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Dépister le cancer de la prostate, une décision personnelle

Le dépistage du cancer de la prostate est-il conseillé ou non ? Les examens ne sont-ils pas à l’origine de traitements, de complications et d’inquiétudes inutiles?

La controverse sur le cancer de la prostate a refait surface ces derniers mois. Une action ludique mettant en scène une prostate géante invitant les hommes à se faire dépister à partir de 50 ans est en effet restée en travers de la gorge de certains. Mais où en est la science et comment faire les bons choix ?

Faut-il encourager le dépistage préventif et si oui, pour qui?

Dr. Tibaut Debacker, urologue : C’est une décision personnelle que chaque homme doit prendre sur base d’une bonne information, en accord avec son/ses médecin(s) et ses proches. L’avantage d’un dépistage précoce est de pouvoir entamer un traitement moins agressif que si la maladie est diagnostiquée à un stade plus avancé. Il faut savoir qu’au début, le cancer de la prostate ne s’accompagne pas de symptômes ou signes spécifiques. Ceci dit, les inconvénients du dépistage précoce sont bien réels, comme le risque de sur-traitement et d’effets secondaires (incontinence, problèmes d’érection...).

Dans de nombreux cas, le cancer de la prostate est une sorte de maladie chronique qui évolue très lentement et peut perdurer sans traitement pendant des années, sous contrôle. Le dépistage est inutile chez les hommes de plus de 80ans. Le test PSA préventif coûte environ 15 ? et n’est plus remboursé. Les hommes à risque génétique accru ont tout intérêt à se faire dépister à partir de 45-50 ans, à savoir ceux dont un parent du premier degré souffre d’un cancer de la prostate ou du sein, ou dont les membres de la famille sont souvent victimes de la maladie. Les hommes d’origine africaine sont génétiquement plus exposés.

En quoi consiste le dépistage du cancer de la prostate?

Le dépistage du cancer de la prostate consiste à mesurer le taux de PSA dans le sang et à pratiquer un toucher rectal. PSA est l’abréviation de Prostate Specific Antigen, une protéine sécrétée par la prostate. Ceci dit, le PSA est un marqueur peu fiable car de nombreux facteurs peuvent influencer le taux de PSA. Il existe différentes méthodes pour affiner les résultats du dosage de PSA. Nous suivons l’évolution du PSA dans le temps et en surveillons la densité. Chez les hommes dotés d’une grande prostate, un taux de PSA plus élevé n’a rien d’alarmant et doit donc être interprété différemment que pour une prostate de plus petite taille. En outre, le taux de PSA peut augmenter pour toutes sortes de raisons comme une manipulation rectale, une pratique intensive du vélo, une inflammation (a) symptomatique...

Le toucher rectal est tout aussi important. Il permet de constater des anomalies comme une prostate anormalement dure ou la présence d’un nodule par exemple. C’est souvent beaucoup plus révélateur. Un homme présentant un taux de PSA peu élevé et un nodule dur peut souffrir d’un cancer très agressif. Atteints du cancer, les tissus de la prostate ne sont parfois plus capables de produire de PSA.

On a de plus en plus souvent recours à l’IRM (imagerie par résonance magnétique) pour décider de l’utilité d’une biopsie. Le scan permet d’éliminer deux tiers des biopsies et si biopsie il y a, de mieux la cibler et ainsi d’éviter des biopsies complémentaires. C’est important car la biopsie peut entraîner des complications. Le diagnostic final est posé sur base de l’examen de biopsie qui permet de déterminer le score de Gleason, autrement dit le stade de développement de la tumeur.

Dépister le cancer de la prostate, une décision personnelle

Quels sont les différents traitements envisageables ? Un traitement est-il toujours utile ?

Avant, le cancer de la prostate était systématiquement traité, avec comme corollaire le risque de sur-traitement. Certains hommes étaient ainsi inutilement exposés à la toxicité de la thérapie. On considère aujourd’hui que tout cancer de la prostate doit être diagnostiqué mais pas nécessairement traité. La décision se prend en accord avec le patient. Si l’examen révèle un cancer non disséminé, nous définissons un profil de risque personnel qui tient compte à la fois des résultats cliniques – toucher rectal, taux de PSA et score de Gleason – et de l’espérance de vie. En fonction de quoi le patient est catégorisé dans le groupe à faible, moyen ou haut risque.

La progression de la maladie est pour ainsi dire nulle chez la plupart des hommes du groupe à faible risque. Une surveillance active suffit amplement. Le message passe parfois mal chez certains hommes psychologiquement sous pression depuis que le mot cancer a été prononcé. Ils ont du mal à accepter le fait qu’aucun traitement n’est entrepris. C’est pourquoi j’essaie de les préparer à tous les scénarios possibles avant l’IRM. La plupart n’aura probablement pas besoin de traitement. Chez 30% des patients, la tumeur finit par progresser mais le traitement peut être longtemps postposé.

Un traitement actif est généralement proposé au groupe intermédiaire, à savoir chirurgie- ablation complète de la prostate (prostatectomie radicale), radiothérapie ou surveillance active dans certains cas. Pour le groupe à haut risque, il se peut qu’une petite partie des cellules cancéreuses se soit déjà disséminée, auquel cas le traitement combine radiothérapie et hormonothérapie. Chez les hommes dont l’espérance de vie est estimée à moins de dix ans, on préconise généralement le watchfull waiting. On n’intervient que si le cancer provoque trop de désagréments.

Le cancer de la prostate est un marathon pour de nombreux hommes qui doivent apprendre à vivre avec la maladie pendant de nombreuses années. On ne peut véritablement parler de guérison qu’au bout de quinze ans. Cette épreuve de longue durée n’a rien à voir avec l’image qu’en donnent les médias qui se plaisent à épingler les cas dramatiques de cancer de la prostate fulgurant à l’issue fatale. C’est l’exception qui confirme la règle! Nous ne disposons pas encore de biomarqueurs fiables pour savoir s’il s’agit d’un cancer de la prostate bénin ou malin. Les études actuellement en cours visent à déchiffrer les gènes des tumeurs prostatiques afin de pouvoir déterminer quel type de cancer nécessite un traitement précoce.

Quels sont les risques et inconvénients des traitements actuels?

Les principaux risques liés à l’ablation complète de la prostate sont l’incontinence urinaire et les troubles érectiles. Chez la plupart des hommes, les problèmes d’incontinence urinaire disparaissent après un certain temps grâce à des séances de kinésithérapie intensive. Les troubles érectiles sont plus fréquents. Il existe différentes solutions mais elles ne sont pas applicables à tous. La radiothérapie ne cause pas de gros problèmes. Le gonflement de la prostate entraînant un blocage douloureux est plutôt rare. L’érection se fait encore mais peut rapidement perdre en intensité. Quelques patients peuvent souffrir de radiocystite, avec les problèmes d’incontinence que cela entraîne. Quant à l’hormonothérapie, elle provoque les mêmes désagréments que la ménopause chez la femme: bouffées de chaleur, sautes d’humeur, diminution de la masse musculaire, ostéoporose, prise de poids... Les effets peuvent perdurer encore des années après l’interruption de l’hormonothérapie.

Des diagnostics en recrudescence

Après une baisse de 2004 à 2014, le nombre de diagnostics de cancer de la prostate est en légère augmentation depuis quelques années. De 2014 à 2017, il a progressé de 4,7%, selon la Fondation Registre du cancer, des chiffres qui tiennent compte du vieillissement de la population.  » L’augmentation s’explique probablement par l’amélioration des techniques de diagnostic. Le perfectionnement des méthodes de dépistage grâce à l’utilisation de l’IRM et des biopsies plus ciblées s’est traduit par un nombre accru de diagnostics « , explique Dr. Liesbeth Van Eycken de la Fondation Registre du Cancer.

Faut-il en déduire que le risque de cancer de la prostate est plus important aujourd’hui ?  » Franchement, j’en doute très fort. La plupart des tumeurs prostatiques se développent très lentement. Rien ne corrobore la thèse d’un plus grand nombre de tumeurs à un stade plus avancé. « 

Le/la partenaire doit-il/elle être impliqué/e ?

C’est indispensable. Lorsqu’un patient apprend qu’il est atteint du cancer, il n’entend plus rien d’autre. Une oreille extérieure est donc toujours la bienvenue. Les deux partenaires doivent prendre ensemble la décision d’entamer un traitement ou non, avec l’avis du médecin. L’homme et son/sa partenaire ont tout le temps de se concerter car dans le cas du cancer de la prostate, il n’y a aucune d’urgence.

L’opération, la radiothérapie et l’hormonothérapie peuvent avoir un impact sur la vie sexuelle du patient. Il faut donc en parler avant. L’impossibilité d’avoir une érection ne pose aucun problème à certains hommes mais peut s’avérer traumatisante pour d’autres. Qui dit opération, dit infertilité. La radiothérapie et l’hormonothérapie peuvent, elles aussi, impacter la fertilité. Les hommes qui désirent avoir des enfants doivent en tenir compte.

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