu’à l’esprit. La collaboration de toutes les personnes concernées est essentielle: soignants et patients font chacun leur part de travail », souligne le Pr Morlion. Les deux premiers piliers rassemblent tout ce qui a trait aux thérapies par le mouvement. L’activité physique a un effet analgésique même si, au début, il faut surmonter bien des réticences. Par ailleurs, on a également recours à des interventions médico-techniques comme les infiltrations ou la thérapie par perfusions. Les médicaments, dont les analgésiques, font également partie des traitements bien que l’on sache que la douleur chronique ne répond pas nécessairement bien aux produits à base de morphine.

Une expérience émotionnelle

L’approche psychosociale constitue le troisième pilier. « C’est souvent la partie la plus difficile pour le patient mais c’est aussi la plus bénéfique. La douleur chronique est une expérience émotionnelle qui est vécue de manière très personnelle. En analysant les processus cérébraux qui sous-tendent les émotions, on constate qu’ils coïncident à 90% à ceux qui sous-tendent la douleur et cela, indépendamment de la cause de la douleur. C’est pourquoi la perception de la douleur varie énormément d’une personne à l’autre et, pour une même personne, d’un jour à l’autre. »

Le contexte et l’environnement jouent également un rôle important. Tout ce qui contribue à gérer vos émotions influence l’expérience de la douleur. « Nous expliquons aux patients comment le cerveau influe sur les processus physiques. Pour appréhender au mieux la douleur, les patients doivent posséder de bonnes notions en matière de santé afin d’être plus à même d’exprimer ce qu’ils ressentent et de faire des liens. Ainsi, lorsqu’ils prennent conscience que la douleur est plus intense les jours où rien ne va, nous essayons de leur faire comprendre que l’inverse peut être vrai aussi et qu’ils peuvent en tirer profit. Nous apprenons aux patients à accepter que, dans la plupart des cas, la douleur ne disparaîtra jamais complètement mais que par la force mentale, ils peuvent apprendre à vivre mieux malgré la douleur. »

Les aliments qui soulagent

  • Le surpoids augmente la pression sur les articulations et entretient l’inflammation.
  • Manger à des horaires irréguliers peut causer des troubles du sommeil qui influent eux-mêmes négativement sur la douleur.
  • Les polyphénols présents dans les fruits et légumes réduisent le risque d’inflammations et la production de radicaux libres nocifs qui peuvent endommager les tissus.
  • À l’instar de l’huile d’olive, les acides gras oméga 3 ont un effet anti-inflammatoire. On en trouve dans les poissons gras, l’huile de lin et de colza et les noix.
  • Évitez les graisses saturées et les acides gras trans.
  • Buvez beaucoup d’eau. La déshydratation peut augmenter la sensibilité à la douleur et ralentir la cicatrisation des plaies.
  • Consommez beaucoup de fibres.
  • Limitez la consommation de boissons et d’aliments sucrés car ils augmentent le risque d’inflammations et d’oxydation, ce qui a un effet négatif sur le ressenti de la douleur.

Le principe de la diversion

Parmi les stratégies utilisées pour interférer dans les mécanismes cérébraux, beaucoup se fondent sur le principe de la diversion: votre cerveau perçoit avec plus d’acuité ce sur quoi vous concentrez toute votre attention. « Imaginez qu’au cours d’une discussion animée autour du barbecue quelqu’un vous brûle par inadvertance avec sa cigarette. Ce stimulus vous paraîtra peu douloureux. En revanche, si vous êtes attaché à une chaise et qu’un tortionnaire vous brûle la main avec une cigarette, vous ressentirez le même stimulus avec beaucoup plus d’intensité. »

La diversion – le détournement de l’attention – stimule les systèmes analgésiques du cerveau, l’aidant ainsi à fermer la porte de la douleur. « J’utilise souvent l’image du regard: au réveil, le regard du patient ne voit que la douleur et rien d’autre. En le distrayant, nous essayons de la repousser jusqu’aux coins des yeux. Elle est toujours présente mais laisse entrevoir d’autres choses. » La thérapie d’acceptation et d’engagement ( Acceptance and Commitment Therapy ou ACT) est internationalement reconnue pour son efficacité dans la lutte contre la douleur chronique. « Elle combine la thérapie cognitivo-comportementale et la prise en compte des aspects psychosociaux. Elle n’est pas utilisée seule mais en parallèle à la revalidation, à la kinésithérapie et à l’exercice physique. Ces dernières années, on a accordé beaucoup plus de place aux différentes techniques jouant sur le corps et l’esprit, car elles ont prouvé leur utilité. Je songe notamment à la pleine conscience où la force mentale est utilisée pour atténuer les signaux de douleur et retrouver un meilleur contrôle physique.

Le cerveau perçoit avec plus d’acuité ce sur quoi on concentre.

Des techniques telles que le taï-chi, l’hypnose et l’auto-hypnose, la méditation et la visualisation, les techniques de respiration, la relaxation et la détente musculaire peuvent également faire du bien. La composante sociale ne doit pas non plus être sous-estimée. La pratique en groupe du yoga, du taï-chi, de la musicothérapie et de bien d’autres disciplines constitue une énorme valeur ajoutée en raison de l’interaction avec les autres. »

L’importance de la communication

La manière dont on communique à propos de la douleur chronique a un impact important. « En Belgique, le traitement de la douleur est traditionnellement l’affaire des anesthésistes. Mais notre formation est encore trop exclusivement technique et médicale, la communication empathique étant trop peu étudiée. Aujourd’hui cependant, les soignants accordent beaucoup plus d’attention à la communication sur l’expérience de la douleur.

Si les patients attendent souvent beaucoup d’une intervention, nous essayons de ne pas leur donner de faux espoirs mais d’être au plus près de la réalité en effectuant un petit test préalable pour mesurer l’effet de l’intervention éventuelle. Nous ne la pratiquons que s’ils jugent eux-mêmes qu’elle leur apportera un soulagement.

Cette manière de procéder leur fait voir les choses différemment. Mais nous savons que le fait d’être trop informé avant une opération peut être contre-productif. En effet, comme les patients sont informés des possibles effets secondaires, certains les signalent à tort... parce qu’ils s’y attendent! » La douleur que ressent un patient n’est jamais remise en question. « Penser que la douleur puisse être objectivement mesurable est totalement absurde. Ce n’est que très exceptionnellement le cas bien que cela aille à l’encontre de ce que souhaitent les médecins du travail. Aujourd’hui, nous écoutons attentivement la douleur que nous décrit le patient et tentons de lui donner une vision la plus claire possible des processus qui sont à l’oeuvre. »

Des plantes analgésiques

Les plantes et les herbes aux vertus médicinales sont connues depuis la nuit des temps mais elles connaissent aujourd’hui un net regain d’intérêt. « C’est absolument passionnant. D’ailleurs, de nombreux médicaments sont basés sur des substances actives tirées de plantes mais, malheureusement, les recherches en la matière ne reçoivent pas assez de moyens. Vous savez comme moi qu’il n’existe pas de grands lobbies du gingembre ou de la menthe... Or, beaucoup d’analgésiques traditionnels ne sont pas assez efficaces pour un certain nombre de patients.

Des herbes telles que la verveine citronnelle, la menthe poivrée, le gingembre ou les piments possèdent des propriétés analgésiques ou anti-inflammatoires. L’huile de menthe, par exemple, est utilisée pour les maux de tête car elle insensibilise les nerfs hypersensibles. Attention, ce n’est pas non plus la panacée. Seule une approche combinée de tous les facteurs qui agissent sur la douleur peut amener un réel soulagement. »

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