Don d’organes : la vie en cadeau

La loi stipule que tout Belge qui ne s’y oppose pas expressément est un donneur potentiel. Ceci n’empêche qu’à la veille de la Journée mondiale du don d’organes, deux personnes en attente d’une greffe d’organe meurent chaque semaine. Le point sur la pénurie d’organes malgré 10 millions de donneurs potentiels.

Le 14 octobre a été déclaré Journée mondiale du don d’organes par l’Organisation mondiale de la santé. Le moment de faire le point sur le don d’organes et les transplantations dans notre pays. Nous avons rencontré Walter Van Donink, coordinateur des transplantations à l’hôpital universitaire d’Anvers.

Grâce à notre loi sur le don d’organes, la Belgique tire son épingle du jeu. Néanmoins, il y a pénurie d’organes. Pourquoi ?

Walter Van Doninck : L’âge moyen des donneurs a augmenté, d’où la diminution du nombre de donneurs « idéaux » dont tous les organes peuvent être prélevés. En cause, la diminution du nombre de jeunes victimes de la route. On a partiellement remédié à cette évolution en aménageant les critères à remplir par les donneurs. Avant, on n’utilisait jamais les organes des plus de 60 ans, aujourd’hui il n’y a plus de limite d’âge stricte. Cela permet de maintenir le nombre de donneurs à un niveau stable, mais le nombre d’organes prélevés par donneur est moindre.

À cela s’ajoute que le nombre de candidats pour une transplantation a nettement augmenté. Les connaissances et expériences accumulées permettent d’envisager une transplantation pour de plus en plus de pathologies et les possibilités de maintenir une personne en vie dans l’attente d’une greffe d’organe se sont, elles aussi, améliorées.

2 % de la population exprime une opposition expresse au don d’organes. Les 98 % restants sont-ils des donneurs potentiels ?

Non, pour être donneur potentiel, une personne doit être déclarée cérébralement morte, son sang doit continuer à circuler et ses organes doivent rester intacts grâce à un appareil de respiration artificielle. Seuls entrent donc en ligne de compte ceux qui décèdent au service des soins intensifs d’un hôpital. Cela représente une minorité des décès.

S’y ajoute encore un petit groupe de donneurs en arrêt cardiorespiratoire. Ce sont, par exemple, ceux qui ont été réanimés mais dont la réanimation a échoué et sur qui des organes comme le foie et les reins peuvent être prélevés. Ou les malades pour qui on décide de ne pas faire d’acharnement thérapeutique. En agissant immédiatement, il est parfois possible de prélever foie et reins. Mais c’est une démarche particulièrement difficile d’un point de vue éthique et psychologique pour la famille et pour le personnel médical. Tout doit aller très vite...

De l’ensemble de ce groupe il faut encore éliminer 15 à 20 % à cause du refus de la famille. Nous ne demandons jamais directement si nous pouvons prélever des organes du défunt. Ce serait un choc trop violent pour la famille. Nous lui indiquons que le défunt pourrait être un donneur compatible, tout en précisant qu’elle peut refuser. À nos yeux, il serait éthiquement incorrect de lancer une procédure sans en informer la famille. Nous estimons donc ne pas pouvoir appliquer la loi à la lettre. Cela n’augmenterait d’ailleurs pas le nombre de donneurs car il ne faudrait pas longtemps avant que des récits de familles s’estimant maltraitées ne fassent les choux gras de la presse. Un climat négatif serait ainsi créé autour des transplantations et davantage de personnes manifesteraient expressément leur opposition.

Notre façon de procéder est bien mieux acceptée par les familles et lorsqu’un proche du défunt a des doutes, nous pouvons plus facilement en parler. Nous ne forçons jamais une décision.

Comment se déroule le don d’organes ?

Dès que la personne est déclarée cérébralement morte et que la famille a fait ses adieux, la procédure de transplantation démarre. La dépouille du défunt est traitée comme s’il s’agissait d’une opération. Les plaies sont recousues avec soin et le corps est mis en bière de manière à ce que la famille qui vient se recueillir le lendemain ne remarque rien de l’intervention.

Qui désigne le candidat receveur qui bénéficiera des organes ?

C’est la mission d’Eurotransplant, une organisation internationale qui regroupe tous les centres de transplantation du Benelux, d’Allemagne, d’Autriche et de Slovénie. Dès qu’un candidat receveur entre en ligne de compte pour une transplantation, il est inscrit sur une liste d’Eurotransplant, qui recueille également toute une série de données le concernant. La place occupée sur la liste est déterminée par un système de points prenant en compte divers critères...

Dès qu’il y a un donneur, ses données sont envoyées à Eurotransplant. Une série de données médicales jouent un rôle primordial dans l’attribution d’organes : les types de tissus doivent être compatibles afin de limiter les risques de rejet, le volume de l’organe, le pays dans lequel se trouvent donneur et receveur. Pour un c£ur, par ex., il ne peut pas se passer plus de 4 heures entre l’arrêt de la circulation sanguine du donneur et la reprise de la circulation sanguine du receveur. C’est sur la base de tous ces éléments qu’Eurotransplant détermine le candidat receveur d’un organe. Le centre de transplantation de cette personne est ensuite informé. L’équipe médicale de ce centre peut éventuellement refuser l’organe si elle estime qu’il n’est pas optimal pour le candidat receveur. Dans ce cas, l’organe va au deuxième de la liste qui attend le même organe, peut-être dans un autre centre, voire dans un autre pays.

Grâce à ce système, le commerce d’organes est totalement exclu. Chaque candidat receveur est enregistré auprès d’Eurotransplant. On pose des questions si une personne disparaît soudainement de la liste... De même, chaque don d’organes est décidé et enregistré par Eurotransplant.

Une personne greffée peut-elle savoir de qui elle a reçu un organe ?

Non. La loi interdit que l’identité du donneur ou du receveur soit communiquée. Mais tant la famille du donneur qu’un transplanté peut garder le contact avec le coordinateur des transplantations. Par son intermédiaire un transplanté peut, par exemple, transmettre une lettre de remerciement à la famille d’un donneur. Cela doit se faire sous pli ouvert de manière à ce que nous puissions contrôler que rien ne permet d’identifier l’expéditeur.

Si nous estimons que la lettre contient des détails trop précis, nous les supprimons. La famille d’un donneur peut demander quels organes ont été prélevés. Elle peut aussi demander leur destination et elle peut être tenue au courant, si elle le souhaite, de l’état de santé de la personne greffée. Mais c’est laissé à son libre choix.

Que faire quand on veut absolument faire don de ses organes ?

De la même manière que l’on peut s’y opposer à la commune, on peut donner son accord explicite au prélèvement d’organes après son décès. Cela se passe de la même manière et l’information est stockée dans la même banque de données. Lorsqu’un donneur potentiel décède, nous pouvons donc immédiatement savoir s’il a exprimé une opposition expresse ou un accord explicite. Dans les deux cas, la famille ne peut plus revenir sur cette décision.

Mais pour avoir plus d’organes il n’est pas vraiment nécessaire que d’avantage de personnes fassent enregistrer leur accord explicite. Il est surtout important que le don d’organes ne soit plus un sujet tabou, que les gens y réfléchissent et en parlent à leur proche famille de façon à ce que celle-ci connaisse leur point de vue sur la question. Il lui sera alors bien plus facile d’accepter la décision.

La situation est un peu comparable avec la crémation. Il y a quelques années, beaucoup de gens y étaient réticents. Cet usage est aujourd’hui entré dans les moeurs et rares sont ceux que cela offusque. Il faudrait en arriver à une acceptation similaire pour la transplantation d’organes. Davantage de patients atteints d’une maladie susceptible d’entraîner la mort pourraient ainsi recevoir une nouvelle chance.

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