Désensibilisation : bientôt des pilules en lieu et place des seringues

Nez bouché, éternuements, larmoiement... c’est la saison des rhumes des foins. Pourtant, la désensibilisation pourrait soulager pas mal de patients – et c’est d’autant plus vrai que les injections pourraient prochainement céder la place à un traitement oral !

La firme française Stallergènes et son homologue danoise Alk Abello ont en effet développé une pilule qui devrait débarrasser durablement les personnes qui souffrent de rhume des foins de leur allergie aux pollens de graminées. Le médicament contient le pollen de cinq espèces responsables, ensemble, d’une bonne partie des rhinites allergiques saisonnières (nez qui coule ou bouché, larmoiement et/ou sensation de brûlure au niveau des yeux). Déjà disponible dans certains de nos pays voisins, il devrait faire son apparition chez nous à la fin de l’année. Cette nouvelle forme d’immunothérapie spécifique (également appelée désensibilisation ou vaccin anti-allergique) est susceptible de rendre la désensibilisation des patients atteints de rhume des foins nettement plus simple, mais aussi plus sûre. Le Dr Charles Pilette, des Cliniques universitaires Saint-Luc de Bruxelles, nous explique les grands principes de ce traitement.

Une piqûre contre les piqûres (d’abeilles)

Dr Charles Pilette :  » Il existe deux grands groupes d’allergies susceptibles de bien répondre à l’immunothérapie. Le premier est celui des allergies aux venins d’hyménoptères (abeilles, guêpes...). Dans ce cas de figure, on ne procèdera toutefois à la désensibilisation qu’en cas de réaction généralisée touchant plusieurs organes, ou réaction anaphylactique – sauf chez les personnes que leur profession ou hobby expose à un risque de piqûres fréquentes, comme les apiculteurs.

Cette désensibilisation se fait exclusivement sous la forme d’injections, à n’administrer que sous la surveillance d’un médecin.

La première étape est de déterminer à quel allergène spécifique (abeille, guêpe...) le patient réagit ; le plus souvent, il suffira pour cela de l’interroger. Des tests devront ensuite établir s’il se produit une réaction IgE-dépendante (une réaction allergique caractéristique).

Une fois que l’allergène est connu, il sera possible de procéder à la désensibilisation selon plusieurs schémas, dont l’un permet d’obtenir un résultat endéans le mois. La procédure est presque toujours débutée à l’hôpital, parfois dans le cadre d’un bref séjour de 24 heures. Les injections suivantes seront ensuite réalisées à intervalles d’un mois dans un premier temps, puis espacées de plus en plus. Au final, la durée entre deux piqûres pourra ainsi être allongée jusqu’à 12 semaines, ce qui rend le traitement nettement moins lourd.

Le schéma complet s’étale sur 5 ans en moyenne, mais il arrive que les injections doivent être administrées à vie chez les personnes à risque. « 

Nez qui coule, yeux qui pleurent et asthme

 » Le second groupe de patients susceptibles de retirer un bénéfice de l’immunothérapie spécifique est celui des personnes atteintes d’allergies respiratoires, comme la rhinite allergique ou l’asthme « , poursuit le Dr Pilette.  » Dans ce cas de figure, les indications de l’immunothérapie sont un peu plus complexes. Ce traitement ne concerne évidemment que les formes de rhinite ou d’asthme qui présentent une forte composante allergique ; l’efficacité maximale est observée dans les allergies aux pollens, principalement ceux du bouleau ou des graminées.

Une première condition est que le patient ne souffre pas d’autres allergies marquées. Il peut présenter une polysensibilisation – comprenez : les tests peuvent démontrer une sensibilité à d’autres allergènes – mais sans que celle-ci n’engendre de symptômes importants.
La seconde condition est que la personne souffrant d’une allergie saisonnière ne réagisse pas ou pas suffisamment aux traitements symptomatiques classiques par antihistaminiques, corticoïdes en spray... « 

Acariens

 » Abstraction faite des pollens, c’est pour les acariens que la désensibilisation a été le mieux étudiée. Par contre, l’expérience en la matière est limitée pour les allergies aux animaux comme les chiens ou les chats, et quasi inexistante pour les allergies aux moisissures.

Les études menées dans le cadre d’allergies aux acariens révèlent que les résultats de la désensibilisation sont moins marqués que pour une allergie aux pollens. Un certain nombre de patients affligés d’une rhinoconjonctivite (nez qui coule, yeux rouges) ou d’une rhinite allergique (principalement nez bouché ou qui coule) sévères provoquées par les acariens répondent néanmoins très bien à une immunothérapie spécifique.

Pour l’heure, il reste malheureusement impossible de prédire si l’immunothérapie sera ou non efficace chez une personne donnée. Les meilleurs résultats sont généralement obtenus chez des sujets relativement jeunes et chez qui seuls les acariens, à l’exclusion de tous les autres allergènes, provoquent des symptômes allergiques marqués.

L’immunothérapie ne sera utilisée que chez les patients qui souffrent surtout de rhinite ; ceux qui ne présentent que des symptômes asthmatiques ne seront pas désensibilisés, car on sait que c’est chez eux que le traitement sera le moins efficace. « 

De nouvelles formes, un risque réduit

 » L’immunothérapie, surtout sous la forme d’injections, comporte toujours un certain risque de réaction allergique au vaccin lui-même. C’est chez les patients qui présentent des symptômes asthmatiques que ce danger est le plus marqué, en particulier lorsque l’asthme n’est pas parfaitement contrôlé.

Il y a quelques dizaines d’années, des cures de désensibilisation ont ainsi provoqué une vague de décès au Royaume-Uni, ce qui a fortement mitigé l’enthousiasme du monde anglo-saxon pour l’immunothérapie. C’est pour cette raison que ce traitement s’est trouvée relégué dans une sorte de zone grise dans les recommandations internationales de prise en charge de l’asthme.
Reste que lorsque les règles de bonne pratique sont respectées, les problèmes sont rares, voire inexistants. Il est important de suivre les schémas thérapeutiques préconisés et de réaliser les injections en sous-cutané, d’assurer une surveillance médicale au patient pendant les 30 minutes qui suivent l’administration et, en cas d’asthme, de s’assurer que celui-ci soit effectivement contrôlé.

Entre-temps, l’immunothérapie a toutefois connu un progrès important avec la mise au point de traitements de désensibilisation à administration orale, et plus spécifiquement sublinguale (sous la langue). Les premiers produits de ce type ont été mis sur le marché il y a une dizaine d’années, sous la forme de gouttes que le patient doit garder sous la langue pendant quelques minutes avant de les avaler. Parce qu’elle n’est pas encore reconnue par la FDA (la Food and Drug Administration américaine), cette forme sublinguale n’est toutefois pas encore reprise dans les recommandations internationales pour le traitement de l’asthme, mais uniquement dans celles qui concernent la rhinite allergique. Nous sommes donc actuellement dans une phase de transition, où le recours plus ou moins fréquent à l’immunothérapie dépendra surtout du médecin.

L’immunothérapie orale, sous la forme de gouttes et, bientôt, de pilules, s’accompagne d’un risque beaucoup moins important d’effets secondaires, alors que son efficacité est quasi identique – à condition, ici encore, d’exclure les patients dont l’asthme n’est pas bien contrôlé.
L’autre grand avantage de l’administration orale est que le patient peut suivre son traitement sans devoir systématiquement retourner chez le médecin pour sa piqûre. « 

Quand débuter ?

 » Dans le cadre des allergies saisonnières, l’immunothérapie sera débutée au moins trois mois avant le moment habituel d’apparition des symptômes.

Le traitement sous forme d’injections sera administré sans interruption pour éviter de devoir répéter chaque année une phase d’induction relativement lourde (avec augmentation progressive des doses). Le patient recevra initialement une injection par mois, puis une toutes les cinq voire six semaines au cours de la phase d’entretien, et ce durant trois à cinq ans.
Les formes sublinguales feront l’objet d’une administration plus saisonnière, car la désensibilisation est la plus efficace lorsque le patient est exposé simultanément au traitement et aux pollens. Et dans le cas d’un traitement oral, répéter chaque année la phase d’induction avant de passer à la dose d’entretien est évidemment beaucoup moins pesant.

L’efficacité à long terme d’un tel traitement saisonnier est toutefois encore mal connue ; il est donc trop tôt pour affirmer que le résultat à long terme sera comparable à celui d’un médicament administré tout au long de l’année. « 

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