On peut expérimenter la puissance de ses ressources intérieures par la pratique du yoga, de la méditation et du taekwondo. © MAURIZIO MONTANI

Augmentez vos capacités d’autoguérison

Julie Luong

Dans « Docteur Vous », Jeremy Howick, chercheur spécialiste de l’empathie, nous incite à troquer l’armoire à pharmacie contre une bonne dose de confiance en la vie.

Si vous saviez que votre corps produit sa propre morphine, prendriez-vous autant d’aspirine – qui peut causer des hémorragies gastriques – pour un simple mal de tête ? Si vous saviez que rencontrer un ami a le même effet biologique sur la dépression que prendre un médicament, seriez-vous moins porté à prendre du Prozac – dont les effets secondaires vont du dysfonctionnement sexuel aux tendances suicidaires ? Telles sont les questions soulevées par Jeremy Howick, directeur du « Oxford Empathy Program » de l’Université d’Oxford et auteur de « Docteur Vous. Les bases scientifiques de l’autoguérison «  (Les éditions de l’Homme, 2019).

Suivant les principes du développement personnel, Jeremy Howick suppose que nous possédons en nous la clef de la plupart de nos problèmes de santé, qui ne sont peut-être que la manifestation d’un déséquilibre atteignant notre corps et notre esprit. Grand anxieux de nature, l’homme a lui-même expérimenté la puissance de ses ressources intérieures par la pratique du yoga, de la méditation et du taekwondo. Il encourage chacun à reprendre confiance dans les capacités de son propre corps à prévenir la plupart des maladies et, parfois, à les surmonter. S’il se garde de promesses déraisonnables, Jeremy Howick affirme cependant que sans empathie et sans un sérieux travail sur soi-même, la médecine ne pourra pas grand-chose pour nous...

Votre livre a pour pour but de nous redonner confiance : nous avons des ressources pour nous prémunir de la maladie.

Le corps a un pouvoir immense d’autoguérison. Il possède sa propre usine de médicaments, ses propres chirurgiens, ses propres psychologues. Mon hypothèse est que nous pouvons améliorer ce pouvoir d’autoguérison.

Aurions-nous perdu ces capacités d’autoguérison au cours du temps ?

C’est tout le paradoxe. Nous avons des médicaments modernes très puissants, mais nous avons oublié qu’il est impératif de faire attention à soi, de se reposer. Les études ont par exemple montré que les antidouleurs sont à peine plus puissants que les placebos. Pourquoi ? Parce que nous ne pouvons séparer l’esprit et le corps. Les médicaments s’adressent aux causes physiques mais dans le cas de la douleur chronique, il y a toujours des dimensions sociales et psychologiques. Autre exemple : on sait aujourd’hui qu’être isolé socialement est aussi nocif pour la santé que le tabac.

Que peut-on mettre en place concrètement pour prendre soin de sa santé sans passer par les médicaments?

L’altruisme permet à la fois d’aider quelqu’un d’autre, mais aussi d’améliorer notre propre santé mentale et physique. Il y a souvent quelqu’un dans notre entourage qui a besoin d’aide, mais généralement nous ne considérons pas cela comme une priorité. C’est sans doute une erreur. La deuxième chose, c’est la relaxation. Aujourd’hui, nous sommes en permanence stressés par les réseaux sociaux, la surcharge de travail, etc. Or, votre corps est comme votre téléphone portable : c’est un ordinateur très puissant mais si vous voulez qu’il continue à fonctionner, il faut le recharger. Cela passe par des choses très simples : soupirer de satisfaction, respirer lentement pendant dix minutes, etc. La troisième chose, c’est de se montrer aussi empathique envers nous-mêmes que nous le sommes envers nos chats ou nos chiens. Quand notre animal de compagnie fait une bêtise, nous ne lui en tenons pas rigueur plus de quelques minutes. Mais quand nous-mêmes faisons une erreur, nous nous en souvenons chaque jour, et parfois toute notre vie.

80% des gens qui consultent leur généraliste n’ont pas besoin d’une ordonnance !

La dimension d’empathie est également essentielle dans la relation entre un patient et son médecin.

80% des patients qui consultent leur généraliste n’ont pas besoin d’une ordonnance mais d’une dose d’empathie. La majorité des problèmes sont de l’ordre de la douleur chronique, de la dépression, de l’anxiété. L’empathie peut souvent suffire. Et même quand elle ne suffit pas, elle améliore les effets de la prise en charge.

Selon vous, les effets de l’empathie et de l’altruisme sur la santé peuvent être démontrés scientifiquement.

Je travaille à apporter des preuves scientifiques à ce que beaucoup d’entre nous pensent instinctivement. Il faut faire confiance à nos cinq sens. Chacun peut essayer de respirer dix minutes plus lentement chaque jour et observer les effets de cette pratique sur sa santé.

Le travail sur soi ne suffit pas toujours à prévenir la maladie.

Ma mère est décédée d’un cancer. Ni les meilleurs médicaments ni mon livre ne peuvent guérir toutes les maladies, mais je n’ai jamais oublié cette image de ma mère qui voulait poser une question à son oncologue, lequel avait déjà fait demi-tour et posé la main sur la poignée de la porte. Est-ce que ma mère aurait guéri si ce médecin avait eu plus d’empathie ? Bien sûr que non. Mais cela aurait amélioré sa qualité de vie à ce moment-là. Du reste, je pense qu’on peut contribuer à prévenir beaucoup de cancers en faisant des exercices de relaxation et en adoptant un mode de vie équilibré. Les études montrent que chez les hommes avec des risques génétiques du cancer de la prostate, un programme intensif de véganisme, de retraites et de yoga peut s’avérer préventif. Nos gènes ne déterminent pas qui nous sommes : nous pouvons changer l’expression de nos gènes et réduire le risque génétique de plusieurs cancers. Avec de grands efforts, je pense qu’on obtient de grands effets. Mais les petits efforts ont aussi un impact. A ceux qui prétendent qu’ils n’ont pas le temps de faire des exercices de respiration ou de faire attention à leur alimentation, je réponds qu’ils n’ont pas le temps de ne pas le faire !

Les dérèglements du système immunitaire semblent en effet à l’origine de nombreuses pathologies contemporaines comme le cancer ou les maladies auto-immunes.

On sait aujourd’hui qu’en cas de stress chronique, le système immunitaire se dérègle. Je crois réellement qu’on peut diminuer le risque si on joue sur ce facteur. Je remarque que chez les médecins, on est de plus en plus ouvert à ces approches, d’autant que le monde médical est lui-même exposé à de nombreux problèmes de stress et de burn-out. On se rend à l’évidence : l’approche biomédicale coûte de plus en plus cher... avec des résultats de moins en moins bons.

Chacun peut-il renforcer ses capacités d’autoguérison ?

Bien sûr, il est plus facile de modifier son corps que de modifier son esprit par la pensée positive. Les moines qui méditent quatre fois par jour développent des capacités impressionnantes : ce sont la patience et la persistance qui paient.

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