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Comment apaiser les intestins enflammés

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), comme la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn, sont difficiles à vivre au quotidien. Heureusement, la recherche médicale s’annonce pleine d’espoir.

Lene, 62 ans, a découvert il y a 11 ans qu’elle souffrait de colite ulcéreuse. Elle fait partie des 30.000 Belges souffrant de maladie inflammatoire chronique intestinale, une MICI dans le jargon médical. « Dès que j’arrive quelque part, je repère les toilettes, confie-t-elle. Pour me sentir en sécurité. J’ai toujours du papier toilette et des sous-vêtements propres dans mon sac à main. Malheureusement, à cause de la fatigue, j’ai dû renoncer à mon emploi plein temps. »

COLITE ET CROHN, COMME FRÈRE ET SOEUR

La colite ulcéreuse affecte davantage les femmes, la maladie de Crohn plutôt les hommes. Le nombre de patients MICI ne cesse d’augmenter depuis quelques années et la maladie ne s’atténue nullement au fil du temps.

« La colite et la maladie de Crohn sont comme frère et soeur. À la fois ressemblants et différents », explique la professeure Séverine Vermeire, gastro-entérologue à l’université de Louvain. Dans le cas de la colite, les inflammations se manifestent uniquement dans le gros intestin. « La maladie débute toujours au niveau du rectum pour remonter dans le côlon. L’atteinte est continue mais les symptômes peuvent disparaître pendant plusieurs mois avant de se déclarer à nouveau. Chez certains patients, la maladie ne touche que quelques centimètres, chez d’autres tout le gros intestin est concerné.  » De son côté, la maladie de Crohn peut théoriquement se déclarer n’importe où dans le tube digestif, de la bouche à l’anus. Mais les inflammations se manifestent le plus souvent dans la dernière partie de l’intestin grêle, dans le gros intestin et au niveau de l’anus. Des segments de muqueuse touchée alternent avec des segments intacts.

La cause exacte de ces maladies auto-immunes reste inconnue. Plusieurs facteurs déclenchants font que le système immunitaire d’une personne ayant une susceptibilité génétique se retourne tout à coup contre sa propre flore intestinale, attaque l’intestin et les muqueuses. Quasi inexistantes dans les régions pauvres du globe, les maladies auto- immunes sont très fréquentes dans les pays industrialisés. « Cela tient à notre mode de vie, caractérisé par une alimentation ultra-transformée, l’utilisation d’additifs et la présence généralisée de microplastiques. Le stress et la pollution sont d’autres facteurs déclenchants ».

CINQ À VINGT FOIS AUX TOILETTES

Maux de ventre, crampes, diarrhée accompagnée de perte de mucus sont les symptômes les plus connus des MICI, qui peuvent aussi provoquer fièvre, perte de poids, fatigue chronique et sentiment de mal-être général. « Comme l’inflammation se localise dans la partie basse de l’intestin, la colite s’accompagne presque toujours de pertes de sang dans les selles. Le sentiment d’urgence est particulièrement difficile à gérer. Quand un patient MICI ressent un besoin pressant, il doit parfois courir pour se rendre aux toilettes à temps. »

En période de crise, il n’est pas rare de devoir se rendre aux toilettes 5 à 20 fois, de jour comme de nuit, ce qui peut occasionner des troubles du sommeil ainsi que des problèmes sociaux. « De nombreux patients ont du mal à parler de leur maladie. Le fait que la maladie se manifeste généralement à l’abri des regards ne facilite pas les choses », ajoute la gastro-entérologue.

En 30 ans, les ablations du côlon chez les patients atteints de colite ont diminué de moitié.

« Pourquoi ne viens-tu pas? Tu as l’air en forme en pourtant. C’est le genre de remarque que j’entends régulièrement. J’ai perdu pas mal d’amis à cause de ma maladie, confirme Lene. Car même en-dehors des crises, il arrive que je ressente un coup de fatigue soudain, au point de devoir m’en aller au beau milieu d’un souper. Difficile aussi d’organiser quoi que ce soit car je ne sais jamais dans quel état je serai.  »

AMÉLIORATION DES TRAITEMENTS

Les traitements de la colite ulcéreuse et de la maladie de Crohn ont beaucoup évolué ces dernières années et visent à éviter les crises le plus longtemps possible. Une véritable révolution médicale s’est produite au début du millénaire: les biothérapies. « Elles bloquent les protéines impliquées dans l’inflammation intestinale. Elles améliorent considérablement la qualité de vie de très nombreux patients et réduisent le nombre d’interventions chirurgicales de façon drastique. » Les biothérapies n’arrivent toutefois à normaliser complètement l’activité du système intestinal que chez 30% des patients MICI. Pour les 70% restants, le traitement a un effet positif mais les symptômes ne disparaissent pas complètement.

Par ailleurs, il est impossible de prédire la réaction du patient à la biothérapie. « La recherche de marqueurs se poursuit mais les patients doivent souvent essayer différents traitements avant de trouver le bon. »

TRANSPLANTATION FÉCALE

La transplantation fécale est une autre piste prometteuse. Plusieurs études ont montré que ce traitement peut constituer une solution pour les formes modérées de colite. « Le choix du donneur, hébergeant de bonnes bactéries intestinales, est fondamental, ajoute la spécialiste.Le traitement médical vise essentiellement à bloquer les inflammations tandis que la transplantation fécale a plutôt pour but de reconstituer la flore intestinale de manière à neutraliser les réactions du système immunitaire. »

La transplantation ne s’effectue pas (encore) par la simple absorption d’un cachet. Les selles du donneur sont introduites dans le tube digestif du patient au cours d’une coloscopie. L’examen réalisé quelques semaines plus tard doit permettre de vérifier si la transplantation a réussi ou non. « Nous déterminons quelles selles donnent les meilleurs résultats chez le patient et la composition exacte de la flore intestinale. L’étape suivante consiste à extraire les bactéries les plus efficaces, à les cultiver en laboratoire et à les administrer sous forme de cachet, une sorte de super probiotique capable de reprogrammer la flore intestinale. »

FAUT-IL CHANGER SON ALIMENTATION?

Les aliments et le type de préparation peuvent-ils influencer le système immunitaire au niveau de l’intestin? Les scientifiques étudient la possibilité de mettre au point un régime alimentaire exempt de tout conservateur et autres substances toxiques, ainsi que son effet sur la barrière intestinale. Mais il est illusoire de croire à l’interdiction de tous les additifs dans l’industrie alimentaire. Par contre, on peut sensibiliser les responsables et les encourager à limiter les additifs, comme ce fut le cas pour les sucres ajoutés. Ce serait déjà un grand pas en avant. Le slow cooking, autrement dit la cuisson lente à basse température, pourrait également avoir un effet positif sur l’inflammation chronique de l’intestin.

Quelques conseils

  • Mangez frais et sain.
  • Privilégiez les fibres, garantes de la bonne santé du système digestif et de la flore intestinale. Elles sont par contre déconseillées aux personnes atteintes de la maladie de Crohn avec rétrécissements intestinaux!
  • Évitez de consommer trop de viande rouge, trop de sucre, des softs et des plats industriels préparés.
  • Essayez le slow cooking: cuisez vos aliments lentement à basse température.
  • Arrêtez de fumer. Le tabac favorise les inflammations.
  • Ne prenez des antibiotiques que si c’est absolument indispensable.
  • Une supplémentation en vitamine B12 et en fer peut s’avérer utile chez les patients Crohn pour pallier une possible carence nutritionnelle.

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