Ces régimes qui font grossir

On entreprend en général un régime dans l’espoir d’éliminer quelques rondeurs. Sans s’imaginer qu’on risque de gagner des comportements aberrants et, surtout, des kilos en bonus... Le point sur les dangers méconnus des régimes.

Catherine Grangeard, psychanalyste et psychologue française, ne mâche pas ses mots quand elle évoque les  » vendeurs  » de régimes.  » Il s’agit d’un vrai commerce, qui exploite la vulnérabilité d’une personne en promettant une réussite sans faim et sans envie. C’est de la malhonnêteté et c’est inacceptable !  » La victime, celle qui rêve de rentrer dans son maillot dès l’été, est prête à toutes les privations pour y parvenir.  » Elle recherche inconsciemment une sécurité intérieure, une force de l’ordre... Elle est rassurée de recevoir des prescriptions claires vu qu’elle s’imagine faible et peu raisonnable de par son surpoids et ses échecs antérieurs. Et si elle suit une méthode à la mode, elle se persuade de son efficacité vu que des milliers de personnes la respectent.  » Pour adopter les règles de ces vendeurs de silhouette de rêve, pas besoin de compliquer les promesses.  » Plus le message est simple, plus l’adhésion est renforcée. Et ces régimes sont attrayants car ponctuels et rapides : on se dit qu’on ne doit pas être indéfiniment sage. « 

95 % d’échec

Bernard Waysfeld, médecin nutritionniste et psychiatre, s’amuse à rappeler que les gourous se suivent et se ressemblent... au niveau des résultats.  » De nouveaux régimes apparaissent tous les cinq ans. Il y a Atkins, la chrononutrition, Montignac, Dukan... Des modes qui finissent toujours par s’effondrer... jusqu’à la prochaine, encore plus tentante. Ce qui explique pourquoi 28 % des femmes et 14 % des hommes ont déjà suivi plus de 5 régimes ! « 

Ces approches sont toujours basées sur un principe de base expliquant que les légumes sont bons et les gâteaux, nocifs.  » Or, c’est la dose qui pose (ou non) problème. Qui plus est, il est impossible de se priver totalement d’un aliment. Cela fait trente ans qu’on sait que ça ne marche pas ! Lors d’un régime très restrictif, on finit toujours, en cas de fatigue, d’exposition à des mets  » interdits  » par craquer et, du coup, en manger deux fois plus...  » Ce qui aboutit à un effet yo-yo.

 » Dans 95 % des cas, les personnes qui ont perdu des kilos suite à un régime amaigrissant reprennent leur poids de départ après quelques années (4 à 10 ans). Voire souvent avec un bonus « , déplore le Dr Jean- Michel Lecerf, médecin nutritionniste et endocrinologue au Service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille.

La science contre la conscience

Quelle serait alors la solution pour se débarrasser de ses rondeurs de l’hiver au retour des beaux jours ? Catherine Grangeard admet ses limites.  » Dans les écoles de diététique, on enseigne toujours les approches inefficaces. On évoque encore le IMC, le poids... Mais jamais la qualité de vie, l’apprentissage du plaisir, de la satiété.

Les messages raisonnables (manger moins, réduire les apports caloriques, bouger plus...) ne suffisent pas aux personnes les plus vulnérables. Elles ne font pas le poids face aux régimes bidon, qui promettent monts et merveilles.  »

Si ces diètes miracle sont vouées à l’échec, c’est parce qu’elles ne visent  » que  » la perte du poids, sans jamais tenir compte des individualités, des histoires personnelles, des causes. Elles sont trop peu personnalisées, trop restrictives, trop compliquées à suivre, trop stigmatisantes, imposant parfois l’isolement pour manger ses radis, ses poudres hypocaloriques ou ses blancs d’oeuf sans être confronté aux tentations ou aux questions gênantes.

Un sentiment d’échec

Et que ressent l’adepte du régime qui, après une perte de poids, voit l’aiguille de la balance repartir dans le mauvais sens ?  » Un terrible sentiment d’échec, souligne Catherine Grangeard. Il s’en veut, il a encore raté son objectif, il culpabilise énormément. Il est toujours persuadé qu’il est l’unique fautif. « 

Or, cette reprise de poids n’étonne pas vraiment la psychanalyste.  » La personne en surpoids accepte, sous les recommandations de son  » vendeur de régime « , de se restreindre durant quelques semaines ou quelques mois. Mais elle ne change pas ses habitudes.

Elle ne cherche pas à comprendre pourquoi elle mange trop et/ou mal. Elle n’apprend pas à respecter sa faim et son plaisir gustatif... Elle ne résout pas ses difficultés par rapport à la nourriture et n’est donc pas apte à se ré-approprier son assiette. « 

Pour la pro des mots, une personne qui consulte pour ses kilos en trop doit d’abord être écoutée.  » L’excès de poids peut être un symptôme et tout symptôme a une explication. Se plaindre de ne pas parvenir à perdre 6 kg exprime parfois un traumatisme plus profond. Penser que les rondeurs vous empêchent de trouver un amoureux ou un boulot est plus aisé que de décrypter des causes trop intimes... Trouver du plaisir immédiat via le frigo reste plus simple que d’admettre l’insatisfaction de son existence. « 

Un suivi à long terme

La psy pointe également un élément propre à l’alimentation.  » On sait que si vous désirez arrêter de fumer ou de boire de l’alcool, mieux vaut viser l’abstinence totale que des mini-quantités. Il n’est évidemment pas possible de renoncer complètement à manger ! Il faut alors entamer une démarche plus en profondeur.  » Elle reste sceptique par rapport aux éventuelles prédispositions génétiques à grossir.  » Au fil de mes consultations, les obèses admettent généralement qu’ils ingèrent de trop grandes quantités de nourriture. »

Quelles solutions proposer à ceux qui ont épuisé autant de régimes différents que de tablettes de chocolat ?  » Il faut être prêt à rechercher les causes réelles de l’obésité.  » Pour cela, plusieurs approches simultanées sont nécessaires.  » Ce serait malhonnête d’affirmer qu’on peut perdre du poids et conserver cet acquis sans gros efforts. Il faut respecter une hygiène de vie permanente. Pour cela, un travail pluridisciplinaire, exigeant la double approche du corps et de l’esprit, est indispensable. Donc, celle d’un nutritionniste et d’un psy afin de viser le bien-être. « 

Une perte de poids peut nuire à votre santé

Aujourd’hui, impossible d’ignorer les dangers liés à l’obésité, ni de savoir que cette épidémie est en constante croissance dans nos pays industrialisés. Dès lors, un rapport médical (celui de l’Agence nationale de sécurité sanitaire française) osant affirmer que les régimes sont dangereux peut paraître étonnant, voire paradoxal !

 » Non, explique le Dr Jean-Michel Lecerf, ayant participé à ce rapport. Il faut admettre que les moyens utilisés pour perdre du poids ne sont pas toujours appropriés. Que comme dans tout traitement, il y a des effets secondaires. Et suivre un régime n’échappe pas à cette réalité.

Chez les personnes ne souffrant pas d’obésité, entreprendre un régime peut conduire à de sérieux déséquilibres. Au niveau métabolique, osseux et comportemental...  » En effet, les suivis trop restrictifs ne permettent pas d’atteindre les apports conseillés en nutriments, en fibres, en vitamines, en minéraux, en glucides, en lipides. Ce qui augmente les risques de yo-yo mais aussi d’affections cardiovasculaires et de pathologies osseuses avec perte quasi systématique de la masse osseuse et musculaire.

Ingurgiter un excès de protéines et de sel élève le risque cardiaque, rénal et hépatique, voire la possibilité de cancers.  » Ces dangers sont bien sûr difficiles à prouver. Qui plus est, si on respecte ces prescriptions durant une courte période, il n’y a pas de souci. Mais elles sont souvent suivies à long terme, les femmes enchaînant les rechutes et donc les phases d’attaque... toute leur vie. « 

Une porte d’entrée vers l’obésité

Bien sûr, le problème, ce n’est pas le régime ! C’est le régime mal prescrit, mal appliqué, mal compris, excessivement restrictif, impossible à respecter à long terme, etc. Comme il est voué à l’échec, il est souvent suivi d’un autre régime, encore plus strict... Ce qui représente une porte d’entrée

vers l’obésité, surtout si, en démarrant ce processus, il n’existe pas de réelle nécessité médicale à maigrir.

 » La reprise de poids est fréquemment observée après des diètes folkloriques. Cet élément prouve déjà l’inutilité des régimes. Plus grave encore, ces restrictions entraînent une augmentation de la masse grasse. En effet, une étude de 2011 prouve que la perte d’un kilo de graisse provoque aussi la perte de 260 grammes de muscle. Et ce, quel que soit le régime (y compris l’hyper-protéiné). Or, lors de la reprise du poids, les personnes récupère leur kilo de graisse mais ne reconstruisent que 120 gramme de muscle. On imagine donc qu’au fur et à mesure des périodes yo-yo, la fonte des muscles s’accroit. On évoque alors une obésité sarcopénique. « 

Comment échapper à la reprise de poids ? Pour le médecin lillois, les solutions sont simples :  » Nous prônons des approches prudentes, nous conseillons de se préoccuper de son poids mais sans rentrer dans le cercle vicieux des régimes restrictifs. Mais surtout de ne pas accumuler progressivement des kilos. Nous savons aujourd’hui que nous devons prendre en compte les diversités des causes de surpoids et les individualités. Avec, comme priorité, la prescription toujours actuelle d’Hippocrate : Primum non nocere. D’abord, ne pas nuire... parce qu’en terme de rondeurs, la fin ne justifie pas non plus toujours les moyens !

A lire :

Comprendre l’obésité, Une question de personne, un problème de société, Catherine Grangeard, Albin Michel, 350 pages, 16,90 ?.

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